Vous avez pu constater grâce à mon billet d’hier à quel point ma vie est riche en événements majeurs. Eh bien, ça continue.
Il y a deux jours, j’ai commandé du fioul. Ce ne fut pas aisé car la personne qui prit ma commande devait être atteinte d’une légère surdité. Elle me demanda par trois fois mon nom et me demanda de l’épeler. Il est vrai que le nom d’Étienne (comme le prénom) est aussi exotique que peu répandu et que, ceux qui me connaissent dans la vraie vie pourront en témoigner, ma voix est fluette et mon élocution embarrassée. Je crus revivre l’inénarrable aventure que je connus il y a quelques années lorsque j’essayai de faire raccorder ma maison de Corrèze au téléphone et que mon interlocutrice était une maghrébine dont la bonne volonté n’avait d’égale que son incompétence linguistique. L’affaire me prit une heure et demie ! Mais passons…
Hier, le livreur, fils du patron, m’a appelé. Il m’annonça sa visite pour aujourd’hui vers midi. Vers neuf heures trente, on sonne à ma porte : à ma grande surprise c’était lui. Je m’étonnais de le voir arriver si tôt. Il me parut très agité et me dit qu’il improvisait, qu’on manquait de produit… Quand je lui dis de faire le plein il me répliqua qu’il ne pouvait me m’accorder que 500 litres, que les livraisons étaient limitées à ce niveau, que dans l’Orne (5 km de chez moi), ils étaient limités à 300, qu’un gros client, propriétaire d’un château, qui avait commandé 5000 litres, se faisait livrer par autant de compagnies qu’il pouvait afin de remplir sa cuve 500 litres par 500 l, que les pétroliers russes n’arrivaient plus, bref, que c’était le bordel total.
Ma commande n’était due qu’à un fait objectif : ma cuve était quasiment vide et en aucun cas à une panique. Je suis peu enclin à la panique, quoi qu’il arrive. Cela dit, je note une fois de plus qu’à la moindre alerte certains de mes concitoyens adoptent le comportement le plus irrationnel et le moins civique qui soit et qu’ainsi ils provoquent des pénuries qui n’auraient pas lieu d’être. Il y a deux ans, pour des raisons qui m’échappent totalement, ça provoqua une pénurie de PQ. Fin décembre 1999, suite à la tempête, le maire du petit village où j’habitais passa prévenir les habitants que, faute d’électricité, la pompe alimentant le château d’eau ne fonctionnait plus et qu’en attendant la réparation des lignes électriques il fallait autant que possible réduire sa consommation d’eau : son message fut écouté car quelques heures plus tard, nous n’avions plus une goutte d’eau. Certains avaient remplis baignoires et citernes en vue de l’éventuelle pénurie… ...qu’ils provoquèrent ainsi.
S’il me restait la moindre illusion sur l’imbécilité de mes contemporains je m’en offusquerais. Je suis peu enclin à m’offusquer. J’adresserai simplement un reproche à la classe médiatico-politique (ou politico-médiatique, si vous préférez) : ils font, face à la folie ordinaire du « bon » peuple, comme si de rien n’était. Plutôt que de tenter de calmer le jeu en tenant des propos raisonnables et posés, ils soufflent sur les braises comme s’ils souhaitaient que tout s’embrasât. Depuis une grosse semaine, je n’entends que des propos alarmistes tendant à transformer un conflit, somme toute local, en conflagration mondiale. Comme si, jaloux des pauvres Ukrainiens, nous tenions absolument à prendre comme eux des bombes sur le coin de la gueule.
J’apprends également que notre valeureux président s’envolerait dans les sondages. Il doit incarner pour certains l’image protectrice d’un père soucieux de ses trouillards d’enfants. A mes yeux, ses échecs diplomatiques ne justifient aucunement ce regain de confiance. La crise passée, car quoi qu’il arrive elle finira par passer, nous nous retrouverons face à nos problèmes ordinaires qu’il a si bien su ne pas résoudre et qui se seront peut-être aggravés.
Pauvre France !