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dimanche 1 février 2015

L’éléphant (1)



« Mon âme ne connaîtra de paix que lorsqu’on aura empalé le dernier éléphant sur la corne du cadavre du dernier rhinocéros »
Saint François d’Assise, in Pour en finir avec les pachydermes

L’éléphant a ceci de commun avec le tigre, l’otarie, le chameau et le clown d’être très rare à l’état sauvage dans les collines du Mortainais, les quelques spécimens qu’on peut y observer appartenant généralement à des cirques de passage au triste spectacle desquels nul n’est contraint d’assister. Son absence explique en grande partie mon choix d’y résider. Il se trouve que de longues années de réflexion sur le sujet m’ont conduit, à l’instar du Poverello,   à concevoir vis-à-vis des pachydermes en général et de ce proboscidien en particulier une aversion qu’on ne saurait qualifier de phobique tant elle est rationnelle.

Quoi de plus disgracieux, de plus nuisible et de plus grossier qu’un éléphant qu’il soit d’Afrique d’Asie, de Limoges* ou socialiste ? Déjà son nom devrait nous mettre en garde : il est en effet dérivé du grec ἐλέφας signifiant à la fois ivoire et, par synecdoque, éléphant. Le seul choix de cette figure de style montre à quel point cette bête est prête à tout pour s’arroger une valeur qu’elle n’a pas. Notons au passage que le preux Roland, pour appeler à sa rescousse son Charlemagne de tonton, souffla dans son olifant. Or qu’est-ce qu’un olifant, sinon une déformation du nom de cet infâme pachyderme ? Comment s’étonner dès lors que personne ne vint le secourir à temps ? N’ayant pas été élevé à la cour d’Aachen, je ne me serais jamais permis une pratique aussi révoltante dont les effets en matière de son équivalent à ceux qu’on obtient en pissant dans un violon. Mais foin de digressions, venons-en aux tristes faits.

L’éléphant d’Afrique vit soit dans la savane, soit dans la forêt. Dans l’un et l’autre cas, il fait l’objet d’une chasse sans merci tant le fier homme des plaines herbeuses et le vorace pygmée sont friands de sa chair dont le goût rappelle celui de la girafe avec en plus des arômes de fruits rouges et de balayures d’atelier de mécanique générale. Bien que de petite taille, le pygmée est doté d’un solide appétit : un éléphant cuit à la broche est le repas traditionnel qu’offre un célibataire à son futur beau-frère en vue d’obtenir son soutien lorsqu’il demandera la main de sa sœur (les oreilles et la queue, peu digestes sont données aux chiens ou aux matadors de passage qui en raffolent).

 Seulement, cet ingrédient de base de la gastronomie africaine (nous ne saurions trop recommander l’éléphant et son coulis de mangue cuisiné en papillote) présente en dehors de ses éminentes qualités gustatives un intérêt économique certain du fait qu’il fournit un sous-produit appelé la défense. Après avoir constaté que, quel que soit le temps de cuisson qu’on lui consacre, la défense demeurait indigeste, l’homme préhistorique remarqua qu’elle pouvait être utilisée pour façonner divers objets comme des boules de billards ou des statuettes dont l’aspect rappelait celui des plastiques les plus fins. Les Grecs, furent également séduits par cette matière au point d’orner leurs temples de monumentales statues chryséléphantines (pour ceux qui se seraient montrés distraits lors de leurs cours d’histoire de l’art grec : faites d’or et d’ivoire). Celle qui ornait le temple de Zeus à Olympie, œuvre de Phidias, fut même considérée comme la troisième merveille du monde, ce qui n’est pas rien. Ce goût pour l’ivoire perdura et mena à la création d’un trafic hautement rémunérateur qui connut une grande expansion avec la propagation des armes à feu. En effet, sa chasse traditionnelle, qui s’opérait à l’aide d’une épuisette, requérait une nombreuse main d’œuvre et donc en augmentait considérablement le coût. De nos jours, une balle dum dum entre les deux yeux, deux coups de tronçonneuse et l’affaire est dans le sac. Quel progrès !  Seulement, à force de se faire braconner, l’éléphant vit son nombre se restreindre dangereusement et des âmes généreuses prirent sa défense (ce qui est paradoxal vu que c’était exactement ce qu’on reprochait aux braconniers). Le commerce de l’ivoire fut prohibé mais le massacre continua.

*L’espèce a heureusement disparu suite à la chasse dont il fut l’objet de la part des porcelainiers dont il ravageait les magasins.

22 commentaires:

  1. A Limoges les porcelets sont plus appréciés ...

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    1. Les porcs hellènes qu'on importe de Grèce sont en effet très prisés des Limougeauds.

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    2. Tandis que les ports grecs deviennent chinois !...

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  2. Quand arrivera lectoue des éléphants du PS? Un certain Frederick Courtney Selous aurait partagé votre avis en chassant cet animal avec un fusil de calibre 4 même si vers la fin de sa vie il en arriva au constat que vous faîtes : les éléphants disparaissent.

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    1. Je ne les ai cités que pour mémoire, chose bien normale quand on parle d'éléphants.

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  3. Au final ...ça reste une question de calibre comme le mentionne grandpas , et aussi Dominique question de masse ! Et aussi il restera des écrits , des pensées qui ne disparaitront jamais , telles les vôtres , merci .

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    1. Merci d'anticiper sur une postérité qui me rendra justice.

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  4. Je n'apprécie pas ces moqueries à l'égard des éléphants. Ce sont des animaux susceptibles, il n'est pas étonnant qu'ils disparaissent dès qu'ils lisent de semblables diatribes. Les braconniers ne sont pour rien dans cette disparition. Êtres incultes, ils seraient bien en peine de proférer ce genre d'insultes.
    J'ajoute que votre texte choque mes convictions religieuses qui me portent vers l'adoration de Ganesh (le seul dieu qui ressemble à Babar). Contrairement à d'aucuns, je ne veux pas la mort du blasphémateur surtout s'il se repent. Pour vous éviter d'éventuelles représailles, je vous conseille de chanter à haute voix en présence d'au moins trois témoins cette profession de foi:
    J'aime Papa
    J'aime Maman
    J'aime mon p'tit chien, mon p'tit chat, mon p'tit frère
    J'aime Papa
    J'aime Maman
    J'aime ma p'tite sœur et mon gros éléphant.
    Allez! Et ne péchez plus.

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    1. C'est chose faite, mais je crains que mon repentir ne soit que de surface.

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  5. ouaip ! Et en lpus... en slup... en plus, ils sont d'un dose routeux... d'un rose douteux.

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  6. Me faut-il hélas être le seul sérieux, ici ? Mon cher Jacques, j'ignore d'où vous sortez cette citation de saint François d'Assise, mais elle mérite d'être dite et redite. Néanmoins, si elle m'a mis aux anges, la suite semble beaucoup plus sérieuse. Je crains que vous abusiez du datura, comme ça, en loucedé. Et je ne saurai tolérer que vous n'en fissiez profiter vos plus fidèles lecteurs, je vous le dis tout net.

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    1. Vous m'avez fait découvrir cette plante et ses redoutables propriétés. J'en ignorais jusqu'au nom...

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  7. Et rien sur Baby et Népal, les deux éléphantes du Parc de la Tête d'Or de Lyon, courageusement condamnées par le Préfet à être euthanasiées pour cause de tuberculose présumée mais non prouvée, et ignominieusement sauvées par la Princesse Stéphanie de Monaco.

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  8. Et voilà! Bravo! C'est réussi! J'ai pissé dans mon pantalon!
    On devrait interdire la publication de ce genre de chose!
    En tout cas c'est remarquablement drôle, merci.
    Amitiés.

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    1. J'espère pour votre pantalon parvenir à être moins drôle demain.

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    2. Il n'y a qu'à vous lire aux cabinets, sur tablette -bon, je sors... Je plaisante, mais il s'en est fallu de peu que mon caleçon subisse le même sort que le pantalon de Nouratin (enfin, cela ne veut pas dire que Nouratin a menacé de m'arroser, hein, n'allez pas croire cela !)

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  9. A considérer ces joyeuses réflexions sur le Cheval puis l ' Eléphant , je me demande bien
    quelles vont être vos remarques ironiques sur l ' Ornithorynque ???
    Oui , je sais , ils sont rares en Normandie ...

    Jérôme

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  10. Mais ou sont les éléphants Hannibal et ceux des moghols qui permirent à ces derniers de vaincre les armées de la horde d'or.

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  11. Il en sera question dès demain. Un peu de patience, que diable !

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