Depuis quelques années, suite à
l'apparition sur différents endroits de mon corps d'un de ces bénins
cancers de la peau portant le joli nom de carcinomes, j'ai pris la
sage décision de consulter plus ou moins régulièrement un
dermatologue afin qu'il m'inspecte de près. Ce qu'il fait avec
conscience avant de brûler tout truc ou bidule un rien suspect et je
repars content. Sauf la fois où je dus subir une ablation d'un
carcinome au front avec pour conséquence un hématome qui donna à
la moitié de mon visage des teintes inaccoutumées et provoqua une
légère dissymétrie de mes sourcils.
Hier était venue, après trois mois
d'attente, l'heure ce ce rendez vous. Je savais que mon praticien
avait déménagé aussi avais-je pris le soin de situer son cabinet
grâce aux pages jaunes puis de prendre note de l'itinéraire à
suivre dans la bonne et antique cité d'Avranches. Comment le faire
mieux qu'en suivant le plan fourni par M. Pages Jaunes ? Je
l'agrandis donc et en notai soigneusement les méandres. Quelque
chose me parut cependant curieux. L'adresse accompagnant le n° de
téléphone différait de celle du plan : La première
m'indiquait Saint-Martin des champs :
et la seconde rue Notre-Dame des
champs :
Vu que mon problème était de trouver
le nouveau lieu d'exercice de mon dermato, je me fiai au plan...
Parti bien en avance au cas où la rue
serait difficile à trouver, j'arrivai sans problèmes aux environs
de la grande et belle église derrière laquelle devait m'attendre
le bon docteur. Je me garai sur la place adjacente et me mis en
devoir de repérer son cabinet. Hélas, arpentant les quelques mètres
de cette rue à 8 numéros qui s'avéra être une étroite ruelle, je
n'y vis pas plus de plaque de cuivre que d'immeuble susceptible
d'abriter un praticien de tel renom. A quelque pas de là j'aperçus
un bureau intitulé « Maison des services ». Serait-ce ma
planche de salut ? J'en poussai la porte et m'enquis auprès
d'une charmante dame de l'existence dans le voisinage d'un cabinet de
dermatologie. Ma requête engendra un scepticisme inquiétant.
L'employée voulut bien vérifier mes dires sur les pages jaunes,
elle alla même jusqu'à appeler le cabinet. Hélas, la ligne était
occupée.
Une jeune collègue étant venue renforcer notre équipe
d'investigation, elle suggéra qu'il se pourrait que l'adresse de
Saint Martin des champs soit la bonne car devant la polyclinique s'étaient construits de nouveaux bâtiments susceptibles d'abriter les
activités de M. Scanvyou. Ne connaissant aucunement la situation de
cet établissement, je me la fis expliquer. Trouver l'endroit fut
aisé grâce aux panneaux qui l'indiquaient. Seulement, les nouveaux
bâtiments s'avérèrent inoccupés. Je décidai donc de me rendre à
la polyclinique et,tandis que je cherchais une place où me garer
j'aperçus un signe au-dessus d'une porte où l'on pouvait lire
« Dermatologie ». Je m'y rendis en courant et c'est à
l'heure pétante de mon rendez-vous que je poussai la porte du
secrétariat de ce service où se trouvait l'assistante du docteur
que je reconnus. Elle me demanda mon identité et confirma l'heure de
ma consultation.
Je lui racontai ma mésaventure. Elle
en fut bien étonnée car pas plus elle qu'une vieille Avranchinaise
de souche présente n'avaient jamais entendu parler d'une rue N-D des
champs et que personne avant moi ne lui avait signalé l'anomalie des
Pages Jaunes. Elle vérifia mes dires et dut se rendre à l'évidence.
Comme je lui conseillai de contacter l'annuaire afin qu'il corrigeât
cette erreur, elle se montra dubitative quant aux résultats d'une
telle démarche. Durant ma consultation, je signalai le problème à
son patron qui en fut également surpris et promit d'y faire
remédier.
Comme vous le constatez, ma vie n'est
qu'une suite de passionnantes aventures. Puisse celle-ci éviter aux
générations présentes et futures de trop se fier aux plans des
Pages Jaunes.