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mardi 2 décembre 2014

Chapeau bas, Mr Waugh !




Dedicated to M. Goux whose enlightened advice made me discover this author.

Je l’ai reçu hier midi et viens de le finir : il s’agit du second livre et du premier roman d’Evelyn Waugh, Decline and fall  (Le déclin et la chute) dont il existe une traduction nommée Grandeur et décadence que l’on trouvera chez  tous les bons Amazon. Au contraire de Wodehouse, Waugh ne met pas un point d’honneur à utiliser la langue alambiquée et fleurie des aristocrates de la première moitié du siècle dernier avec pour conséquence de faciliter le travail du traducteur et, s’il a quelque talent, d’éviter que le lecteur français ne se voit servi un récit ayant perdu beaucoup de ses couleurs d’origine. Le burlesque, si l’on excepte le nom des personnages, est bien moins dans le verbe que dans la nature de ses personnages.



De quoi s’agit-il ? Des aventures sur un peu plus d’un an du jeune Paul Pennyfeather. Il va lui en arriver des choses à ce jeune étudiant en théologie ! Je laisserai à ceux qui le  souhaitent le soin de découvrir lesquelles. Il s’agit d’un roman initiatique où, après quelques dramatiques vicissitudes le héros revient à son point de départ, transformé. Il y a du Candide et du Picaro chez Paul. Les êtres pour le moins bizarres qu’il rencontre dans la première partie et qui lui racontent leur vie réelle ou supposée, il ne cessera, sauf quand ils connaissent une fin tragique, de les croiser pour les perdre de vue avant qu’ils ne reviennent dans les deux parties suivantes suite à des hasards aussi invraisemblables que n’est leur caractère. Si Waugh se livre à une critique sociale, il le fait avec humour. La société est injuste ? Le faible et le doux y sont écrasés par le méchant ou le puissant dans l’indifférence, voire même avec l’approbation,  générale. Elle est amorale ? Les vrais crapules s’en tirent toujours. L’auteur fait un portrait au vitriol d’une société de classes où seuls prospèrent riches et malhonnêtes. Mais attention, on dénonce avec le sourire et c’est ce qui fait l’intérêt du roman.  Plutôt que de vous indigner la comédie sociale provoque votre  sourire aigrelet ?  La Maison Waugh a en magasin de quoi vous satisfaire !



Tiens si ça peut vous distraire deux extraits traduits par votre serviteur, l’un bref et l’autre moins où le Docteur Fagan, directeur d’une école privée s’entretient avec le héros :


« - Si j’ai bien compris, vous avec quitté l’Université un peu précipitamment. Et pourquoi donc ?

C’était la question que Paul redoutait et, fidèle à sa formation, il avait décidé d’être honnête.

-        - J’ai été renvoyé, monsieur, pour comportement indécent

-        - Vraiment ? Bon, je ne vous en demanderai pas le détail. J’ai appartenu suffisamment longtemps au corps enseignant pour savoir que nul ne le rejoint à moins qu’il n’ait pour cela une excellente raison qu’il s’empresse de cacher. Mais, soyons réalistes, M. Pennyfeather, il m’est difficile d’offrir 120 livres à quelqu’un qui a été renvoyé pour comportement indécent. Et si on fixait votre salaire à 90 livres, pour commencer ? »



«  - Le caractère gallois est intéressant à étudier, dit le Dr Fagan, j’ai souvent pensé écrire une petite monographie* sur le sujet, mais j’ai craint que cela puisse me rendre impopulaire dans le village. Les ignorants en font des Celtes mais c’est évidemment totalement erroné. Ils sont de pure race Ibérienne c'est-à-dire de celle des habitants originels de L’Europe qui ne survivent qu’au Portugal et au Pays Basque. Les Celtes se marient volontiers avec les peuples voisins et les absorbent. Depuis les temps les plus reculés, les Gallois ont été jugés répugnants. C’est ainsi qu’ils ont conservé leur pureté raciale. Leurs fils et leurs filles s’accouplent volontiers avec les moutons mais, en dehors de leurs frères de race, jamais avec les humains. Au Pays de Galles, point ne fut besoin  de législation pour éviter que les conquérants ne se mariassent avec les conquis. Ce fut nécessaire en Irlande car là ces mariages étaient un problème politique. Au pays de Galles, c’était une question morale. J’espère, soit dit en passant, que vous n’avez pas de sang gallois ?

-        - Pas la moindre trace, répondit Paul

-       - J’étais certain que vous n’en aviez pas mais on n’est jamais trop prudent. Il m’est arrivé une fois d’évoquer la question avec les terminales avant d’apprendre que l’un d’eux avait une grand-mère galloise. J’ai bien peur que cela n’ait terriblement blessé ce pauvre garçon. Notez qu’elle était originaire du Pembrokeshire, ce qui change tout. Je pense souvent, continua-t-il, que tous  les désastres de l’histoire anglaise trouvent leur origine au pays de Galles. Souvenez-vous d’Édouard de Carnarvon, le premier Prince de Galles, de sa vie de pervers, Pennyfeather, et de sa mort inconvenante, ensuite des Tudor et de l’abolition de l’Église et encore de Lloyd George et de ses ligues de tempérance, de la non-conformité et de la luxure marchant main dans la main, répandant dans le pays les ravages et la désolation. Mais peut-être pensez vous que j’exagère ? J’ai tendance, je l’admets, à laisser les mots m’emporter…

-        - Pas du tout, dit Paul.

-       - Les Gallois, dit le docteur, sont la seule nation au monde  à n’avoir produit aucun art graphique ou plastique, aucune architecture, aucune œuvre dramatique. Ils ne savent que chanter, dit-il avec dégoût, chanter et souffler dans des instruments à vent argentés. Ils sont malhonnêtes parce qu’ils ne savent pas discerner le vrai du faux, dépravés parce qu’ils ne voient pas les conséquences de leurs excès."


* NdT : le bon docteur mettra son projet à exécution et ça deviendra un best-seller !

20 commentaires:

  1. Et que pense l'emblèmatique Hercule Poirot du Pays de Galles et de ses Gallois ?...

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  2. je vais aller voir ce qu'ils détiennent dans ma bibliothèque municipale

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    1. Avec le réseau des bibliothèques, vous devriez avoir tout ce qui est paru.

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  3. Les archers gallois ont quand bien servi les rois d'Angleterre lors de la guerre de cent ans notamment

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    1. Je ne saurais en aucun cas être tenu pour responsable des propos du Dr Fagan;

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  4. Je profite de votre titre pour rappeler que l'expression "avaler son chapeau" veut précisément dire "mettre chapeau bas" et non "manger son chapeau" comme continuent à l'écrire nombre de scribouillards ignares.

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    1. Je ne savais pas. On s'enrichit sans cesse à vous fréquenter.

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  5. Des quatre ou cinq romans de Waugh que j'ai lus pour le moment, le meilleur me semble être Retour à Brideshead.

    En tout cas, ravi que l'auteur vous ai plu.

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    1. Je vous ait compris !

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    2. Je vous hais ! Compris ?

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    3. @ Didier : j'ai commandé "Sword of honour (recueil de 3 romans) et "The Loved one". "Brideshead revisited" viendra ensuite.

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  6. Sacré Evelyne, va! Ça m'a tout l'air, en effet, d'une oeuvre telle qu'on les aime, avec des occasions
    de sourire à tous les coins de page. une belle trouvaille!
    Amitiés.

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