Lors
des dernières épreuves de français du bac, certains candidats des séries S et
ES se sont, sur les réseaux sociaux, répandus en jugements
peu amènes sur M. Victor Hugo au prétexte que la simple limpidité de l’œuvre
du grand homme qu’on leur proposait de
commenter leur échappait totalement. En réaction, tout un chacun se gaussa de
ces ignares qui semblaient penser qu’Hugo était vivant et lui conseillaient d’éviter
de les croiser dans la rue ou d’aller se livrer à des pratiques incestueuse en compagnie de madame
sa maman. Seulement, je crains que la faute soit davantage à imputer aux
enseignants qui rédigent les sujets et se font une idée un peu flattée des
capacités littéraires des élèves de sections scientifiques plaçant ceux-ci dans
la délicate position d'un un analphabète à qui l’on demanderait de
commenter en Serbe ancien un texte rédigé en Mandarin.
J’ai
toujours été très sceptique sur la valeur du commentaire littéraire qu’il soit
composé ou linéaire. Surtout quand il mène à transformer un texte de Pascal en
éloge du sadomasochisme ou à expliciter ce qui fait de la recette du lapin à la moutarde un sommet de la
littérature mystique. Sans tomber dans
ce genre d’excès, je me suis vu contraint dans le cursus de mes études
littéraires de me livrer à cet exercice et même avec un certain succès. Il n’empêche
qu’écrire un texte sans intérêt à propos d’un autre qui en a peut-être, qu’extraire
les significations dissimulées d’un extrait en explorant ses champs lexicaux
et leurs connotations obscures me paraît particulièrement inutile quand ça ne
relève pas du délire. Comme disait un mien professeur doté d’un bon sens
certain : « Si Victor Hugo avait voulu le dire, il n’avait qu’à le
dire ! »
On
ne fait pas de quatre-vingts pour cent d’une génération autant de distingués et subtils critiques littéraires. Dans un
premier temps, si on se contentait de leur demander d’être capables de saisir
le sens d’un texte écrit en français correct et d’en rédiger un compte
rendu intelligible dans cette même
langue, ce ne serait déjà pas si mal. L’épreuve en question est intitulée « épreuve
de français » et non de littérature. Caresser dans le sens du poil les innocentes
lubies du corps des Inspecteurs Généraux
en faisant comme si rien n’avait changé au fil du siècle dernier est certes
charitable mais pose problème : d’où les pauvres correcteurs vont-ils
tirer les points nécessaires à attribuer une note à une copie écrite en sabir
sur un texte dont le sens est visiblement resté celé
au commentateur ?
Mais
trêve de bon sens. Il me semble que ceux qui ont eu la patience de me suivre
jusqu’ici ont mérité une petite récréation. La voici, sous forme de
commentaires que m’inspirent la lecture
d’un poème du grand Hugo.
Saison des semailles. Le soir
C'est le
moment crépusculaire.
J'admire, assis sous un portail,
J'admire, assis sous un portail,
Il
va être propre, ton futal, tu vas l’entendre la mère Juju quand tu vas rentrer !
Ce reste de jour dont s'éclaire
La dernière heure du travail.
Du travail des autres, hein, fainéant !
Dans les terres, de nuit baignées,
Je contemple, ému, les haillons
Comme
quoi travailler de l’aube au crépuscule ça n’a jamais payé !
D'un vieillard qui jette à poignées
Un
vieillard, contraint de bosser quand les feignasses comme toi à 64 ans passent
leur temps à écrire des conneries !
La moisson future aux sillons.
Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
Aussi
profonds que soient les labours, s’il ne les dominait pas ça serait un sacré
nain !
On sent à quel point il doit croire
A la fuite utile des jours.
Honnêtement,
s’il ne croyait pas qu’avec le temps les graines poussent, on se demande
pourquoi il s’emmerderait à semer !
Il marche dans la plaine immense,
Va, vient, lance la graine au loin
Il marche dans la plaine immense,
Va, vient, lance la graine au loin
Rouvre sa
main, et recommence,
Ben
oui, qu’est-ce que tu voudrais qu’il fasse
entre deux jets de graines ? Un triple salto arrière ? Qu’il
joue « Viens Poupoule » à la cornemuse ?
Et je médite, obscur témoin,
Pendant que, déployant ses voiles,
L'ombre, où se mêle une rumeur,
Et
qu’est-ce qu’elle colporte comme ragots cette rumeur ?
Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur.
Une
ombre, soit ça obscurcit et on ne voit pas bien, soit c’est projeté à terre.
Mais élargir jusqu’aux étoiles un geste, si auguste soit-il, c’est pas
possible, pomme à l’eau !