Ce petit texte m’a été inspiré par un article
du Telegraph sur le plus vieux divorcé du monde : 99 ans et toutes ses
rancœurs ! On s'amuse comme on peut...
Antonio était vieux comme les ponts, vieux à tutoyer la mort. Sa vue baissait à
mesure que ses articulations accentuaient
leur torture. Mais l’accepter… C’est pourquoi ce soir, s’étant mis en tête que ses vieilles
lunettes étaient bien meilleures que celles qu’on lui avait vendues à prix d’or
il y avait de cela quoi ? Cinq, dix
ans ? Il entreprit de les chercher.
Il chercha, fouilla, fureta. Le tiroir du buffet de la
cuisine, les boîtes de biscuits fourre-tout des placards où gisaient pêle-mêle photos
de morts, calendriers d’années fanées, médailles pieuses et élastiques durcis par
le temps, les étagères où de vieilles chemises finissaient de jaunir :
rien.
Il monta au grenier, escalade douloureuse. Pourquoi y
aurait-il rangé ces lunettes ? Pourquoi pas ? Sa mémoire se faisait brumeuse.
Quand on n’a pas tout fait, on n’a rien fait ! Pourquoi pas là ?
Parmi les épaves d’une vie longue vie, objets inutiles à la perte desquels on
ne saurait se résigner, il aperçut une
commode. Il lui manquait un pied. Il tira avec effort un premier tiroir que le
déséquilibre du pied disparu faisait
coincer un peu. Des paquets de correspondance apparurent. Rosa gardait tout. Cartes de vœux, lettres des garçons pendant
leur service, faireparts de deuils, de
naissances, reliques des temps pré-téléphoniques…
Tout au fond du tiroir, entourées d’un ruban, quelques missives à la seule Rosa adressées,
l’intriguèrent. Datées de 1942, du temps de la guerre, de l’époque où il
servait loin d’elle, où les premiers feux s’étant déjà calmés, par devoir et
routine il adressait du front à la mère de ses enfants des lettres rassurantes.
Elles n’étaient pas de sa main. Pas de celle tremblante d’aujourd’hui, bien
sûr. Mais pas plus de celle du jeune père d’alors.
Il en ouvrit une et la lut. Une lettre passionnée. Adressée
à Rosa ! Ainsi pendant qu’il jouait
les héros d’une cause perdue, elle s’envoyait en l’air la garce ! Partager sa vie n’avait pas été simple. Combien
de fois avait-il songé à la quitter ? Il y avait d’abord eu les enfants,
les convenances, et puis, l’âge venu, la
résignation, la lâcheté, l’idée qu’il était trop tard. Ainsi va la vie, ni
heureuse ni malheureuse, tiraillée entre désir du large et nécessité d’un port…
Soixante-dix-sept ans de vie commune, de heurts et de
rabibochages, avec dix ans plus tôt, un
départ chez son fil et un prompt retour. Sur base « d’à quoi bon ? ».
Il n’était pas encore prêt. Ni à perturber son fils ni à renoncer à la douce
amertume du foyer. Mais cette offense
faite à son honneur d’homme c’était trop. Le peu de temps qu’il lui restait, il le
passerait seul. Sa décision de divorcer était prise.
Il attendait peut être que les enfants soient morts.
RépondreSupprimerOu gâteux...
SupprimerCe n'est qu'un latin...ces gens-là, si tu ne leur mets pas le nez dans la crotte, ils te disent que tout va bien.
RépondreSupprimerJard
Elle a plutôt de la chance cette dame, car d'autres auraient sans hésitation décidé de la trucider !
RépondreSupprimerA 99 ans il ne risquait pas grand chose, alors que sa faute à elle était tout simplement impardonnable.
Oui, mais peut-être avait-il égaré sa pétoire ou son poignard... A moins que, prudente,elle ne les ait cachés
SupprimerQui, de Giono ou de Pagnol, avait écrit cette petite histoire sur la Mère des Compagnons ? Une femme gardait rancune à son mari d'avoir couché avec la mère des Compagnons quand il était jeune et qu'il faisait son Tour de France. Enfin, elle le pensait mais n'en était pas absolument certaine. Devenus bien vieux, elle lui demanda avec les formes, lui assurant qu'elle ne lui en tiendrait pas rancune, après tout ce temps de vie commune, bref, elle lui demanda s'il avait fauté. L'époux avoua. Alors, elle le mordit brutalement et y laissa sa dernière incisive.
RépondreSupprimerC'est dans les "Souvenirs d'enfance" de Pagnol, je ne me souviens plus dans lequel des quatre...
SupprimerMerci.
SupprimerComme quoi, il aurait mieux fait d'y penser plus tôt, vu que l'homme marié est toujours cocu d'une manière ou d'une autre. On en prend son parti ou on casse mais alors, sans attendre la prescription, c'est préférable.
RépondreSupprimerAmitiés.