Je ne peux entendre cette chanson sans avoir
la chair de poule. Les paroles
en sont émouvantes et simples. Et les rues de Londres, putain, je les connais !
Mon premier séjour à Londres m’en a appris des choses, et
pas que sur la charcuterie
industrielle ! En ces premières années 70, se loger à Londres n’était
pas évident. Même avec un salaire acceptable. A mon arrivée, vu que je ne
trouvais rien, je fus hébergé par unefamille de parents d’élèves. De charmants Cockneys francophiles. Une sorte d’oxymore (à
cause de la francophilie). Ensuite, avec deux collègues nous parvînmes à
trouver un appartement en collocation. Seulement, l’un d’eux avait un péché
mignon : il picolait comme un malade et quand c’était son tour de cuisiner,
il avait tendance à rentrer bourré et à nous proposer d’aller au restau. Vu ce
qui nous restait une fois le loyer payé, ça ne le faisait pas. Au bout de 3
mois la colocation fut dissoute d’un commun accord. Nous restâmes cependant tous
trois amis pendant de longues années…
Seulement, ça ne me donnait pas un logement. Je ne demandais
pas grand-chose : juste une chambre meublée mais même ça… Je trouvai une sorte de solution sous la
forme d’une chambre au dessus d’un pub qui un temps fut hôtel. Seulement le
gars du pub louait ces chambres au noir et ne voulait pas se faire pincer. Ça se comprend... Il
fallait donc bien tirer les rideaux, ne rentrer discrètement qu’aux heures d’ouverture
du pub, en sortir par une porte dérobée et ne pas être là dans la journée. Ce
qui posait un léger problème pour les week-ends.
C’est ainsi que j’ai appris ce que c’est de marcher à
longueur de journées dans le froid des rues. Il y avait bien sûr les copains,
mais ils ne sont pas toujours là. Et on ne va pas s’imposer chez l’un ou chez l’autre
avec régularité. On finirait par lasser…
Alors on marche, dans le froid, sans trop de but. On visite bien
des églises, des musées, ça enrichit et surtout ça réchauffe. On se prend un
café, un sandwich mais quand on n’a pas le rond, ça ne tue que peu de temps. Car cerise
sur le gâteau cette chambre me bouffait presque tout mon salaire. Une fois que
je l’avais payée, réglé à la cantine il me restait peu pour faire le jeune
homme… Les jours de semaine, ma routine
consistait, l’école quittée, à aller prendre une saucisse-frites dans un café
en attendant l’ouverture du pub. Cette heure arrivée, je m’offrais un demi de
bière et jouais vingt pence à la machine à sous. Jamais plus. Puis je regagnais
ma chambre où je lisais. Une vie de rêve ! Mais rangez vos mouchoirs :
j’étais jeune et c’était provisoire.
Une première esquisse de solution me vint de manière
inattendue. En quittant l’appartement j’avais
laissé le gros de mes affaires chez une irlandaise avec qui j’étais vaguement sorti
quelque temps. Il advint qu’elle déménagea et me demanda de les récupérer. Ce
que je fis. Je les entreposai dans mon vieux break ami 6 qui se traînait à
peine. Seulement, l’Anglais est méfiant et cafteur. Un beau soir, le patron du
pub me demanda si par hasard cette voiture française chargée de toutes sortes
de bricoles ne m’appartiendrait pas. J’en convins. Il n’était pas content, mais alors pas du
tout. Les voisins parlaient de signaler la voiture à la police, ça allait lui
attirer des ennuis…