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Bracelet permettant d'identifier avec exactitude l'éventuel fugueur et de le ramener au bercail. |
Je dois le confesser, en ce matin du
15ième jour de juillet 2020, je suis devenu fugueur. Il doit s’agir
d’une vocation tardive. J’ai entendu parler d’enfants et
surtout d’adolescents qui partageaient avec M. J-S Bach un goût
certain pour cette innocent passe-temps. Il me semblait qu’avec
l’âge afin de se changer un peules idées, on passait à d’autres
choses comme l’abandon de domicile conjugal, le désir de changer
d’atmosphère ou le simple départ sans laisser d’adresse. Il
faut croire que je me trompais.
Plantons
le décor : il se trouve que depuis huit jours, suite à une
pneumopathie qui n’a rien à voir avec la Covid qui, bien que sur
le déclin, connut ses mois de gloire, je me trouve être l’heureux
pensionnaire du service de pneumologie de l’Hôpital de Vire. En
tant que tel, je bénéficie d’une chambre spacieuse, de repas
copieux, de prises de sang, de température, de tension, c’est sans
barguigner qu’on me fournit force médicaments, qu’on m’injecte
de merveilleux antibiotiques en intraveineuses et qu’on me fait
inhaler des aérosols. Si on ajoute à cela que ces multiples soins
me sont dispensés par de jeunes et souvent jolies soignantes dont je
suis parvenu à me concilier les bonnes grâces on approche du
Paradis. Seulement, l’approche du Paradis tient souvent de
l’asymptote : on pense y être presque mais on ne l’atteint
jamais.
Car
même en ce lieu idyllique existent des manques : j’en veux
pour preuve l’absence d’une boutique permettant à tout(e) malade
masculin (e) soucieux (se) de rester glabre de se procurer des
rasoirs. Bien qu’elle fût accourue à ma rescousse avant même
l’hospitalisation, j’avais négligé de demander à ma fille de
m’en procurer. J’étais bien parvenu à obtenir des femmes de
service qu’elles me prêtent un rasoir électrique appartenant à
l’hôpital. Malheureusement, ce dernier coupait comme un genou.
L’heure de l’action était venue.
Il
m’avait semblé entendre dire que sortir de l’enceinte
hospitalière était interdit. Du moins aux patients, personnels et
visiteurs y étant tout de même autorisés. Mais nécessité faisant
loi, les règlements tatillons n’étaient pas de mise. Je me
dirigeai donc vers la sortie, laquelle n’était pas plus contrôlée
que ne le sont nos enrichisseurs papiérophobes. Je me rendis donc
d’un pas allègre au centre ville, y fit l’emplette de rasoirs et
revins d’un pas non moins allègre retrouver mes provisoires
pénates.
Au
passage, en remontant la pente raide qui reliait le rond-point du
centre à l’hôpital, je pus constater que je le faisais sans
m’essouffler ce qui était encourageant. Quelque temps après, la
jeune médecin dont j’apprécie la clarté et la précision vint me
visiter. J’avais beaucoup de questions à lui poser concernant la
suite des événements. Pour lui faire part des progrès constatés,
je fis allusion à ma récente sortie. Que n’avais-je pas dit là !
Mais c’était INTERDIT ! Je ne me rendais pas compte des
RISQUES pris ! Il s’agissait d’une FUGUE ! On
aurait pu me faire RECHERCHER ! A quoi je répliquai qu’il eût
été facile de me trouver vu que je ne me cachais nullement et qu’il
était probable que je serais rentré avant que les recherches
n’aient commencé. Visiblement, mon absence de remords et
d’adhésion au bien-fondé de ce genre de réglementations
décevait. Je n’y vois qu’une manière pour les institutions de
se mettre à l’abri en cas d’éventuelles poursuites par des
familles en désir d’indemnisation pour conduite négligente. Si la
sortie est interdite, c’est à l’Institution de contrôler son
impossibilité ou de limiter sa possibilité.
Cela
dit, quelle suite d’événements plus ou moins fortuits m’amena à
bénéficier des soins jaloux de ce cher hôpital ? Je vous le
conterai bientôt.