..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

vendredi 8 août 2014

Du baccalauréat de français



Lors des dernières épreuves de français du bac, certains candidats des séries S et ES se sont, sur les réseaux sociaux,  répandus en jugements peu amènes sur M. Victor Hugo au prétexte que la simple limpidité de l’œuvre  du grand homme qu’on leur proposait de commenter leur échappait totalement. En réaction, tout un chacun se gaussa de ces ignares qui semblaient penser qu’Hugo était vivant et lui conseillaient d’éviter de les croiser dans la rue ou d’aller se livrer  à des pratiques incestueuse en compagnie de madame sa maman. Seulement, je crains que la faute soit davantage à imputer aux enseignants qui rédigent les sujets et se font une idée un peu flattée des capacités littéraires des élèves de sections scientifiques plaçant ceux-ci dans la délicate position d'un un analphabète à qui l’on demanderait de commenter en Serbe ancien un texte rédigé en Mandarin.

J’ai toujours été très sceptique sur la valeur du commentaire littéraire qu’il soit composé ou linéaire. Surtout quand il mène à transformer un texte de Pascal en éloge du sadomasochisme ou à expliciter ce qui fait de la recette  du lapin à la moutarde un sommet de la littérature mystique.  Sans tomber dans ce genre d’excès, je me suis vu contraint dans le cursus de mes études littéraires de me livrer à cet exercice et même avec un certain succès. Il n’empêche qu’écrire un texte sans intérêt à propos d’un autre qui en a peut-être, qu’extraire les significations dissimulées d’un extrait en explorant ses champs lexicaux et leurs connotations obscures me paraît particulièrement inutile quand ça ne relève pas du délire. Comme disait un mien professeur doté d’un bon sens certain : « Si Victor Hugo avait voulu le dire, il n’avait qu’à le dire ! »

On ne fait pas de quatre-vingts pour cent d’une génération autant de distingués  et subtils critiques littéraires. Dans un premier temps, si on se contentait de leur demander d’être capables de saisir le sens d’un texte écrit en français correct et d’en rédiger un compte rendu  intelligible dans cette même langue, ce ne serait déjà pas si mal. L’épreuve en question est intitulée « épreuve de français » et non de littérature. Caresser dans le sens du poil les innocentes  lubies du corps des Inspecteurs Généraux en faisant comme si rien n’avait changé au fil du siècle dernier est certes charitable mais pose problème : d’où les pauvres correcteurs vont-ils tirer les points nécessaires à attribuer une note à une copie écrite en sabir sur un texte dont le sens est visiblement resté  celé   au commentateur  ?

Mais trêve de bon sens. Il me semble que ceux qui ont eu la patience de me suivre jusqu’ici ont mérité une petite récréation. La voici, sous forme de commentaires  que m’inspirent la lecture d’un poème du grand Hugo.


Saison des semailles. Le soir

C'est le moment crépusculaire.
J'admire, assis sous un portail,
Il va être propre, ton futal, tu vas l’entendre la mère Juju quand tu vas rentrer !

Ce reste de jour dont s'éclaire
La dernière heure du travail.

Du travail des autres, hein, fainéant !

Dans les terres, de nuit baignées,
Je contemple, ému, les haillons
Comme quoi travailler de l’aube au crépuscule ça n’a jamais payé !
 
D'un vieillard qui jette à poignées
Un vieillard, contraint de bosser quand les feignasses comme toi à 64 ans passent leur temps à écrire des conneries !

La moisson future aux sillons.

Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
Aussi profonds que soient les labours, s’il ne les dominait pas ça serait un sacré nain !

On sent à quel point il doit croire
A la fuite utile des jours.
Honnêtement, s’il ne croyait pas qu’avec le temps les graines poussent, on se demande pourquoi il s’emmerderait à semer !

Il marche dans la plaine immense,
Va, vient, lance la graine au loin
Rouvre sa main, et recommence,
Ben oui, qu’est-ce que tu voudrais qu’il fasse  entre deux jets de graines ? Un triple salto arrière ? Qu’il joue « Viens Poupoule » à la cornemuse ?

Et je médite, obscur témoin,

Pendant que, déployant ses voiles,
L'ombre, où se mêle une rumeur,
Et qu’est-ce qu’elle colporte comme ragots cette rumeur ?

Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur.
Une ombre, soit ça obscurcit et on ne voit pas bien, soit c’est projeté à terre. Mais élargir jusqu’aux étoiles un geste, si auguste soit-il, c’est pas possible, pomme à l’eau !

jeudi 7 août 2014

Explication de texte



 Dans un billet divertissant, Didier Goux se gaussait des universitaires qui encombraient les oeucres de notes de bas de pages aussi insipides qu'inutiles. Il est cependant possible, grâce à des notes érudites et profondes d'apporter un supplément de sens aux grands textes. C'est le défi que j'ai voulu relever en ajoutant des notes de bout de ligne*   au magnifique texte immortalisé par l'immense Pauline Carton
* j'aime mieux vous dire que ce n'est pas de la tarte de les placer en tapant le texte dans blogger car quand on publie, se produisent d'inexplicables changements de mise en page auxquels je n'ai pas toujours pu remédier.

Et voilà le travail : 

Sous les palétuviers

[Pedro]:
L´amour, ce fruit défendu 1                                      1 Référence à la confusion généralement 
entretenue entre le fruit de l’arbre de la
Vous est donc inconnu?                                           
connaissance du bien et du mal et le péché de chair.
Ah! Cela se peut-il,                                                   
Joli petit bourgeon d´avril 2?                                    2 Le poète compare métaphoriquement la jeune femme à la
promesse
[Honorine]:                                                            
que représente un bourgeon printanier que seul l'amour saura faire s'épanouir.

Ah! Je ne l´ai jamais vu,
Jamais vu ni connu,
Mais mon cœur ingénu
Veut rattraper, vois-tu,
Tout le temps perdu 3!                                              3 Elle a littéralement le feu au cul !

[Pedro]:
Ah! Rien ne vaut pour s´aimer
Les grands palétuviers 4,                                          4 Le palétuvier, arbre caractéristique de la mangrove offre en effet un abri idéal
Chère petite chose5 5!                                               aux amoureux, le chant des crapauds buffles couvrant leurs plaintes
                                                                                langoureuses
[Honorine]:                                                              5 En ces temps heureusement révolus, la femme était souvent considérée
Ah! Si les palétuviers,                                              comme un objet (ici de désir) !
Vous font tant frétiller 6,                                             6 Pedro, éperdu d'amour, est  excité comme une queue de chien.
Je veux bien essayer...

{Refrain:}
[Pedro]:
Ah! Viens sous les pa...

[Honorine]:
Je viens de ce pas,
Mais j´y vais pas à pas!

[Pedro]:
Ah! Suis-moi veux tu?...

[Honorine]:
J´ te suis, pas têtu´,
Sous les grands palétu...

[Pedro]:
Viens sans sourciller,
Allons gazouiller 7                                                                                 7  D'abord simple bourgeon, Honorine passe soudain du statut d'objet à
Sous les palétuviers
                                                                             celui d'objet d'amour (cf.. "Viens Poupoule ou Ah, si vous connaissiez ma                                                                                                                       pou-ou-ou-ou-ou-ou-le"

[Honorine]:
Ah! Sous les papa papa
Sous les pa, les létu,
Sous les palétuviers...

[Pedro]:
Ah! Je te veux sous les pa,
Je te veux sous les lé,
Les palétuviers roses...

[Honorine][Pedro]:
Aimons-nous sous les palé,
Prends-moi sous les létu 8 ,                                                  8 L'homophonie pourrait faire penser qu'Honorine voudrait pratiquer le
Aimons-nous sous l´évier 9!...                                               le coït sous des salades ! Idée amusante mais difficilement applicable;
                                                                                           9 Faire l'amour dans des endroits improbables autant qu'inconfortables
{Fin du Refrain}                                                                  est un fantasme récurrent qui parcourt notamment les œuvres de Proust
                                                                                           de Mauriac ou de Heidegger.
{2ème couplet:}

[Pedro]:
Ah! Ton cœur me semble encor´
Hésiter cher trésor 10,                                                           10 Métaphore hardie qui attribue à Honorine une valeur immense :
Mais je veux tout oser                                                          Pedro, pour arriver à ses fins recourt à la flagornerie !
Pour un p´tit, tout petit baiser!

[Honorine]:
Un vertige m´éblouit,
Un baiser c´est exquis!...
Même un p´tit tout petit,
Je crains d´être pour lui
L´objet du mépris 11 !...                                                         11Une tradition machiste, heureusement révolue, voulait qu'après
                                                                                             être parvenu à ses fins, le séducteur méprisât sa conquête (cf. le
[Pedro]:                                                                                 "Maintenant que je l'ai sautée, elle peut aller se faire voir chez
Non, le mépris, je t´en prie,                                                    plumeau" in Blaise Pascal, Correspondance)
Ce n´est pas dans mes prix,
Car je suis pris 12, mignonne!...                                               12 Notons la savoureuses utilisation des homophones (Prie, prix,pris)

[Honorine]:
Ah! mon coeur est aux abois 13,                                           
13 Métaphore de vénerie faisant d'Honorine une biche à la merci 
 tu peux prendre ô mon roi 14                                                du métaphorique chien qui la poursuit de ses ardeurs (cf notes 6 et 18) 
Mon corps au fond des bois 15...                                           14 Honorine se veut l’obéissante sujette d'un Pedro qui règne sur ses
                                                                                             sens.
{au Refrain}                                                                         15 Ainsi se confirme la thématique empruntée à Alfred de Vigny (cf.    
                                                                                            la mort du loup et le son du cor)
{3ème couplet:}

[Pedro]:
Près des arbres enchanteurs
Viens goûter les senteurs
Ce cocktail où se mêlent
Le gingembre avec la cannell´

[Honorine]:
Oui c´est l´effet du tropique
Qui me pique, pic, pic, pic 16...                                                 16 La reprise du verbe "pique" par l'onomatopée "pic", reprise trois
Je sens les muscadiers,                                                             fois, ajoute à la scène une touche de réalisme.
Je sens les poivriers
Et les bananiers!...

[Pedro]:
Le parfum des néfliers
Et des doux pistachiers17                                                                             
17 L'énumération d'essences et de plantes tropicales renforcent
N´ vaut pas l´étuvier tendre...                                                   
l'impression de réalisme esquissée plus haut (cf. note 16)
[Honorine]:
Tous ces arbres tropicaux
Vous incitent aux bécots,
Allons-y mon coco!...

{au Refrain}

Si je comprends bien
Tu me veux mon chien18                                                                                    18 Honorine rompt avec ses réticences évidemment feintes
Sous les grands palé...                                                                  et reconnait en Pedro l'animal lubrique susceptible d'assouvir
Tu viens!..                                                                                    ses désirs bestiaux (cf. note 3)                                                          .

mercredi 6 août 2014

Mettons fin au scandale !



La colonisation est un crime. Toute personne surprise à affirmer que sur certains points, peut-être, elle aurait pu avoir des aspects positifs s’expose à la vindicte de nos bons gauchistes en attendant qu’une prochaine loi vienne lui infliger la juste peine qu'ils méritent. Je me garderai bien de les contredire et même j’irai dans leur sens afin que soit mis fin à un abus qui souille d’une tache honteuse la robe immaculée de notre chère République. Je veux bien entendu parler de ce scandale que constitue la pérennisation du système colonial dans ces confettis d’empire que l’on a maladroitement tenté de masquer sous le sigle de DOM-TOM.  

Si une colonie est un « établissement fondé par une nation appartenant à un groupe dominant dans un pays étranger à ce groupe, moins développé, et qui est placé sous la dépendance et la souveraineté du pays occupant dans l’intérêt de ce dernier » comme l’écrit M. Robert Le Petit dans son best-seller*, il faudrait toute la mauvaise foi d’un ennemi du progrès pour nier que les DOM-TOM correspondent en tout point à cette définition. Ce n’est pas Mme Christiane Taubira, militante indépendantiste de longue date à qui seule sa générosité naturelle a permis de surmonter ses justes rancœurs  pour venir instaurer un peu plus de justice au sein de ce peuple même qui opprima et continue d’opprimer le sien, qui me contredira.

Depuis bientôt quatre siècles pour certains, ces territoires souffrent sous le joug d’une puissance étrangère hostile à leur développement culturel et économique après y avoir en maints endroits pratiqué l’esclavage jusqu’en 1848, c'est-à-dire, à l’échelon de l’histoire, hier. Comment de si récentes plaies pourraient-elles ne serait-ce que commencer de cicatriser ? Comment de si infâmes crimes pourraient-ils sombrer dans l’oubli ?

Il serait grand temps de mettre un terme à cette situation scandaleuse qui trouve sa source dans notre rapacité égoïste. Bien sûr, il faudrait se résigner à ce que la France perde son rang au classement des producteurs de bananes ou de rhum. Il faudrait qu’elle se résigne à cesser de voir flotter son drapeau sur les Caraïbes, Le continent Américain, les océans Indien et Pacifique et jusque sur certain archipel de l’Atlantique Nord. Mais la justice n’a-t-elle pas un prix ?

Certains mettent en avant le fait que nos Antilles sont françaises depuis bien plus longtemps que certaines provinces métropolitaines. Comme si l’ancienneté d’une faute justifiait sa poursuite** !  D’autres mettront en avant des raisons stratégiques. Sans ces territoires et les bases qu’elles offrent, la France cesserait d’être une puissance mondiale capable d’intervenir en tout endroit du globe. Il est cruel de sortir une telle  plaisanterie devant qui a les lèvres gercées.  D’abord on ne peut pas réduire continuellement son budget militaire ainsi que les effectifs de son armée et affirmer sa prétention à demeurer une puissance militaire de premier plan. Ensuite, si on y tient vraiment, il serait possible de passer des accords avec les nouveaux pays indépendants pour conserver nos bases. Et Kourou ? La belle fusée Ariane, on va la tirer  de Romorantin, peut-être ? Rien ne s’oppose à ce que nous la conservions moyennant finances. Qu’en feraient les guyanais en attendant d’avoir mis au point une fusée capable d’envoyer Christiane faire régner la justice dans l’Espace ?  Kourou, c’est comme les bananes et le rhum ça s’achète

Il semble donc que la France survivrait à ces indépendances. Reste à savoir si les habitants des DOM-TOM seraient ravis de leur nouveau statut. Je ne vois à priori aucune raison pour qu’ils ne le soient pas. Recouvrer la maîtrise de leur destin leur permettra de libérer une énergie jusque là bridée. La langue de l’oppresseur serait remplacée aux Antilles, en Guyane et à la Réunion par les créoles locaux entraînant un formidable épanouissement culturel. Cessant d’être pillés par la métropole, les économies connaîtront certainement des transformations inouïes leur permettant de rejoindre le niveau de leurs voisins***.

Comment, vous craignez que le tableau idyllique que je viens de brosser ne soit pas réaliste ? Qu’en fait, le désengagement de la France dans ces territoires et départements entraînerait un effondrement économique et culturel ? Insinueriez-vous que loin de leur nuire, la métropole les soutiendrait ? Mais cela ne change rien au fond du problème ! Ces gens méritent leur liberté ! Et de plus, est-il raisonnable qu’un pays déjà surendetté continue de maintenir à bout de bras des confettis d’empire au mépris des droits les plus fondamentaux des peuples ?  Notre retrait concilierait donc bonne action et saine gestion. Ce n’est pas si souvent le cas !

*Dictionnaire de la langue française
** Ce n’est valable que dans le cas des sans-papiers : plus leur statut de hors la loi est ancien, plus on les pardonne. Curieusement, quand on pratique le racket ou le commerce de l’héroïne, l’ancienneté de cette pratique n’en facilite pas le pardon.
***Comment ça, le niveau économique de leurs voisin est bien moindre ? Vous êtes sûr ?