Le dernier scandale à la mode est celui des députés qui
achèteraient leur permanence au lieu de la louer et au bout du compte s’en retrouvent propriétaires ce qui constituerait
un enrichissement personnel. Si je comprends bien, on leur reproche d’acheter
plutôt que de louer leur permanence et ce avec de l’argent sur l’usage duquel
ils n’ont AUCUN COMPTE A RENDRE. Reste à savoir ce qui est le plus économique :
acheter ? Louer ? Dans les deux cas, il y a du pour et du contre. Ça
dépend des circonstances. Et puis il y a, comme à tout problème, une solution médiane :
le député crée une SCI qui achète l’immeuble qu’il loue ensuite pour y
installer sa permanence, les loyers paient les remboursements de l’emprunt
contracté par la SCI et tout le monde est content. Non ?
Mais plus que ce détail dont personne ne parlera dès qu’on
aura trouvé autre chose, ce dont j’aimerais parler c’est de la dure vie du
député, avant et après son élection. Car il est bien beau de jeter la pierre à
ce personnage sous prétexte qu’il gagnerait bien sa vie. A ceux qui l’envient
et le traitent de pourri, j’ai envie de dire : prenez sa place, allez-y,
faites-vous élire et après refusez l’indemnité et les petits avantages, exercez
la fonction pour la gloire, faites vous rémunérer par des sourires, des
serrements de louches, des tapes dans le dos et l’estime du peuple…
Alors que la vie du député n’est pas simple. Il y a l’avant
et l’après élection (dans le meilleur des cas). Beaucoup d’appelés, peu d’élus !
Envisageons le cas du gars qui a envie de devenir élu de la république en
partant de la base. En général, il a déjà une bonne situation, un boulot plutôt
prenant. En plus de ça, il lui faut se faire connaître, se montrer actif et
compétent au sein d’associations diverses et/ou dans un parti en vogue afin de se voir proposer une bonne
place sur une liste municipale. Une fois conseiller, il lui faut continuer de
faire montre de talent dans les commissions, sans lâcher pour autant assoces et/ou
parti. A force de se mettre en avant, des années durant, il peut envisager de
devenir maire, conseiller général et enfin de faire acte de candidature à l’Assemblée.
Parfois il faut se montrer
patient, se taper plusieurs échecs avant de réussir. Quand on réussit… En
revanche, ce à quoi on ne coupe pas ce sont les interminables réunions de toute
sorte (parti, conseil, commissions, CG) durant lesquelles tout homme ou femme
normal(e) mourrait d’ennui, l’obligation de faire bonne figure à tous et
toutes, les mains à serrer, les gniards à embrasser, les verres de l’amitié, les
tournées de maisons de retraite, l’écoute pseudo-empathique des revendications
les plus échevelées et j’en oublie… Tout ça pour une poignée de cerises. Et puis vient le jour où, enfin, on a sa
chance, souvent pour des raisons extérieures : un nouveau président est
élu, les électeurs, pas chiens et logiques dans leurs errances, offrent à ce
dernier une majorité. Il arrive même parfois que l’enthousiasme soit tel qu’un
chien avec une casquette, pourvu qu’il soit du parti présidentiel, ait toutes
ses chances. Et là le danger est grand : il arrive que comme candidat, au
local plus ou moins blanchi sous le
harnois, le parti préfère un plus ou moins jeune homme issu du sérail parisien.
La cata ! Deux solutions se
présentent. Soit il accepte son évincement et soutient du bout des lèvres celui
qu’il déteste de toute son amertume, soit il se présente en dissident avec tous
les aléas que ça présente. Dans les deux cas c’est extrêmement frustrant… Tout ça pour ça !
Le parachuté, en cas de succès, semble connaître une bien
meilleure destinée. En fait il n’en est rien. Il ne faudrait pas croire qu’il
arrive comme une fleur. Il a dû, lui aussi crapahuter comme un malade. Dans un
autre milieu, c’est tout. Il lui a souvent fallu suivre un brillant cursus
universitaire (Sciences-po, ENA), choisir avec soin un parti susceptible d’offrir des opportunités,
se faire remarquer par un cacique, lui être dévoué, jouer des coudes et de la
brosse à reluire, paraître compétent, parler couramment la langue de bois, etc. Et encore une fois, ce n’est pas gagné d’avance
car dans le sérail, les dentures à rayer le parquet foisonnent, les requins s’entre-dévorent
avec enthousiasme, conscience et
application. Pour ceux qui n’ont pas la
bosse des concours restent les assoces et les partis. Mais dans ces paniers on est en concurrence avec les crabes ci-dessus
évoqués et d’autres de moindre estrace…
Quel que soit le parcours choisi par le combattant, ce n’est
jamais de la tarte. Et une fois élu, ça ne s’améliore pas…