Comme M. Léon, troll en résidence de ce blog, il vous est difficile, voire impossible, de vous passer de la lecture de ces pages où alternent visions politiques hardies et récits d’aventures inouïes que seul le proverbial sérieux de leur rédacteur rend crédibles.
Eh bien, un nouvel événement vient de bouleverser mon existence. Alors que j’étais allé rendre visite à ma fidèle Nicole en la belle cité de Saint-Lô, la conversation roula comme à l’accoutumée sur les grandes questions qui agitent cette première moitié du vingt-et-unième siècle. Conflits géopolitiques, phénomènes macroéconomiques, prix du paquet de nouilles, changement climatique, génie du macronisme, tout y passa.
Tout en devisant gaiement, mon amie prépara le plat de résistance, à savoir des aiguillettes de poulet sautées nappées de crème à la MOUTARDE. Il s’agissait en l’occurrence de la version « à l’ancienne » de ce précieux condiment à laquelle va sa préférence. Le plat s’avéra excellent, mais comment le déguster sans évoquer la pénurie qui m’affecte et dont le peuple de France souffre tant ? Il faut croire que, douée d’une miraculeuse prescience, Nicole avait eu la sagesse de l’anticiper et se trouvait être en possession de trois pots de l’inestimable denrée. Outre la moutarde à l’ancienne dont je ne suis que modérément friand, elle possédait dans son placard ce pot de 300 g de moutarde Maille (celle qui me va vu qu’il n’y a qu’elle qui m’aille) que vous montre la photo. Émue par ma détresse et la lueur de convoitise qui traversa mon regard, la généreuse amie m’offrit ce pot. J’eus d’abord du mal à croire qu’un tel sacrifice fût possible, qu'on pût m'offrir un tel trésor ! C’était pourtant vrai et je partis avec le bocal.
C’est alors qu’à l’instar du savetier de La Fontaine* l’angoisse s’empara de moi. Je ne descendis de ma voiture qu’après m’être assuré qu’aucun rôdeur n’était en vue. Où allai-je mettre mon pot de moutarde à l’abri des envieux ? Quelle cachette serait sure ? Ne serait-il pas prudent d’installer une alarme ? La solution ne serait-elle pas de louer un coffre à la banque puis de m’y rendre en prélever une cuillerée en cas de besoin ? Je ne sais plus que faire !
*Pour ceux qui ne connaîtraient pas la fable en voici l’esprit sinon le verbatim : Un savetier avait pour voisin un financier. Le premier était gai comme un pinson et chantait à tue tête du Tino Rossi dès l’aube, réveillant ainsi le second qui, assiégé par ses soucis avait le sommeil agité (et accessoirement préférait le rap). Le financier fit venir chez lui son voisin, l’interrogea sur ses ressources, en conclut qu’il était bien gueux et lui donna quelque biffetons. Se croyant riche, le savetier perdit sa bonne humeur, se mit à craindre qu’on le volât, n’en dormit plus et cessa de chanter, soulageant ainsi son riche voisin. Réalisant l’origine de son mal-être le gueux se rendit un triste matin chez le riche et le pria de reprendre son pognon et de lui rendre son sommeil et sa gaîté roucoulante. L’histoire s’arrête là. On ne nous dit pas si le financier accepta le marché mais selon moi il aurait été bien sot de le faire, tant souffrir de pollutions sonores vous pourrit la vie.