Hier soir, comme ça arrive à peu près deux fois par mois, j’ai
eu une longue conversation téléphonique avec ma fille. Nous avons parlé
bouquins, politique, boulot (pour elle), grand-mère (les « aventures »
de mon ex-belle-mère sont un sujet
inépuisable et toujours réjouissant) de tout et de rien, comme d’habitude. Nous
nous entendons très bien et ces échanges
sont très agréables, même quand nos
opinions divergent sur certains points de détail. Elle occupe le poste de DRH
dans un grand magasin de province et, alors qu’elle évoquait un des nombreux sujets
de discorde entre la direction et les représentants du personnel, nos avis
différèrent ce qui me valut la remarque suivante : « Tu es quelqu’un du siècle dernier ! ». Loin de m’en
offusquer, je ne pus qu’admettre cette évidence : étant né en 1950, j’ai
été formé et ai passé l’essentiel de ma vie professionnelle (et probablement de
ma vie tout court) au XXe siècle. Ensuite,
j’ai réfléchi à ce constat…
Est-ce vraiment à cause de mon appartenance à ce temps
révolu que j’ai certaines conceptions de la hiérarchie ou bien faut-il en
chercher la genèse autre part ? Contrairement à M. Noiret dans Coup de torchon, à force de réfléchir,
je suis arrivé à une conclusion et celle-ci est claire, nette et précise :
si je n’ai jamais attendu de mes supérieurs qu’ils soient exemplaires et me
suis, passée ma prime jeunesse, abstenu
de participer à tout mouvement revendicatif, ce n’est pas dû à mon appartenance
à une quelconque génération mais plutôt à mon tempérament profondément individualiste.
Une grande partie de la génération
soixante-huitarde à laquelle volens nolens j’appartiens et sur laquelle
certains jeunes font peser la responsabilité de tous nos malheurs actuels,
avait un sens très développé de la revendication et de l’action collective.
Elle se voulait antihiérarchique, « libertaire », collectiviste. Tout
ce que je ne suis pas.
Ce que je demande à un dirigeant à quelque niveau que ce
soit, c’est de diriger et non d’être un parangon de vertu. Il y a bien
longtemps que je n’ai pas ressenti le besoin de « modèles ». Tant que
je suis d’accord avec ses options et quelque soit la manière qu’il prend pour
les atteindre, je suis. Si, avec ou sans l’assentiment de ses subordonnés, il
me semble qu’il va dans le mur ou qu’il m’y mène, je quitte. Ainsi ai-je
démissionné trois fois dans ma vie et cela sans avoir de solution de
remplacement. J’ai toujours fini par en trouver de plus ou moins
satisfaisantes. Je n’ai jamais hésité non plus, du moins quand je le jugeais
utile, à exprimer mes divergences,
souvent ironiquement, à ma hiérarchie. Ça ne s’est pas toujours bien passé,
mais qu’importe ? A mes yeux, le rapport qu’on entretient avec ses
supérieurs est individuel. Dans une grande structure, le dirigeant immédiat ne fait souvent que
mettre en application des directives venues d’en haut. Il se peut que lui-même les désapprouve. En ce
cas, il peut tenter de les contourner ou s’y soumettre à regret en attendant d’hypothétiques
« jours meilleurs ». On ne
saurait donc lui en vouloir personnellement mais il n’empêche que, quand le
désaccord devient insupportable, et que la direction prise l’est avec l’assentiment
enthousiaste, tacite ou résigné de la majorité des parties prenantes, il
devient impossible de rester en place.
Je ne crois pas que ma conception des choses soit celle d’un
siècle ou d’un autre. Je crains même qu’elle n’ait été de mode à aucune époque
tant le grégarisme est une tendance constante de l’humain. Idéalement, je crois que plutôt que pour
diriger ou être dirigé, j’étais fait pour être rentier ou à l’extrême rigueur travailleur
indépendant…
Oui oui oui rentier, c'est bien ça !
RépondreSupprimerPierre
Le seul problème est que ça demande de bonnes ressources... Que je n'avais pas.
SupprimerVous êtes jeune ! Il arrive également à ma fille et à son frère cadet d'ignorer le culte des mânes.
RépondreSupprimer« J’ai le droit d’exiger l’obéissance, parce que mes ordres sont raisonnables. »
Antoine de Saint-Exupéry
Extrait du Petit Prince
André
D'accord avec la citation.
SupprimerPour ce qui est de la jeunesse... Il y a bien longtemps qu'on ne me demande aucune pièce d'identité quand j'achète de l'alcool et du tabac. Et c'est vexant.
J'aurais bien aimé, être moine contemplateur mais les formes rondes des petites dames m'auraient manqué.
RépondreSupprimerTsk! Tsk!
SupprimerVous vous y seriez fait à la longue.
SupprimerHeureux homme, vous auriez pu ne jamais être "quelqu’un du siècle dernier ".
RépondreSupprimerDans les entreprises, les "managers" ont remplacé les "chefs", il faut s'y faire , cela change tout !
On passe du statut de "trop jeune" à celui de "trop vieux" sans même sans rendre compte. Expérience vécue.
Je vous souhaite longue vie. Et que votre fille surveille bien ses arrières.
JPB
Un de mes profs à la fac nous avait donné ce précieux conseil : "Avant trente ans, vous êtes un jeune con, après quarante ans, vous êtes un vieux con. Si vous avez quelque chose à faire de votre vie, faites-le entre 30 et 40 ans !"
SupprimerVous ne seriez pas Capricorne?
RépondreSupprimerNon Balance. J’oscille entre divers excès...
SupprimerAh mais vous étiez donc une forte tête ! L'idée me réjouit au-delà de ce que vous pouvez imaginer.
RépondreSupprimerForte tête ou mauvais caractère. Ça a fini par s'adoucir avec le temps et les circonstances.
SupprimerJe me souviens de mes grands-parents que je considérais à juste titre et très affectueusement
RépondreSupprimercomme des "gens du siècle dernier" (il s'agissait alors du XIXème). A la réflexion, je crois que
c'est un privilège d'avoir connu et fréquenté des gens des siècles passés mais on ne s'en rend
sans doute compte qu'après avoir acquis un peu de bouteille.
Et rentier c'est ce qu'il y a de mieux, je m'en aperçois depuis que j'ai cessé tout travail à visée
alimentaire.
Amitiés.
J'adore la situation de rentier. Il n'y a rien de mieux sur terre et probablement ailleurs.
SupprimerAnarchiste individualiste?
RépondreSupprimerLes anarchistes ont tendance à remettre en cause toute hiérarchie et tout pouvoir. Ce n'est pas mon cas. Individualiste ? Totalement !
SupprimerExcellent prétexte pour réécouter "Le moyenâgeux" et "Le Pluriel" de Georges Brassens !...
RépondreSupprimerIl y a beaucoup d'excellentes choses chez MONSIEUR Brassens.
SupprimerPermettez moi un petit retour en arrière à propos du Danemark !
RépondreSupprimerBillet et ses commentaires lus avec quelque retard ...
A propos de sirène, j'y attendais on ne peut plus logiquement une contribution de Suzanne ?
Chanson à ne pas confondre avec celle des sirènes du port d'Alexandrie ...
Et quid de la contribution au patrimoine gastronomique de l'humanité que sont le foie de morue et les produits de jambon des marques respectives Bornholms et Tulip fournisseuses officielles de la cour royale danoise ?
Il paraitrait même qu'ils gavent les morues ... si si .... avec des bulbes de tulipes
SupprimerPierre