..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

lundi 2 février 2015

L’éléphant (2)



La cohabitation entre l’homme et l’éléphant, comme l’ont vite compris les Limougeauds, ne va pas sans poser de problèmes. Doté d’un appétit égal sinon supérieur à celui du pygmée, il a tendance à ravager les cultures et accessoirement, tant il est balourd, à écrabouiller quelques cases et leurs habitants quand il gambade. Du coup, l’habitant des savanes, dont la fierté ne saurait cacher le caractère irascible, a pris l’animal en grippe et a tendance à le zigouiller quand les gardes-chasses sont occupés à vérifier si l’appétit sexuel des femmes pygmées est égal à celui de leurs hommes en matière de nourriture. Le côté cabochard et largement imprévisible de l’éléphant ainsi que les problèmes d’accidentologie que risquerait de provoquer leur déambulation sur le réseau routier ont fait remettre à plus tard un projet de réintroduction du proboscidien dans la plaine de Beauce. Preuve s’il en est besoin qu’il est plus aisé d’être en faveur de sa libre divagation quand on vit à plusieurs milliers de kilomètres de son aire de répartition que quand on l’a en face de soi et qu’il charge.

L’industrieux asiatique a su tirer un autre profit des éléphants qui peuplent son continent. Plus petit que son cousin africain et doté d’un caractère moins fantasque, ils furent depuis la plus haute antiquité (4500 ans avant notre ère dans la vallée de l’Indus) domestiqué et employé à des tâches civiles ou militaires. Citons, plus près de nous et dans ce dernier domaine le célèbre Carthaginois Hannibal qui franchit, bien avant la caravane du cirque Bouglione, les Alpes avec ses éléphants et Alexandre le Grand qui en fit, comme chacun sait ou devrait savoir, participer quelques uns à la bataille de Gaugamèles en octobre 331 avant notre ère. Toutefois, les éléphants de guerre s’ils impressionnaient par leurs taille et semaient l’effroi parmi les rangs de l’adversaire présentaient le léger défaut d’avoir tendance à fuir si on les effrayait, écrabouillant au passage les combattants de leur camp. C’est pourquoi ils ne dépassèrent qu’exceptionnellement les grades de caporal-chef ou de sergent. 

Dans le civil, ils furent utilisés comme animaux de  trait ou de transport. Dans les forêts, ils étaient employés au débardage des troncs et c’est pourquoi, bien que le fait soit peu connu,  les vêtements sans manches confectionnés à l’origine en peau d’éléphant d’Asie prirent le nom de « débardeurs ». Le transport à dos d’éléphant connut son heure de gloire mais son interdiction sur les autoroutes au nom du sacro-saint principe de précaution l’a fait régresser. De nos jours, il est surtout utilisé pour épater le touriste que ce soit en se livrant à des pitreries sur la voie publique (triple salto arrière vêtu d’un tutu rose, etc.) ou comme animal d’apparat par les maharajahs qui en ont encore les moyens. L’éléphant d’Asie est censé bénéficier d’une grande intelligence : il serait capable d’assimiler jusqu’à trente ordres (dont l’ordre alphabétique et l’ordre chronologique). Moins futé, celui d’Afrique n’obéit à personne.

On attribue à l’éléphant quel que soit son continent d’origine une mémoire phénoménale : il pourrait  réciter la table de multiplication par sept, plusieurs tirades de Corneille ou de Racine, se souvenir du menu servi à la communion de chacun de ses neveux ainsi que de citer la date et l’heure de TOUTES les apparitions télévisuelles du président Hollande depuis son élection. En fait, et jusqu’à preuve du contraire, je pense qu’il s’agit là d’une légende qui ne repose que sur les témoignages de piliers de bistro dont l’exactitude est aussi douteuse que la couleur rose qu’ils attribuent aux spécimens qu’ils côtoient

Je m’aperçois que je n’ai fait qu’esquisser quelques uns des traits qui rendent cette bête odieuse. Par crainte d’être long, je vous renvoie aux traités d’éthologie à elle consacrés confiant que je suis qu’ils vous permettront de la juger avec toute la sévérité qu’elle mérite.

dimanche 1 février 2015

L’éléphant (1)



« Mon âme ne connaîtra de paix que lorsqu’on aura empalé le dernier éléphant sur la corne du cadavre du dernier rhinocéros »
Saint François d’Assise, in Pour en finir avec les pachydermes

L’éléphant a ceci de commun avec le tigre, l’otarie, le chameau et le clown d’être très rare à l’état sauvage dans les collines du Mortainais, les quelques spécimens qu’on peut y observer appartenant généralement à des cirques de passage au triste spectacle desquels nul n’est contraint d’assister. Son absence explique en grande partie mon choix d’y résider. Il se trouve que de longues années de réflexion sur le sujet m’ont conduit, à l’instar du Poverello,   à concevoir vis-à-vis des pachydermes en général et de ce proboscidien en particulier une aversion qu’on ne saurait qualifier de phobique tant elle est rationnelle.

Quoi de plus disgracieux, de plus nuisible et de plus grossier qu’un éléphant qu’il soit d’Afrique d’Asie, de Limoges* ou socialiste ? Déjà son nom devrait nous mettre en garde : il est en effet dérivé du grec ἐλέφας signifiant à la fois ivoire et, par synecdoque, éléphant. Le seul choix de cette figure de style montre à quel point cette bête est prête à tout pour s’arroger une valeur qu’elle n’a pas. Notons au passage que le preux Roland, pour appeler à sa rescousse son Charlemagne de tonton, souffla dans son olifant. Or qu’est-ce qu’un olifant, sinon une déformation du nom de cet infâme pachyderme ? Comment s’étonner dès lors que personne ne vint le secourir à temps ? N’ayant pas été élevé à la cour d’Aachen, je ne me serais jamais permis une pratique aussi révoltante dont les effets en matière de son équivalent à ceux qu’on obtient en pissant dans un violon. Mais foin de digressions, venons-en aux tristes faits.

L’éléphant d’Afrique vit soit dans la savane, soit dans la forêt. Dans l’un et l’autre cas, il fait l’objet d’une chasse sans merci tant le fier homme des plaines herbeuses et le vorace pygmée sont friands de sa chair dont le goût rappelle celui de la girafe avec en plus des arômes de fruits rouges et de balayures d’atelier de mécanique générale. Bien que de petite taille, le pygmée est doté d’un solide appétit : un éléphant cuit à la broche est le repas traditionnel qu’offre un célibataire à son futur beau-frère en vue d’obtenir son soutien lorsqu’il demandera la main de sa sœur (les oreilles et la queue, peu digestes sont données aux chiens ou aux matadors de passage qui en raffolent).

 Seulement, cet ingrédient de base de la gastronomie africaine (nous ne saurions trop recommander l’éléphant et son coulis de mangue cuisiné en papillote) présente en dehors de ses éminentes qualités gustatives un intérêt économique certain du fait qu’il fournit un sous-produit appelé la défense. Après avoir constaté que, quel que soit le temps de cuisson qu’on lui consacre, la défense demeurait indigeste, l’homme préhistorique remarqua qu’elle pouvait être utilisée pour façonner divers objets comme des boules de billards ou des statuettes dont l’aspect rappelait celui des plastiques les plus fins. Les Grecs, furent également séduits par cette matière au point d’orner leurs temples de monumentales statues chryséléphantines (pour ceux qui se seraient montrés distraits lors de leurs cours d’histoire de l’art grec : faites d’or et d’ivoire). Celle qui ornait le temple de Zeus à Olympie, œuvre de Phidias, fut même considérée comme la troisième merveille du monde, ce qui n’est pas rien. Ce goût pour l’ivoire perdura et mena à la création d’un trafic hautement rémunérateur qui connut une grande expansion avec la propagation des armes à feu. En effet, sa chasse traditionnelle, qui s’opérait à l’aide d’une épuisette, requérait une nombreuse main d’œuvre et donc en augmentait considérablement le coût. De nos jours, une balle dum dum entre les deux yeux, deux coups de tronçonneuse et l’affaire est dans le sac. Quel progrès !  Seulement, à force de se faire braconner, l’éléphant vit son nombre se restreindre dangereusement et des âmes généreuses prirent sa défense (ce qui est paradoxal vu que c’était exactement ce qu’on reprochait aux braconniers). Le commerce de l’ivoire fut prohibé mais le massacre continua.

*L’espèce a heureusement disparu suite à la chasse dont il fut l’objet de la part des porcelainiers dont il ravageait les magasins.

samedi 31 janvier 2015

Le cheval



Parmi les animaux qui souillent la planète de leurs excréments et l’encombrent de leur présence importune, le cheval tient hélas une place de choix. Certains vont jusqu’à en faire « La plus noble conquête de l’homme » ! Personnellement n’ayant aucun penchant zoophile, je trouve qu’il n’y a vraiment aucune fierté à retirer d’avoir séduit un équidé, mais laissons ces tordus à leurs turpitudes. N’ayant pas la verve hargneuse du regrettable Léon Bloy, je ne saurais exprimer avec la véhémence nécessaire tout le mépris que m’inspire cette ignoble créature. Je vais tout de même essayer.

En fait, « Cheval » n’est que le pseudonyme sous lequel se cache l’équus caballus. Et il en a d’autres ! Ainsi, lorsqu’il est « entier » et destiné à la reproduction l’appelle-t-on « étalon ». Sa femme, dans une tentative de dissimuler tout lien avec cet exhibitionniste qui, quand la fantaisie l’en prend, n’hésite pas à exposer un membre viril apte à inspirer un complexe de panoplie chez Rocco Siffredi, se fait appeler « Jument ». De même, la honte que lui inspire le comportement grossier de leur père, pousse ses enfants à se prendre le nom de « poulain ». Hélas pour eux, leur physionomie les trahit et ils ne trompent personne. Curieusement, quand, histoire de lui rabattre un peu le caquet, on castre le cheval,on l’appelle « hongre », mot dérivé de « hongrois ». Je m’étonne que les associations antiracistes ne se soient pas émues de cette insulte faite à des hommes somme toute pas plus stériles que d'autres.

Le cheval fut longtemps, faute de mieux, utilisé dans l’agriculture, les transports et la guerre.

Le militaire médiéval qui chevauchait en tirait une fierté au point qu’il dériva son nom de ce stupide animal. En dériva également l’adjectif « chevaleresque » censé qualifier des gestes ou attitudes valorisants. Toutefois, il n’est point jugé chevaleresque d’exhiber son sexe en société, ce qui prouve que le rapport entre le comportement de l’animal et les vertus est bien distant. Lorsque la démocratisation des montures se développa, le soldat à cheval devint un cavalier et logiquement, se montrer « cavalier » fut signe de mauvaise éducation. Dieu merci, le Chardasseau, animal doté d’un canon (alors que l’inefficace cheval en compte deux qui ne tirent aucun projectile) est venu il y a près d’un siècle le remplacer sur les champs de bataille.

Jusque récemment, le cheval de trait servit au labour. On s’en débarrassa heureusement au profit du Traqueteur bien plus efficace et ne souillant aucunement les belles routes de nos campagnes de disgracieux monticules de crottin.

De même l’automobile, la moto, le vélomoteur, la bicyclette et l’autocar vinrent offrir, dans le domaine des transports d’heureuses alternatives à ce malodorant ongulé.

On aurait pu espérer que ces progrès nous auraient débarrassés à jamais de cette sale bête.  Ce serait bien mal connaître la futilité de l’humain. Si dans des pays de culture souvent douteuse comme les États-Unis et l’Argentine quelques cow-boys et gauchos (mot servant chez nous comme là-bas à désigner des voyous aux idées nocives) s’obstinent à ennuyer les bovins grimpés sur ce misérable équidé, en France en dehors de procurer à quelques passéistes l’occasion de faire des chutes quand les pistes de ski sont fermées, ils ne sont plus guère utilisés que dans le cadre de courses hippiques où l’ouvrier perd en paris le peu d’argent que lui laisse le  bistro.

Les expressions dérivées de l’animal sont nombreuses et généralement peu flatteuses. Si « ne pas être le mauvais cheval » est plus indulgent que flatteur, être « à cheval sur les principes » fait montre de rigidité psychologique et avoir (comme on en met à la bête pour éviter qu’elle ne fasse l’andouille) des œillères ne fait que confirmer cette malheureuse tendance. Mais pourquoi l’accabler plus avant ?

 Le spectacle que donne cet inutile quand il court sans raison valable dans des prés dont il dévore l’herbe sans offrir la moindre contrepartie et son lamentable cri ne suffisent-ils pas à inspirer à tout esprit lucide un profond dégoût ?

vendredi 30 janvier 2015

Pauvres députés ! (2)




Vous voilà élu : une vie dont ne voudrait pas un chien vous attend.

Il y a d’abord le travail législatif. De deux choses : l’une soit vous êtes dans la majorité, soit vous êtes dans l’opposition. Être majoritaire n’est pas aisé : on a été élu sur un programme qu’on sait largement irréalisable. D’autant plus que la conjoncture se montre défavorable. Il arrive que vous vous voyiez contraint par les circonstances non seulement d’en abandonner de nombreux point mais aussi de voter des mesures sinon diamétralement opposées à vos promesses du moins en forte contradiction avec elles. Si vous êtes idéaliste, vous en concevez de la frustration. Même cynique, vous n’échappez pas au malaise car vous ne quittez pas des yeux les lignes bleues (ou roses) de la réélection et de l’indispensable investiture. Pour ménager le chou partisan et la chèvre électrice il vous faut donc vous livrer à un délicat exercice d’équilibrisme entre un indispensable soutien et une critique mesurée.  Tout en priant le bon Dieu (ou tout autre haute instance) pour qu’au bout du mandat un événement salutaire ou une amélioration soudaine de la conjoncture  vienne soit limiter la casse soit créer les conditions du miracle qui vous a amené à la chambre.

Dans l’opposition, c’est plus confortable, surtout si vous bénéficiez de la mauvaise foi du charbonnier. Non seulement vous pouvez défendre avec une constante véhémence les (plus ou moins) justes revendications de votre électorat mais vous pouvez critiquer systématiquement  les options du gouvernement même quand elles vont dans votre sens.

Que vous soyez d’un côté ou de l’autre, il vous faudra de temps en temps faire preuve d’initiative : poser une question au gouvernement voire déposer une proposition de loi laquelle n’a aucune chance d’être acceptée si vous êtes dans l’opposition et donc ses effets ne vous seront jamais reprochés… Mais que vous soyez godillot ou contestataire systématique ce n’est pas à Paris que vous attendent les pires corvées.

Car pour le vain peuple votre mission législative n’est qu’accessoire. Il vous voit plutôt comme une courroie de transmission entre lui et le pouvoir central ainsi qu’un potentat local omnipotent. Il attend beaucoup de vous. D’abord, il veut vous voir. Pas question de ne pas assister à l’inauguration des pissotières du chef lieu de canton ou des nouveaux locaux des Joyeux Boulistes de Vazydon (JBV). Sans votre lumineuse présence, quel intérêt présenterait l’assemblée générale de l’Amicale Départementale des Pêcheurs d’Ablettes (ADPA) ? Et celle du Comité de Sauvegarde des Rives de la Bouzarde (CSRB) ? Du coup vous vous trouvez invité partout et souvent en plusieurs lieux en même temps. Si vous passez partout en coup de vent, vous serez mal vu. Si vous passez la soirée à Ploucville, ceux de Villepaumée seront jaloux. Si vous n’allez nulle part on vous en voudra. Et vos innombrables lettres d’excuses évoquant quelque priorité incontournable n’y changeront rien, bien au contraire.

Et puis il y a les courriers et les permanences où chacun vient se plaindre de droits bafoués souvent imaginaires quand ce n’est pas réclamer  d’éhontés passe-droits. Qu’est-ce que vous y pouvez si le chien du voisin gueule tout le temps ? Si la belle-mère est acariâtre ? Si l’HLM qu’on occupe parait trop exigu ou trop vaste ? Si le fiston ne trouve pas de boulot ?  S’il n’y a pas de place à l’EHPAD pour la bonne grand-mère ? Si, célibataire et sans enfant, on vous refuse les allocations familiales ? Si vous trouvez votre note de gaz trop élevée ?  Il vous faut feindre de prendre tout ça au sérieux, promettre d’intervenir, faire des courriers exprimant votre soutien aux plus absurdes revendications, pousser un peu à la roue quand faire se peut… Et ce faisant, vous voir accusé de clientélisme !  Mais sans clients il n’y aurait pas de clientélisme !

Bref, pour résumer, vous passez votre temps à des conneries comme le disait si bien le regretté Georges Frêche. Vos efforts constants et chronophages, fournis au détriment de votre vie familiale ou privée, vous valent-ils une reconnaissance éternelle ? Rarement. N’importe comment et quoi que vous fassiez, dans la plupart des cas,  la quasi-moitié des citoyens que vous êtes censés représenter n’ont pas voté pour vous et une grande partie de ceux qui vous ont élu l’ont fait faute de mieux. Presque tous s’accordent pour trouver que vous bénéficiez d’avantages exorbitants et totalement injustifiés.

Pour remplir ce genre de fonctions, il faut avoir un profil psychologique très spécial qui vous fait trouver dans ce genre de position une fierté qui efface tous ces désagréments. Je ne l’ai pas. Je n’envie pas ceux qui l’ont. A ceux qui les jalousent et les vomissent je dirai : si la place vous paraît si bonne, entrez dans la course, bonne chance et surtout bon courage !