Si j’en crois M. Jégou (et pourquoi ne le croirais-je pas ?), il serait interdit aujourd’hui et demain de faire des billets politiques. Pour
cause de fin de campagne électorale.
Je me plierai donc au règlement. Stulta lex sed lex. J’avoue ne pas voir l’intérêt d’une telle
mesure. Car elle est incomplète. Pour que les gens ne soient pas influencés
durant les deux derniers jours, il faudrait que soient détruits ou neutralisés
tout document ou personne susceptibles d’influencer l’élection : on
efface tout ce qui en a été dit sur le net et tout ce qu’on en aurait téléchargé,
on arrache toutes les affiches, on brûle en présence d’un huissier tout imprimé ayant
trait au sujet, on incarcère en l’isolant toute personne susceptible de parler
politique ne serait-ce qu'avec ses amis ou sa famille.
Faute de ces quelques mesures (et je suis certain que la
liste en est incomplète), le soi-disant silence radio est totalement inefficace.
Ainsi, j’ai reçu hier mes magazines du week-end. Comme j’avais
des courses à faire et une salle d’eau à commencer de peindre, je n’en ai même
pas ouvert le blister. Qu’est-ce qui m’empêche
de le faire aujourd’hui ? Je ne
serais qu’à moitié étonné que le Figaro Magazine soutienne davantage un
candidat plutôt que l’autre. La factrice avait ce même jour déposé dans ma
boîte les professions de foi des deux
candidats. Je n’ai même pas pris le temps d’ouvrir l’enveloppe. Je l’ai fait ce
matin et j’ai alors découvert que s’y trouvaient DEUX proclamations pour le
même candidat ! Quel scandale ! Ça ne m’a pas trop
perturbé, vu que j’ai mis les trois dans la poubelle de tri sélectif sans les
lire, mais ça aurait pu.
Admettons que d’ici demain, je me découvre homo. Et que, me
rendant à la mairie pour y voter, passant devant un panneau d’affichage, je
sois frappé par la beauté magnétique d’un des deux candidats. Je risquerais alors de me dire : « C’est
lui que je veux ! Élu, je le verrai souvent à la télé ».
Si , voulant rechercher des photos de chaussures à semelle
de bois, ma hâte (ou quelque lapsus clavieri révélateur) fait qu’un « n » remplace le « s »
souhaité, je risque de me retrouver face
à des images susceptibles de miner ce
que je croyais des convictions.
De même, l’innocent gourmet , l’amateur de belles choses qui
pianotent « Andouille de Vire »,
ou «à poil tout le monde à poil » sur leur clavier (comme ça arrive
assez souvent) risque de tomber sur un de mes billets, et de fil en aiguille, passant
d’un texte à l’autre, il finisse logiquement par se dire : « Ce Jacques Étienne, quel génie, tout de
même ! Je vais voter comme il le conseille ! ».
Le fameux silence radio ne marche pas. Ne peut pas marcher.
En Angleterre, la campagne se poursuit jusqu’à la fin du scrutin. Est-ce que ça
change grand-chose ? Sommes-nous plus influençables que nos voisins d’Outre-Manche ?
Est-ce que la crainte de la violence des
passions politiques nous fait craindre que l’imminence du résultat mène à des
affrontements ?
Croyons-nous si peu en la démocratie ?