Selon une tradition pas nécessairement confirmée par les
chiffres, en cas de péril mortel, comme par exemple dans les naufrages, on
tentait de sauver les femmes et les enfants d’abord. En admettant que ce fût le
cas, on peut se demander pourquoi. Une raison pourrait être le fait que, les
femmes assurant jusqu’à nouvel ordre la pérennité de l’espèce et les enfants
ayant statistiquement une espérance de vie supérieure aux adultes, cela se
justifierait par un désir de sauvegarde de l’humanité. Une autre raison, bien
honteuse en nos temps de grande égalité, pourrait être un vieux fond de
machisme tempéré de paternalisme qui pousserait l’homme, fort par définition, à
protéger la faible femme et le débile enfançon. Ce serait absolument
intolérable aujourd’hui. La parité n’étant pas faite pour les chiens, en cas de
catastrophe, il serait logique que l’on tentât de sauver un égal quota de
femmes et d’hommes. Et, pour les enfants, qu’on les triât par sexe et qu’on les
secourût de manière paritaire. Évidemment, resterait le problème de l’âge.
Donnerait-on la priorité aux plus jeunes ou aux plus âgés ? De plus, organiser la parité sexuelle
pourrait ralentir le rythme des secours. Sans compter que l’existence d’un
troisième genre viendrait compliquer les choses…
Il est un autre domaine où femmes et enfants se trouvent encore
indûment favorisés : celui de la guerre. A entendre les commentaires des
media sur les victimes des joyeux massacres actuels, il semble particulièrement
honteux qu’on compte parmi elles des femmes et des enfants. Avec pour corolaire
le fait que la victime masculine, elle, est, sinon tout à fait acceptable, du
moins notablement moins déplorable. Ne faudrait-il pas voir là une survivance
des temps archaïques où le mâle, un costaud, était en mesure de se défendre,
tandis que leur soi-disant faiblesse interdisait aux femmes et à fortiori aux
enfants d’assurer leur survie en cas d’attaque meurtrière.
Il me semble qu’il y a belle lurette que cette capacité de
défense qu’aurait l’homme est dépassée si elle a jamais existé. Même aux
héroïques temps préhistoriques, j’aimerais qu’on m’explique de quelle manière le
mâle était en mesure de mieux se défendre contre la flèche ou le javelot qu’un
habile adversaire lui décochait ou lançait dans le bidon (avec les déplorables
conséquences que l’on devine) que ne l’aurait été une femme ou un enfant. Il n’y
a qu’en cas de combat singulier que ce
soit à la masse d’arme, à la hache, au sabre que l’on peut admettre qu’un homme
soit mieux en mesure de se défendre. Mais de tels combats sont archaïques. L’art
de la guerre a beaucoup progressé.
De nos jours, on tue bien plus efficacement et pour ce faire
on dispose d’engins sophistiqués d’une efficacité redoutable et contre lesquels
le plus couillu guerrier ne peut rien. Sans aller jusqu’à employer l’arme
atomique, capable de vous vitrifier en moins de deux une ville, une région,
voire un pays sans distinction d’âge, de sexe, de genre, de religion, d’opinions
ou de préférences sexuelles, nous disposons de missiles et de bombes, de
canons, et de diverses armes à feu laissant peu de chances de survie à ceux sur
lesquels elles tombent ou atteignent, si robustes soient-ils.
Plutôt que de maintenir de désuètes gradations entre les
victimes de guerre en fonction de leur
âge ou de leur sexe, ne ferait-on pas mieux de s’interroger sur l’intérêt de
conflits armés qui continueront de semer la mort parmi des innocents sans
défense sans pour autant résoudre les problèmes ?
Le pacifisme, est certes une utopie. Le spectacle du monde d’hier
comme d’aujourd’hui n’encourage pas à penser qu’il puisse jamais devenir
universel. Mais, comme me le disait naguère un sage ami, même si c’est
irréaliste, n’est-il pas préférable d’envisager l’utopie la plus proche de ses
aspirations profondes que d’opter pour des solutions soi-disant « réalistes »
qui n’ont pas plus de chances d’être jamais mises en application ?