Nous étions dans la salle des profs de mon école londonienne
et avec A, que je ne savais pas encore
destinée à devenir ma compagne durant trois longues (et souvent pénibles) années,
nous parlions littérature. Bien qu’ayant atteint la quarantaine, allez savoir
pourquoi, j’avais conservé une nette tendance à accorder grand crédit aux goûts
littéraires des jeunes femmes d’une vingtaine d’années à forte poitrine. C’est alors que le terme Afro-Américain résonna pour la première fois à mes oreilles
dans sa version anglaise. Les Afro-Américains avaient, selon A, produit une littérature des plus passionnantes. J’en fus ravi pour eux tout en me demandant quel
pouvait bien être ce peuple
bi-continental dont j’ignorais jusque là l’existence et encore plus le talent
littéraire. Obligeante, A, qui devait sentir poindre en elle un certain intérêt
pour le Français entre deux âges, me proposa de me fournir une liste d’ouvrages
appartenant à ce courant fertile. J’acceptais volontiers, tant il est agréable et
utile de s’instruire auprès de certaines personnes. Le lendemain, femme de
parole, elle me remit la liste convoitée et je me rendis compte qu’y figuraient
des titres et des auteurs que j’avais déjà lus, mais que ma grande ignorance
des modes langagières anglo-saxonnes, m’avaient fait considérer comme des ouvrages
écrits par des Noirs américains. Je fis celui qui découvrait tout afin de ne
pas passer pour un gros bof aux yeux d’une relation prometteuse.
J’ai remarqué depuis que depuis quelque temps, cette lexie avait
été traduite en français. Ce qui est bien étrange. S’il y a des
Afro-Américains, pourquoi ne parle-t-on pas d’Euro-Américains, d’Asiato-Américains,
d’Océano-Américains, de Sud-Améro-Américains et, dans le cas des Amérindiens d’Améro-Américains ?
Il est probable que le terme Afro-Américain est utilisé en France
par de braves gens qu’une référence à la couleur noire dérangerait. Pourtant,
en accolant un adjectif rappelant le continent d’origine à celui de la
nationalité il me semble que l’on introduit comme une sorte de doute sur l’appartenance
réelle et totale des individus concernés à la nation en question. A l’idée de
qui viendrait-il d’appeler nos compatriotes antillais des Afro-Français ? Ce serait probablement jugé discriminatoire par ceux-là même qui par
snobisme et croyant se montrer délicats utilisent sans vergogne le terme
importé des USA. Ceux qui parlent de
Néo-Français sont très mal vus des antiracistes : dès qu’on est Français,
on l’est à part entière sans distinction de race, d’origine ou de préférences
en matière de poitrine féminine, non mais !