Dedicated to M. Goux whose enlightened advice made me discover this author.
Je l’ai reçu hier midi et viens de le finir : il s’agit du second livre et du premier roman d’Evelyn Waugh, Decline and fall (Le déclin et la chute) dont il existe une traduction nommée Grandeur et décadence que l’on trouvera chez tous les bons Amazon. Au contraire de Wodehouse, Waugh ne met pas un point d’honneur à utiliser la langue alambiquée et fleurie des aristocrates de la première moitié du siècle dernier avec pour conséquence de faciliter le travail du traducteur et, s’il a quelque talent, d’éviter que le lecteur français ne se voit servi un récit ayant perdu beaucoup de ses couleurs d’origine. Le burlesque, si l’on excepte le nom des personnages, est bien moins dans le verbe que dans la nature de ses personnages.
De quoi s’agit-il ? Des aventures sur un peu plus d’un
an du jeune Paul Pennyfeather. Il va lui en arriver des choses à ce jeune
étudiant en théologie ! Je laisserai à ceux qui le souhaitent le soin de découvrir lesquelles.
Il s’agit d’un roman initiatique où, après quelques dramatiques vicissitudes le
héros revient à son point de départ, transformé. Il y a du Candide et du Picaro
chez Paul. Les êtres pour le moins bizarres qu’il rencontre dans la
première partie et qui lui racontent leur vie réelle ou supposée, il ne
cessera, sauf quand ils connaissent une fin tragique, de les croiser pour les
perdre de vue avant qu’ils ne reviennent dans les deux parties suivantes suite
à des hasards aussi invraisemblables que n’est leur caractère. Si Waugh se
livre à une critique sociale, il le fait avec humour. La société est injuste ?
Le faible et le doux y sont écrasés par le méchant ou le puissant dans l’indifférence,
voire même avec l’approbation, générale. Elle
est amorale ? Les vrais crapules s’en tirent toujours. L’auteur fait un
portrait au vitriol d’une société de classes où seuls prospèrent riches et
malhonnêtes. Mais attention, on dénonce avec le sourire et c’est ce qui fait l’intérêt
du roman. Plutôt que de vous indigner la
comédie sociale provoque votre sourire
aigrelet ? La Maison Waugh a en
magasin de quoi vous satisfaire !
Tiens si ça peut vous distraire deux extraits traduits par votre serviteur, l’un
bref et l’autre moins où le Docteur Fagan, directeur d’une école privée s’entretient
avec le héros :
« - Si j’ai bien compris, vous avec quitté l’Université un
peu précipitamment. Et pourquoi donc ?
C’était la question que Paul redoutait et, fidèle à sa
formation, il avait décidé d’être honnête.
-
- J’ai été renvoyé, monsieur, pour comportement
indécent
-
- Vraiment ? Bon, je ne vous en demanderai
pas le détail. J’ai appartenu suffisamment longtemps au corps enseignant pour
savoir que nul ne le rejoint à moins qu’il n’ait pour cela une excellente
raison qu’il s’empresse de cacher. Mais, soyons réalistes, M. Pennyfeather, il
m’est difficile d’offrir 120 livres à quelqu’un qui a été renvoyé pour
comportement indécent. Et si on fixait votre salaire à 90 livres, pour
commencer ? »
« - Le caractère gallois est intéressant à étudier,
dit le Dr Fagan, j’ai souvent pensé écrire une petite monographie* sur le
sujet, mais j’ai craint que cela puisse me rendre impopulaire dans le village.
Les ignorants en font des Celtes mais c’est évidemment totalement erroné. Ils
sont de pure race Ibérienne c'est-à-dire de celle des habitants originels de
L’Europe qui ne survivent qu’au Portugal et au Pays Basque. Les Celtes se
marient volontiers avec les peuples voisins et les absorbent. Depuis les temps
les plus reculés, les Gallois ont été jugés répugnants. C’est ainsi qu’ils ont
conservé leur pureté raciale. Leurs fils et leurs filles s’accouplent
volontiers avec les moutons mais, en dehors de leurs frères de race, jamais
avec les humains. Au Pays de Galles, point ne fut besoin de législation pour éviter que les
conquérants ne se mariassent avec les conquis. Ce fut nécessaire en Irlande car
là ces mariages étaient un problème politique. Au pays de Galles, c’était une
question morale. J’espère, soit dit en passant, que vous n’avez pas de sang
gallois ?
-
- Pas la moindre trace, répondit Paul
- -
J’étais certain que vous n’en aviez pas mais on
n’est jamais trop prudent. Il m’est arrivé une fois d’évoquer la question avec
les terminales avant d’apprendre que l’un d’eux avait une grand-mère galloise.
J’ai bien peur que cela n’ait terriblement blessé ce pauvre garçon. Notez qu’elle
était originaire du Pembrokeshire, ce qui change tout. Je pense souvent,
continua-t-il, que tous les désastres de
l’histoire anglaise trouvent leur origine au pays de Galles. Souvenez-vous d’Édouard
de Carnarvon, le premier Prince de Galles, de sa vie de pervers, Pennyfeather,
et de sa mort inconvenante, ensuite des Tudor et de l’abolition de l’Église et
encore de Lloyd George et de ses ligues de tempérance, de la non-conformité et
de la luxure marchant main dans la main, répandant dans le pays les ravages et
la désolation. Mais peut-être pensez vous que j’exagère ? J’ai tendance,
je l’admets, à laisser les mots m’emporter…
-
- Pas du tout, dit Paul.
- - Les Gallois, dit le docteur, sont la seule
nation au monde à n’avoir produit aucun
art graphique ou plastique, aucune architecture, aucune œuvre dramatique. Ils
ne savent que chanter, dit-il avec dégoût, chanter et souffler dans des
instruments à vent argentés. Ils sont malhonnêtes parce qu’ils ne savent pas
discerner le vrai du faux, dépravés parce qu’ils ne voient pas les conséquences
de leurs excès."
* NdT : le bon docteur mettra son projet à
exécution et ça deviendra un best-seller !
Et que pense l'emblèmatique Hercule Poirot du Pays de Galles et de ses Gallois ?...
RépondreSupprimerCe que pense un pied bot d'un beau pied.
Supprimerje vais aller voir ce qu'ils détiennent dans ma bibliothèque municipale
RépondreSupprimerAvec le réseau des bibliothèques, vous devriez avoir tout ce qui est paru.
SupprimerLes archers gallois ont quand bien servi les rois d'Angleterre lors de la guerre de cent ans notamment
RépondreSupprimerJe ne saurais en aucun cas être tenu pour responsable des propos du Dr Fagan;
SupprimerDe Waugh, lisez "Scoop" !
RépondreSupprimerJe l'attends toujours, celui-là !
SupprimerJ'en prends bonne note !
SupprimerJe profite de votre titre pour rappeler que l'expression "avaler son chapeau" veut précisément dire "mettre chapeau bas" et non "manger son chapeau" comme continuent à l'écrire nombre de scribouillards ignares.
RépondreSupprimerJe ne savais pas. On s'enrichit sans cesse à vous fréquenter.
SupprimerDes quatre ou cinq romans de Waugh que j'ai lus pour le moment, le meilleur me semble être Retour à Brideshead.
RépondreSupprimerEn tout cas, ravi que l'auteur vous ai plu.
Je vous ait compris !
SupprimerJe vous hais ! Compris ?
SupprimerVoui !
Supprimer@ Didier : j'ai commandé "Sword of honour (recueil de 3 romans) et "The Loved one". "Brideshead revisited" viendra ensuite.
SupprimerWaugh le vicomte ?
RépondreSupprimerNon, Waugh le wicomte, pronunciation oblige.
SupprimerSacré Evelyne, va! Ça m'a tout l'air, en effet, d'une oeuvre telle qu'on les aime, avec des occasions
RépondreSupprimerde sourire à tous les coins de page. une belle trouvaille!
Amitiés.
Quand il ne s'agit pas de franc fou-rire !
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