Hier, lisant le
billet de Corto, j’appris que 452 SDF seraient morts au 361e
jour de l'année 2013. Pris comme ça, le chiffre impressionne. Hélas, j’ai
la manie des chiffres et des statistiques. Vice bien pardonnable, mais vice
quand même. Aussitôt je me suis demandé
quel taux de mortalité cela faisait par rapport à la population française lequel est de 8,5 pour 1000.
Ce chiffre se calcule en comparant la population totale au nombre de morts
constatées en une année. Si on calculait celui des gens nés avant 1850, je
crains fort qu’il ne soit de 100 %.
Pour voir ce qu’il en était, j’ai donc recherché le nombre
de SDF que pouvait compter la France. Selon l’INSEE, cité par le bon journal Libération
, ils seraient 141 500. En
appliquant le taux moyen à ces 141 500, il aurait été logique qu’il y ait
eu cette année 1203 morts parmi eux. Or le taux qu’indique ce chiffre ne serait
que de 3.19 pour 1000. De là à penser
que pour diminuer ses chances de mourir dans l’année, il faudrait se hâter de bazarder
sa maison ou son appartement et de se
procurer un carton (voire une tente et un duvet pour les plus soucieux de
confort), il n’y a qu’un pas. Seulement, avant de le faire, lisez la suite.
Ça m’a tout de même turlupiné. J’ai lancé quelques recherches sur le Net et j’ai
découvert le pot aux roses : en fait, il n’existe aucun chiffre fiable sur
la question. C’est ce qu’explique le
Nouvel Obs dans un article argumenté. Le chiffre de 452 donné par
l’association Les Morts de la rue
ne représente que les décès de SDF qui lui sont signalés. On serait donc porté
à croire que le chiffre réel est bien plus important. Il serait même tout à
fait concevable, vu le manque d’hygiène alimentaire et autre que connaissent
les SDF, que leur taux de mortalité soit
bien plus élevé que celui de l’ensemble de la population.
Seulement, et l’absence de statistiques le prouve, tout le
monde s’en fout. Un clodo qui crève présente bien moins d’intérêt qu’un
automobiliste qui décède suite à un accident ou qu’un employé de France Télécom
qui se suicide. Pourtant cette dernière entreprise compte plus d’employés qu’il
n’y a de SDF en France. Qu’aurait-on dit si un demi-millier d’entre eux avaient
mis fin à leurs jours au cours de l’année ? Pourtant on compte plusieurs
dizaines de millions d’automobilistes en notre beau pays. Qu’aurait-on dit si environ 100 000 d’entre eux s’étaient
tués sur la route l’an dernier ? Et
pour arriver à ces chiffres je n’applique que le ratio 452/141 500 !
Il est tout de même curieux qu’un pays qui pratique un taux
de prélèvements si élevé et qui dépense bien plus qu’il ne prélève dans le but
avoué de lutter contre les inégalités soit incapable non seulement de résoudre
un tel problème (ce qui n’est pas forcément évident) mais de simplement en
apprécier l’étendue.