Quoi de plus agréable que de prendre
un bain ? Qu'il soient de mer, de boue (que l'on prend étendu
d'où l'importance de l'orthographe!), de bouche, de siège ou
simplement de pieds, tout le monde ou presque apprécie les bains.
Seulement il en est une catégorie dont peu de gens profitent :
je veux parler des bains de foule. Pourtant quoi de plus simple à
organiser ? Il suffit de disposer d'une foule (dont les
effectifs peuvent être très réduits) et d'une personne qui tient
le rôle du baigneur Normalement, les gens composant la foule se
ruent vers le baigneur, lui serrent la main, lui disent un mot gentil
(ou pas) et le cas échéant, quand ils en disposent , lui tendent
leur enfant afin qu'il l'embrasse. Une fois le bain terminé,
baigneur et foule rentrent chez eux ravis.
Dans ces conditions, on comprend mal
pourquoi si rares sont ceux qui s'y adonnent. Des foules, on en
trouve un peu partout : dans les hypermarchés le samedi, lors
de matches de foot, les soirs de feux d'artifice, dans les meetings d'EELV, etc. On n'aurait donc que l'embarras du choix pour
s'y baigner. Et pourtant... Choisissez un endroit très fréquenté,
tentez d'y dire un mot gentil à chacun, d'y serrer des mains, d'y
embrasser des enfants (même morveux) et vous verrez que les
réactions du public ne seront pas aussi aussi enthousiastes que vous
seriez en droit de l'attendre. Il y a une raison à cela : c'est
que vous n'êtes probablement pas Président de la République. Il
semblerait que seul ce genre de personnages puisse s'y livrer ce qui,
dans la France du XXIe siècle, pays des Droits de l'Homme, est tout
simplement inadmissible.
On me dira que le citoyen de base n'a
pas non plus le droit d'aller s'installer à l' Élysée ou
d'utiliser les voitures présidentielles. L'argument ne tient pas. En
effet, qui d'entre vous accepterait que, sans y être invité, le
président vienne coucher chez vous ou emprunte votre Clio pour
partir en week-end ? Le bain de foule constitue donc un
véritable PRIVILÈGE. Et c'est inadmissible. D'autant plus
que c'est en vain que l'on chercherait dans la constitution de la Ve
République un passage où le droit au bain de foule serait nié,
voire simplement restreint.
Cela établi, trouver des solutions à
ce déni de démocratie ne parait pas simple. On pourrait envisager
de confier l'organisation des bains à des sociétés privées mais
cela signifierait que seuls les nantis pourraient en bénéficier. De
plus, l'enthousiasme de foules stipendiées manquerait de cette
spontanéité qui fait tout l'intérêt de l'exercice. Alors que
faire ?
Il me semble qu'avant tout une campagne
de massive de sensibilisation du public s'imposerait. Car rares sont
ceux qui réalisent à quel point le bain de foule constituerait un
supplément de bien être. On a bien réussi à convaincre les masses
que, privée de bains de mer ou de descentes à ski, leur vie serait
bien terne alors, les faire rêver d'acclamations, de serrages de
louches et d'embrassades ne devrait pas poser problème.
Resterait bien entendu, à fixer les
modalités de mise en œuvre des dits bains. Je proposerais donc que
soit organisé, à un niveau restant à déterminer, un tirage au
sort parmi les citoyens inscrits sur les listes électorales et à
jour de leurs contributions et autres taxes permettant à l'heureux
élu de bénéficier d'un bain complet avec foule, ovations, contact
manuel et bises enfantines. Nul doute que les gens se rendraient en
masse à ces rendez-vous, persuadés qu'un jour viendrait leur tour.
Ils jouent bien au Loto...