Avertissement :
A ceux qui mettraient en doute la valeur des prévisions qui suivent, je tiens à
signaler que j’ai dégotté sur Le Bon coin, pour une poignée d’Euros, une boule
de cristal en parfait état de marche et qu’en conséquence leur scepticisme est infondé.
Il était une fois un président de la république à la
ramasse, tout juste capable de rassembler autour de sa personne, plus par
fidélité que par enthousiasme, entre un
Français sur cinq et un Français sur six. Il avait beau passer à la télé tous
les jours pour y exprimer son sentiment sur tout et le reste, la mayonnaise ne
prenait pas. On le donnait pour moribond, un pied dans la tombe et l’autre sur
une peau de banane.
Il était la même fois un hebdomadaire à la ramasse, tout
juste capable de se vendre à trente mille exemplaires. Il avait beau multiplier
les
unes d’un humour fin, délicat quoiqu’occasionnellement taquin, le rire n’éclatait
plus. Il semblait avoir autant d’avenir
que les diligences à la fin du XIXe siècle.
Et puis deux terroristes islamistes vinrent exprimer à la
kalachnikov les rancœurs que leur manque d’humour les poussait à ruminer suite
à d’anciennes publications. Le massacre secoua la France. A juste titre : si
on devait éliminer ceux dont on ne partage pas les conceptions, les Pompes
Funèbres Générales deviendraient la première entreprise française (en attendant
que ses employés soient liquidés). Les plus moutonniers des Français se
mobilisèrent sous le slogan « Je suis Charlie » (comme s’il était
nécessaire de s’assimiler à un périodique moribond pour fustiger une criminelle
intolérance), on lança des souscriptions, on débloqua des fonds, on tira le « numéro
des survivants » à quelques millions d’exemplaires : Charlie était
sauvé, et comme on était Charlie, on l’était également.
Le président, en pleine Bérézina, appela à manifester, fit
moult déclarations banales sur les
valeurs fondamentales de la république et défila avec des collègues à lui. Du
coup, sa « popularité » doubla. Il était Charlie, il était sauvé.
Enfin, si tant est que 40% d’opinions favorables contre 59% de défavorables
soit signe de salut.
Seulement, rien n’avait changé sur le fond. Les quelques
millions de « lecteurs » occasionnels disparaîtront bien vite. Les fonds ramassés à l’occasion du drame s’épuiseront.
Charlie se retrouvera, dans un mois, dans un an, face à sa réalité : celle
d’un média tout juste capable de fédérer une frange de bouffeurs de curé
surannés, d’anarcho-gauchistes vieillissants, bref, pas grand monde.
De même, le président sera rattrapé par la réalité, celle d’une
France profondément divisée par des aspirations contradictoires, ravagée par le
chômage et où les mécontentements divers montent inexorablement. Sa remontée
relative ne sera que feu de paille. Il suivra l’inexorable destin de son
sauveur.