L’autre jour dans un de ces
excellents billets dont il a le secret, Didier Goux évoquait la curieuse idée qu’avaient nos contemporains de mêler la notion de justice avec ce phénomène
universel qu’est la mort. Je crains que notre époque n’accole artificiellement
bien des termes qui n’ont pourtant rien à voir entre eux.
Si nous prenons la fameuse justice sociale (ainsi que les nombreuses injustices que son non-respect impliquerait) si chère à nos amis de
gauche, il me semble qu’il s’agit d’une simple vue de l’esprit. Je ne vois pas
en quoi elle pourrait consister. Qu’il existe des inégalités sociales est une
évidence, comme il existe des inégalités en tous domaines. Mais en quoi découleraient-elles
d’un manquement à la justice ? Une
société est-elle susceptible d’être juste ? Certes, l’idée d’une société visant à
réduire, voire à annihiler les inégalités économiques, car il ne s’agit généralement que
de ça, paraît généreuse mais en se limitant à ce seul domaine elle n’effacerait
aucunement d’autres inégalités (en matière de culture, de beauté, d’intelligence,
de talent, de santé mentale et physique, de patrimoine génétique, etc.) que
personne ne songe à qualifier d’injustices. Du moins pour l’instant.
Suite à un glissement sémantique aberrant privilégié est lui-même employé à
tout bout de champ. On est privilégié d’avoir un climat agréable, de pratiquer
telle ou telle profession, d’être à l’abri de telle ou telle calamité. Je ne
vois pas en quoi il peut s’agir là de quelconques privilèges lesquels sont des
avantages octroyés à des individus ou à des groupes en dehors de la loi
commune.
La chance
est elle-même mise à toutes les sauces. En quoi interviendrait-elle dans le
fait que l’ont soit Français ou que l’on parte en vacances dans des lieux
supposés enchanteurs ? Il ne s’agit en fait que du résultat d’un
enchaînement de causes logiques.
Quand aux catégories défavorisées elles
seraient privées d’avantages (ou privilèges) consentis à autrui.
Tous ces abus de langage participent d’un sentiment d’irresponsabilité
personnelle. C’est la faute à pas de chance, à une société injuste, à d’indues
privations si certains ne bénéficient pas des privilèges de ceux
qu’ils envient. Ça ne saurait aucunement découler d’un manque d’effort, de
talent, de ténacité, de volonté, de capacités ou de courage. Cette vision amène
bien des gens à rêver d’une société égalitaire sans se rendre compte qu’une
telle société ne pourrait se concevoir qu’au cas où tous ses membres seraient
des clones parfaitement identiques en tout domaine. On se demande quel genre de
culture et d’arts celle-ci produirait…