Les passages entre
parenthèses sont des réflexions que suscitèrent certaines paroles. J’en
prononçais certaines alors que j’en gardai d’autre par devers moi afin de ne
pas montrer trop clairement mon côté moqueur.
S’il est une chose qui passionne l’éthologue, c’est bien l’observation
des cons. Il en est de toutes sortes : le vilain con, le triste con, le
petit con, le pauvre con, le gros con,
etc. Si certaines espèces sont en pleine expansion comme le con-citoyen, le
con-tractuel, le con-cupiscent ou le con-disciple, d’autre sont plus rares et si
c’est une grande joie d’en découvrir un exemplaire c’est une rare félicité d’en
contempler une paire. J’ai eu cette chance.
Vu que je m’en sers de moins en moins, j’ai décidé de mettre
en vente ma Daimler. Une annonce sur Le bon coin provoqua un premier mail d’un
éventuel acheteur au budget bien exigu. Un second s’enquit de sa disponibilité,
de son équipement, et me demanda s’il serait possible de la voir (La voir ?
Vous n’y pensez pas, ici on achète d’abord, on voit ensuite ! ). Je lui
répondis et un subséquent appel téléphonique nous permit de prendre rendez-vous
pour le dimanche matin aux environs de onze heures. Je lui donnai toutes les
indications nécessaires pour atteindre ma campagne reculée. Le client potentiel
se ferait accompagner par un sien ami, possesseur d’un véhicule comparable et
ipso-facto spécialiste incontestable.
L’heure venue, je vis arriver au pas une petite Peugeot
blanche qui s’empressa, arrivée à la maison, de tourner à droite vers un autre
hameau. Quelque temps plus tard elle redescendit et dépassa la maison sans un
regard. Pas de doute, c’était mon client
! Je sortis du jardin et vis qu’il avait de nouveau rebroussé chemin. Il se
gara dans l’entrée et, me serrant la main, me demanda de confirmer que j’étais
bien M. Étienne (et aucunement le Dr Livingstone). Ce que je fis. Son compagnon
nous rejoignit. Les deux hommes étaient d’age mûr, bien chauves, vaguement
barbus et propres sur eux. Au début tout se passa correctement : j’attirai
l’attention du supposé intéressé sur les menus défauts que pouvait présenter l’automobile
(transparence quand tu nous tiens !) sans qu’il semblât s’en inquiéter
outre mesure. Il regretta la présence d’une antenne de téléphone mais, comme je
lui expliquai, c’était ça ou un trou dans le toit… Nous partîmes faire un
tour. C’est revenu à la maison que l’ « expert »
entra dans la danse. Visiblement le mot ravi n’était pas le plus apte à décrire
son état d’esprit. Précédant ses remarques d’un « je suis peut-être
maniaque, mais… » ou d’un « c’est mon métier » (j’ignorais que
connard en était un) il me signala des défauts minimes que je n’avais jamais
remarqués mais qui lui paraissaient gravissimes, coûteux voire impossibles à
pallier. Tel chrome d’après lui mal aligné lui blessait l’œil (un peu de collyre ?
j’en ai), les cuirs devraient être
recousus (je vous offre une aiguille et du fil !). Arriva le verdict :
si ça dépendait de lui, et pour parler franchement (pourriez pas être un peu
hypocrite ?), il ne la prendrait pas. Trop de défauts, trop d’énormes
frais…
Les deux con-pères partirent, me laissant avec la
désagréable impression de posséder un véhicule que je devrais avoir honte de laisser à un casseur et que les Sénégalais
refuseraient d’embarquer vers Dakar, même en les payant, de peur de dégrader l’image
de la médina.
Ces gens avaient tout de même parcouru, aller-retour, 500 km
pour déplorer mon épave. Je crains qu’ils n’aient du mal à trouver ce qu’ils
disaient chercher…