M. Aymeric Caron dans une récente émission avait reproché à
Mme Véronique Genest de manquer des nécessaires connaissances pour se lancer en
politique. Ça me pose question : quelles sont les qualités que devrait avoir
un homme ou une femme politique ? Doivent-ils être autant de
réincarnations modernes de Pic de la Mirandole ou plus simplement des gens
animés par de claires convictions ?
Il va sans dire que notre époque préfère les omniscients ou
plus exactement ceux qui se montrent capables de le paraître. On imagine mal un candidat à quoi que ce soit
se déclarer incompétent en un quelconque domaine. Politiques économique,
monétaire, internationale, questions sociales, sociétales, problèmes de
civilisation, religieux, ils ont réponse et
même solution à tout. Aucun domaine, si technique soit-il ne leur
échappe : le prix raisonnable qu’on devrait payer le lait des vaches de
race (oh le vilain mot !) jersiaise, le rendement à l’hectare du cresson, l’avenir
de la sidérurgie de haute et moyenne montagne, la taille réglementaire à partir
de laquelle se pêche l’épinoche en basse vallée de la Bouzanne, ils connaissent
tout ça sur le bout des doigts. Hélas, leurs opposants, bien qu’avec des
chiffres et des opinions totalement différents sont tout aussi érudits.
On en est même à se demander comment il se fait qu’avec de
telles irréfutables compétences il soit possible que notre pays connaisse encore
le moindre problème. Et si tout ça n’était que du pipeau ? Si nos brillants
politiques n’étaient que des perroquets dotés d’une mémoire leur permettant de
répéter les réponses aux questions qu’il était probable qu’on leur pose et que
leur ont soufflées de véritables spécialistes ?
Le débat politique se transforme de plus en plus en échanges
de chiffres contradictoires. Étonnons-nous alors qu’à part quelques passionnés
des combats de coqs (persuadés que leur champion a mis à mort l’adversaire) il finisse par lasser le grand public…
Les technocrates ont leur intérêt. Il est indispensable que
certains aient des connaissances suffisantes pour traiter les dossiers
techniques. Seulement, est-il vraiment justifié qu’ils occupent, par perroquets
interposés, le devant de la scène ? Ne devraient-ils pas se contenter d’un
rôle de conseiller auprès de personnes qui, sans avoir leur savoir
technique, seraient porteurs de convictions et défendraient une certaine vision
de la société ?
Le politique ne devrait-il pas être davantage un meneur d’hommes,
l’animateur d’une équipe plutôt qu’ un pseudo-technocrate omniscient ? Le
rôle d’un ministre et a fortiori celui d’un président n’est-il pas de s’occuper
des grandes orientations plutôt que de s’exprimer sur la moindre fermeture d’usine ou de se rendre
sur les lieux du premier drame venu ?
La réponse à cette dernière question serait évidente si nous
n’étions pas dans une société du spectacle où se montrer compte plus qu’agir ou
simplement penser. Le bon peuple veut qu’on fasse semblant de s’occuper de ses
petits bobos. Du coup, chaque ministre passe son temps à aller pleurer sur
quelques malheurs sélectionnés (il ne peut tout de même pas être partout) et le
président se doit de se montrer en permanence ici ou là afin qu’on puisse l’admirer
à chaque édition des actus. Omniprésent, il se doit d’être omniscient, sauf à
passer pour un con.
La parole d’un politique devrait être d’autant plus rare que
sa fonction est éminente. C’est à ce
prix que ses mots auraient du poids. Seulement, il est plus facile de s’exprimer
chaque jour sur de l’insignifiant que d’indiquer quand nécessaire la voie qu’il
est bon de suivre en fonction de ses grandes orientations. Surtout que pour les
défendre, ces orientations, il faut commencer par en avoir. Ce qui est loin d’être
évident pour beaucoup.