Dans le droit fil de
mon billet d’hier, m’est revenu à l’esprit un autre exemple de cette franchise
paysanne que j’y évoquais.
Alors que j’étais prof dans un collège rural en
Indre-et-Loire, nous louâmes une petite maison au fils du père Milien qui, lors
du partage de ses biens lui en avait légué deux qu’il avait retapées afin de
les louer à un prix officiel ridicule auquel venait s’ajouter un substantiel
supplément de la main à la main. Milien,
de son prénom complet Émilien, était un vieux grigou de quatre-vingt et
quelques années qui, s’il n’avait fait son partage, aurait de loin été le plus
riche du village où ses fils lui avaient succédé dans l’exploitation de la
scierie familiale. Il courait sur le vieux des bruits bien malveillants :
l’occupation n’aurait aucunement nui à sa prospérité, bien au contraire ;
il aurait été en son temps gaillard une « fine lame » toujours prête
à s’enfoncer dans toute femelle accueillante… Mais ce qui provoquait le rire
des villageois, c’était sa pingrerie et les déboires qu’elle lui occasionnait
parfois.
Ma jeune épouse et moi nous installâmes dans ce que nous
croyions un douillet « chez nous ». Malheureusement, Milien avait
tendance à continuer de s’y sentir chez lui, comme nous le constatâmes un jour
qu’allant chercher des poires dans le jardin nous trouvâmes le poirier
totalement dépouillé de ses fruits. Intrigué de cette étrange disparition, nous
en avisâmes le vieillard qui nous déclara les avoir récoltées et nous invita
dans sa munificence à ramasser celles qui, tombées au sol, n’étaient pas
complètement pourries. De même il se servait en eau à notre robinet extérieur
sans daigner nous en demander la permission. Son sens approximatif de la
propriété l’amenait même à s’approprier l’avoine qu’un autre locataire,
propriétaire de chevaux, entreposait dans un appentis adossé à son écurie et cela dans
le but louable d’en nourrir ses poules. L’éleveur s’en aperçut, et un jour qu’il
venait soigner ses bêtes, il avisa la 2 CV camionnette du Milien sans que le bon
vieux ne soit visible. C’est alors qu’il entendit du bruit dans sa réserve à
grain. D’humeur farceuse, il repoussa le loquet extérieur et le bon Milien se
trouva enfermé dans le lieu de ses rapines jusqu’à ce que ses cris alertent
quelque passant qui l’en délivra. Le ridicule ne tue pas.
Or donc, Milien, ses ardeurs de jeunesse passées, s’intéressait toujours aux poules mais seulement à celles porteuses de plumes et productrices d’œufs dont
il faisait commerce. Son goût pour ces volailles ne risquait pas de nous
échapper, vu que la cabane en planche délabrée qui leur tenait lieu de
poulailler se trouvait à quelques mètres de notre entrée. Nous avions planté
des fleurs afin d’égayer les abords de la maison que ces gallinacées se mirent
en devoir de détruire en grattant les plates-bandes pour y trouver pitance. Un
rien agacé, je demandai à son propriétaire de fils de bien vouloir lui faire
déplacer l’édicule, de m’indiquer quelles étaient les limites exactes de mon
terrain et de me fournir les matériaux nécessaires à la clôture que je me
chargerais d’installer. Mes requêtes furent acceptées ramenant la paix au
hameau. Milien eut même la bonté de la réinstaller suffisamment près de notre clos
pour que nous continuions à jouir de sa
vue.
Hélas en ce bas monde l’harmonie ne saurait durer. Son
emploi à temps partiel ne l’occupant que peu, mon épouse s’ennuyait à regarder
la pluie tombant sur la campagne. Naquit alors en son esprit le désir d’un
compagnon à quatre pattes du genre canidé. Ne sachant rien lui refuser, je me
mis en quête de l’animal convoité. Une collègue m’ayant dit que sa chienne
boxer ayant, suite à une aventure avec lendemain en compagnie d’un berger
allemand, récemment mis bas une portée de chiots, j’en fis part à mon épouse
qui n’eut de cesse que nous en adoptions un. C’est ainsi que, venu le temps de
son sevrage, ce bâtard molossoïde que nous baptisâmes Jock (du nom d’un ivrogne
que nous connûmes en Écosse) entra dans notre vie et accessoirement dans celle
des poules au Milien…
A suivre…
Des moutons aux chiens en passant par les poules... on finira bien par parler de koalas.
RépondreSupprimer(Private joke -- enfin pas tant que ça.)
En quelque sorte sauter du coq à l'âne !...
SupprimerA la force du poignet, l'amiral est parvenu à conquérir le monopole du koala catapulté. Je ne me risquerais pas à empiéter sur son territoire.
SupprimerLa suite! La suite! La suite!
RépondreSupprimerEncore quelques heures de patience et elle arrive...
Supprimerje plussoie, comme Pangloss, la suite..........
RépondreSupprimerLe suspens ne sera pas long (cf supra) !
SupprimerUn billet criant de réalisme. A la suite d'un différend avec notre voisin agriculteur (j'ai oublié lequel mais ça ne devait pas être bien grave, mon père étant plus que conciliant avec les voisins), l'agriculteur en question érigea un poulailler jouxtant notre clôture; et donc, comme dirait Chirac, nous bénéficiâmes du bruit et de l'odeur.
RépondreSupprimerTypique !
SupprimerJ'oubliais: ce voisin avait un fils nommé Alphonse, qu'il appelait Le Fonse en nous expliquant que c'était moins long à dire.
RépondreSupprimerIl n'y a pas de petites économies !
Supprimer"Le Fonse" ? Oh, happy days !...
RépondreSupprimerHollande, les poules ça le connait!
RépondreSupprimerFlatteur !
SupprimerPlus que la Crète ou le gonocoque ?
SupprimerJ'ai peine à identifier le rapport qui unit votre commentaire au sujet du billet.
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