Jock était affectueux de nature et le manifestait avec sa
fougue habituelle. Ainsi, bien qu’il ne
l’ait jamais rencontré, la vue de Peter, un ami anglais venu nous rendre
visite, provoqua en lui le désir
irrépressible de lui exprimer son affection naissante. Bondissant sur lui, il lui appliqua les pattes sur la poitrine
avec pour conséquence de le faire tomber sur le dos du haut de son mètre quatre-vingt-dix.
Dieu merci, sans qu’il en fût blessé…
Un jour ensoleillé, l’assureur vint nous rendre une de ces
visites de courtoisie qui entretiennent l’amitié. Le temps était beau et le
brave homme avait revêtu un costume de lin blanc du plus bel effet. Jock se rua
vers lui pour lui faire la fête. Hélas, il venait de traverser une flaque de
purin qui s’écoulait d’un tas de fumier voisin. On ne peut pas dire que le costume de
l’assureur fut amélioré par les traces brunes qui maculèrent ses beaux vêtements.
Le facteur paraissait l’apprécier. Sous prétexte de lui caresser la tête, il le maintenait à distance afin d’éviter
qu’il ne lui témoignât son amitié de trop près en s’écriait avec son fort
accent campagnard, « Oh, c’est un bon chien ça, il est joueur, hein, il
est joueur ! ». Hélas, je pus constater sa duplicité un jour qu’ayant
exceptionnellement rentré ma voiture au garage il me crut absent et en guise de mamours il lui décocha un coup
de pied accompagné d’un « Fous le camp sale bête ! », dévoilant
la vraie nature de ses sentiments mais me rassurant quant au manque d’agressivité
du chien qui, d’un coup de dent, eût été en mesure d’améliorer son ordinaire d’un mollet
de facteur bien gras.
Enfin, et c’est ce qui provoqua la fin de notre histoire,
Jock était fugueur. Tant que nous restâmes à la campagne ça ne portait pas à
conséquences. Les fermiers chez qui il
tentait de s’installer se contentaient de me téléphoner pour me demander de
venir chercher mon chien ou me le ramenaient. A Amboise, comme je le narrai
hier, il fut recueilli par de brave gens qui le nourrirent et qui, ayant des amis
en mal de chien le leur proposèrent. Ainsi s’expliqua que pendant quelques
jours ni la SPA ni la mairie ne purent nous donner de nouvelles de notre
animal. Nous patrouillâmes les rues de la ville jusqu’à pas d’heures la première nuit. Nous mîmes des affichettes
dans les commerces, en vain. Et puis la mairie nous contacta pour nous annoncer
que notre chien était retrouvé ! Ses adoptants étaient revenus à de
meilleurs sentiments, suite aux deux fugues qu’avait faites Jock durant son
bref séjour chez eux…
Nous quittâmes Amboise pour Châteauroux afin d’y monter un
magasin. Le bâtiment possédant une cour fermée d’un portail, nous y laissions
le chien la nuit après avoir fini nos travaux d’aménagement quotidiens. Il y
bénéficiait d’un abri et de plus d’espace que ne lui en aurait offert le petit
studio que nous avions provisoirement loué.
Un soir que j’ouvrais le portail afin de quitter le futur magasin, je
fis remarquer à ma femme que Jock semblait s’y plaire, vu que ses velléités de
fuite avaient disparu. C’est alors que, nous bousculant, il s’enfuit dans la
nuit. Nous bondîmes dans la voiture et
passâmes une bonne partie de la nuit à sillonner la ville en tout sens sans en
trouver trace. Ma femme téléphona à la
SPA le lendemain, puis le jour d’après et là on lui annonça qu’en effet, un
chien correspondant à sa description leur avait été signalé comme ayant été
recueilli par des gens possédant une
grande propriété dans la Brenne et qui étaient désireux de le garder si
personne ne le réclamait. Femme de
décisions rapides, elle raccrocha sans plus attendre. Ainsi, Jock disparut-il
de notre vie…
Bien sûr, ma femme regretta
son compagnon. Mais peut-être qu’à courir bois et étangs il mènerait une
vie qui lui conviendrait… Ces regrets se mêlaient, pourquoi le taire, d’un certain soulagement. Car autant évoquer, plus de trente ans après,
ses multiples incartades, et les dommages
à autrui qu’elles entraînaient peut divertir, autant elles étaient parfois
difficiles à vivre au jour le jour le jour.
Ne possédant plus aucune photo de l'animal, j'en ai trouvé une d'un chien qui lui ressemble :
Fuguer d'une grande propriété, c'est toujours fuguer. Il faut simplement parcourir plus de chemin.
RépondreSupprimerBelle bête, à part ça.
Disons que c'était lui laisser une chance. N'importe comment, à force de divaguer, il risquait fort de connaître une triste fin...
SupprimerNormalement, ce sont les chats qui sont fugueurs.
RépondreSupprimerDécision déchirante mais bienvenue. Une pareille usine à crottes, ce n'est pas tolérable.
Il est vrai qu'il nous a lassés...
SupprimerAprès tout ça, moi, je comprends pourquoi certains en mangent, du chien.
RépondreSupprimerLe Page.
Vu sa muissante musculature, je crains qu'il n'ait été coriace...
SupprimerPuissante, la musculature, parce que muissante...
SupprimerAnimal tout à fait sympathique, en effet...mais comme disait ma Grand-Mère : "il vaut mieux le perdre que le trouver". D'ailleurs c'est bien ce que vous mîtes en pratique.
RépondreSupprimerAmitiés.
Excellente remarque, et qui ne s'applique pas qu'aux chiens...
SupprimerBien d'accord avec vous.
RépondreSupprimerPardon d'avoir supprimé vos réponses à Attention, mais quand on retire un commentaire, ses réponses le suivent vers les limbes de l'Internet... Vous aviez raison pour S. mais pas pour M.
Cher Léon,
RépondreSupprimerj'ai supprimé nos échanges récents parce qu'ils n'avaient pas leur place ici. Si vous tenez vraiment à poursuivre la discussion, faites-le par le canal que je vous ai indiqué. Merci.
Passionnant, sans flagornerie aucune, je reconnait avoir ri en imaginant la tête du gars en costume blanc
RépondreSupprimerLe pire, c'est qu'il était vexé comme un rat mais n'arrêtait pas de dire : "Ce n'est rien, ce n'est rien !"
SupprimerC'est en effet une solution !
RépondreSupprimerC'est de la pure calomnie !
RépondreSupprimerBazarder une belle Daimler pour se débarrasser d'un chien un peu envahissant, je me demande si c'est une bonne idée...
RépondreSupprimer(mais ce n'est pas une Daimler dans ce document accablant)
RépondreSupprimerLe taulier en aurait-il profité pour faire d'une pierre deux coups?
- hop, fini les sacs de croquettes!
- hop, la bonne excuse pour s'acheter la voiture de ses rêves
Accablant vous dis-je...
Anton, vous me prêtez une âme bien noire !
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