Ce dernier week-end, en compagnie de ma chère Nicole et de l’héroïque
Elphy, un voyage épique m’amena au volant de ma puissante berline britannique à
m’aventurer en des contrées étranges à la rencontre d’éminents représentants de
la tribu des Eurois. Ce peuple rude quoique aimable et injustement méconnu habite
aux confins de la Normandie, un pays
nommé « Eure » auquel nous devons le fameux proverbe « Avant l’Eure,
c’est pas l’Eure, après l’Eure, c’est plus l’Eure ».
Le voyage fut long mais agréable nous faisant traverser des
paysages variés. Au bocage Virois, succéda la plaine de Caen, puis le pays d’Auge.
Nous aperçûmes en contournant Lisieux la basilique dédiée à Sainte Thérèse (qui
riait en pleine ascèse), avant d’atteindre Évreux, ville peuplée de drôles de
zèbres (les zèbres oïciens) et d’atteindre quelques verstes* plus loin le but
de notre périple.
Ce qui est frappant, chez l’Eurois, ce sont les rites de
bienvenue qui peuvent sembler étranges au non initié. Quand on arrive chez lui,
la coutume veut qu’on lui fasse don de plantes potagère ou de baies ainsi que d’un
flacon de Chablis et de confitures maison. Je m’étais donc muni d’œilletons d’artichaut
et de plans de fraisiers. Mon don fut agréé par l’aimable Euroise qui nous
avait conviés, mais avant d’être admis aux agapes, il me fallut passer les
épreuves redoutées du perçage et du sciage. Pour s’y soumettre, il faut s’être
préalablement muni des outils indispensables.
J’avais donc apporté perceuse, forêts scie et autres menus outils nécessaires.
La tâche de perçage qui me fut assignée consistait à forer des trous dans un pilier puis, à l’aide de chevilles et de vis à
fixer sur ledit pilier une cloche d’or (l’Eurois est riche et aime à le
montrer) destinée à avertir les maîtres de maison de l’arrivée de visiteurs
(ingénieux dispositif dont on ne saurait trop recommander l’adoption aux
Berrichons qui annoncent leur visite d’un claironnant « Y’a-t-y quéqu’un
qui cause ? » avec pour effet de passer pour des rustres). Ce premier
test réussi, je me vis convié à passer celui du sciage du conduit de 120 en
PVC. Ce ne fut qu’une formalité.
Entre-temps était arrivé un jeune Eurois qui en guise de
présents avait apporté de quoi se désaltérer ainsi que deux exemplaires de sonouvrage récemment paru dont il eut l’élégance de m’en dédicacer un **. Cadeaux
et épreuves acceptés et passées, nous fûmes menés à une salle où, en
attendant le repas, nous fûmes invités à quelques libations propitiatoires. Le choix nous fut donné entre vin blanc
pétillant ou non et un breuvage d’origine calédonienne portant le nom d’un célèbre
tétraoniné. Je fis le choix de ce dernier. Contrairement à chez nous, après
quelques verres, nous passâmes à table et nous fut servi un excellent repas plus que convenablement
arrosé***. Nous repassâmes ensuite dans la salle des libations où l’on parla de
choses et d’autres (surtout d’autres) tout en sirotant quelque breuvage jusqu’à
ce qu’une saine fatigue nous poussât à prendre congé en vue d’un sommeil
réparateur.
Le lendemain matin, après avoir petit déjeuné, alors que
nous nous apprêtions à repartir, comme venait de le faire le jeune Eurois, nous
nous vîmes proposé de rester à déjeuner. Nous acceptâmes, touchés par la
générosité de nos hôtes et peu pressés de quitter une si agréable compagnie.
Nous fut servi un plat local, des sortes de longs et fins câbles de pâte blanche accompagnés d’une sauce à base de viande hachée et de légumes sur lesquels on
saupoudre du fromage de Parme râpé. Délicieux ! Je crois que ça se nomme
des « spagues et tibolos niaises » mais vu que j’ignore tout du
patois local, je ne saurais l’affirmer. La conversation glissa entre autres
choses sur les rites du don et fut plaisante autant qu’instructive. Aussi
fut-ce avec regret que nous prîmes finalement le chemin du retour, nous
promettant de renouveler l’expérience et priant nos amis eurois de nous rendre
bien vite la politesse.
Au risque de choquer certains, cette excursion en pays d’Eure
m’a fait réaliser à quel point la diversité est enrichissante et que l’on ne
peut que gagner à se porter ainsi à la rencontre de l’autre, même au prix de longs et hasardeux voyages.
*17,90 verstes pour être précis, ce qui fait tout de même
8952 sagènes.
**Notons au passage que le jeune auteur fut dispensé de tout
travail manuel, ce qui montre a quel point l’Eurois tient la culture (et le
Chablis) en haute estime.
***Lors d’un précédent passage chez nous, nos amis eurois semblèrent
eux aussi surpris de nos coutumes : en effet, ils s’attendaient à ce que nous mangions bien vite le rôti de l’agneau
sacrificiel qui rôtissait au four alors qu’avec les autres victuailles
préparées, il était destiné aux dieux locaux tandis que nous, pauvres mortels, nous contenterions d’un long repas
liquide.
Diable! Près de 9000 sagènes! Dieu merci le confort de votre somptueux véhicule vous a permis
RépondreSupprimerd'effectuer un tel périple sans fatigue excessive cependant l'exploit demeure entier.
Avez vous visité, dans l'Eure, le village d' Econs? Dans le cas contraire je vous le recommande
pour la prochaine fois, ne serait-ce que pour la réputation universelle de ses habitants.
L'Eurois d' écons est en effet connu pour sa sagacité naturelle et sa hauteur de vue.
Amitiés.
L'Eurois est par ailleurs peu attaché aux institutions républicaines, celui d'Écons encore mois que les autres !
Supprimer« Avant l’Eure, c’est pas l’Eure, après l’Eure, c’est plus l’Eure ».
RépondreSupprimerLà, maitre Jacques, je crois que vous venez de dépasser allégrement les limites du jeu de mot autorisé et que la brigade des calembours va se voir contrainte de vous retirer plusieurs points à votre permis de blaguer.
Il existe une autre version de ce proverbe, encore en vogue au Plessis-Hébert et dans quelques hameaux alentour : « Avant l'Eure c'est pas l'Eure, après l'Eure c'est la Seine-Maritime… »
SupprimerEt chez nos amis (ben oui) les cheminots, ça donne quelque chose comme (orthographe non vérifiée) “Avant l'Eure, c'est pas l'Eure, après l'Eure, c'est toujours l'Eure".
SupprimerHeureux de vous savoir de retour, comme l'écrivit du Bellay en son Eure (qui, en fait, était Anjou).
@ Aristide : Ce proverbe est porteur d'une vérité incontestable à la différence d'"Il n'y a pas d'Eure pour les braves;"
Supprimer@ Didier : après l'Eure c'est l'Eure-et-Loir est plus exact du point de vue de la numérotation départementale. Mais tout dépend d'où l'on vient et où l'on va...
@ Al :- Anjou ? - Feu !
Donc , vous avez bien bu, bien mangé, en espérant que ces longues Eure à bricoler ne vous ont pas paru longues comme les violons de l'automne.
RépondreSupprimerDe longues Eure ? Détrompez-vous : maître Jacques bricole plus vite que son ombre !
SupprimerMat parle d'or !
SupprimerJ'espère que vous avez bien enroulé le téflon autour de la filasse, pour faire le contact avec la nouvelle sonnette.
RépondreSupprimerNe confondons pas tout, Robert !
SupprimerEt il se plaint de ne savoir que faire l'automne venu! C'est presque du Crocodile Dundee!
RépondreSupprimerN'est-ce pas ?
Supprimer"zèbres oïciens" ???
RépondreSupprimerMauvais jeu de mot : le gentilé des habitants d'Évreux est "Ébroïcien"...
SupprimerQue voulez-vous, cher fredi, on a l'étoffe d'un héros épique ou pas...
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