Dire qu’entretenir de bons rapports avec sa pharmacienne peut être le but de toute vie serait abusif. En même temps, pourquoi le refuserait-on ? Ce fut mon cas jusqu’à ce que j’aille, hier soir,comme tout bon vieillard cacochyme qui se respecte, chercher mon vaccin antigrippal à l’officine de mon village. En fait, parler d’officine laisserait imaginer une surface modeste . Alors que, voici déjà quelques années les deux pharmaciens de la commune se sont associés, ont acheté un ancien commerce de meubles dont la superficie leur permit d’ouvrir un établissement conséquent entièrement robotisé et comptant cinq ou six comptoirs derrière lesquels s’affairent pharmaciens et préparateurs. Bien qu’ayant apparemment atteint avant de le dépasser un âge raisonnable pour faire valoir leurs droits à une retraite bien méritée, M. X et Mme Y en firent probablement le commerce le plus prospère de notre grosse bourgade leur permettant d’engranger encore plus de pognon en vue d’on ne sait quoi. Il faut dire que l’âge moyen de la population communale facilita leur succès.
Mes rapports cordiaux avec la pharmacienne dataient de bientôt 5 ans. Du jour où, me rendant à la primaire des Républicains et du Centre j’allai voter pour M. Fillon dont la campagne très droitière m’avait séduit. Vu que jusqu’à nouvel ordre, l’ex-premier ministre n’avait pas été exclu par son parti, je n’eus aucun scrupule à me déclarer en accord avec les « valeurs républicaines » dont il était censé se réclamer. La présidente du bureau se trouvait être la pharmacienne. Y était-elle la représentante des centristes ou de LR ? Va savoir… Toujours est-il que m’assimilant à son camp, elle se montra plus joviale et causante lors de mes visites.
Or donc, hier soir après avoir longtemps patienté dans la file d’attente que provoquait la fermeture du lendemain, je fus servi par la maîtresse des lieux. Elle me remit le précieux vaccin. Je lui demandai de me confirmer que je pouvais me le faire inoculer par les infirmières sans rendez-vous. Ce qu’elle fit. Je lui dis donc, que ce serait chose faite le premier jour où je me lèverais avant la fermeture de la permanence. La brave dame me rétorqua que je pourrais me rendre à celle du soir. M’enquérant de son horaire, elle me dit : « Entre 19 h et 19 h 30. » . Déçu je lui expliquai que c’était impossible vu qu’à cette heure-là j’avais rendez-vous avec Christine, pour sa belle émission. « Bravo ? » s’enquit-elle, « Non, la BELLE Christine, Christine Kelly », lui répondis-je. « Je ne connais pas, me dit-elle, je travaille encore à cette heure-là*. C’est sur qu’elle chaîne ? » « Sur Cnews, la chaîne maudite, précisai-je avec un sourire. ». Son air se fit moins jovial et elle ajouta : « Alors je ne regarderai pas ! » J’eus la sensation d’avoir commis comme un dérapage et que désormais, si je continuais à avoir les médocs tout en gardant l’argent des médocs, le sourire de la pharmacienne serait moins affable.
Je pense que je m’en remettrai.
*C’est incroyable ce que leur âpreté au gain impose à certaines personnes âgées !