Traditionnellement, du moins si tant est qu’on puisse
appeler tradition une coutume multiséculaire, le mariage était l’union d’un homme et d’une
femme afin de fonder une famille et de perpétuer l’espèce dans un cadre stable.
Il était censé être indissoluble et, mis à part quelques exceptions, seule la
mort d’un des conjoints pouvait y mettre fin. Il s’agissait d’unir un homme et une femme compatibles selon des critères sociaux, culturels,
économiques. Un mariage ne répondant pas
à ces exigences était une mésalliance.
Une donnée relativement nouvelle est venue mettre la pagaille
dans ce contrat raisonnable : il a nom AMOUR. Découvrons-nous, Messieurs-Dames
devant cet « enfant de bohême [qui] n’a JAMAIS (c’est moi qui insiste) connu
de lois » pas plus qu’il n’a de frontière. Il rend également aveugle comme
chacun sait. Qu’on le trouve dans le pré,
dans la cave d’une cité, sur Internet ou au boulot, il est devenu l’ingrédient
majeur de toute union. Ce qui n’empêche aucunement les traditions de jouer. Le mariage
de convenance a la vie dure : on continue généralement de s’épouser entre
gens compatibles socialement, culturellement et économiquement mais à cela s’ajoute
et prédomine (idéalement) l’impérieuse nécessité de ressentir pour l’être
compatible un amour total et inconditionnel.
Or, l’enfant de bohème a tendance à être nomade. Son
ignorance de la loi nuit à sa fiabilité. Ignorant les frontières, il pousse à s’unir
des personnes dont le substrat culturel rend la vie commune difficile.Dans certains cas, la cécité est passagère et
quand les yeux se décillent… L’amour, tout versificateur sérieux
vous le dira ne rime pas avec toujours (il y a un S de trop). En faisant de cet
élément versatile, fugace, basé sur l’illusion le ciment d’une union, on fait
comme le bâtisseur fou qui penserait que le seul sable suffit à la solidité de
ses parpaings.
Ajoutez à cela que la société contemporaine rend les êtres à
la fois plus mobiles et moins dépendants que les paysans d’hier attachés à leur lopin, continuateurs d’une
lignée pour qui désunion eût rimé avec catastrophe (rime misérable !).
Si on charge l’AMOUR (découvrez-vous devant notre maître), d’assurer
un quelconque lien durable entre des personnes capables individuellement de
subsister matériellement et socialement on court à l’échec. Il faudrait, pour que
l’union tienne, que viennent s’ajouter ou se substituer au feu des premiers
enthousiasmes, un agrément de la compagnie, des goûts communs, une estime réciproque, des responsabilités
partagées (notamment envers les enfants nés de l’union), une solidarité, une
assistance mutuelle et des milliers d’autres petites choses. Le peu de succès que connaissent dans une
société « moderne » les notions que je viens d’évoquer explique que souvent
mariage rime avec naufrage et que de ce fait l’institution a un sacré coup dans
l’aile.
Le succès du PACS est en lui-même la preuve de l’obsolescence
du mariage. Comment sinon expliquer que ceux qui le contractent soient dans
leur immense majorité des hétéros que rien n’empêche de convoler en justes
noces devant Monsieur (ou Madame) le Maire et de voir ainsi leur union
reconnue par la société ? S’en
foutraient-ils comme de l’an quarante ? Renâcleraient-ils devant le peu de contraintes qu'impose encore une union plus formelle ? En 2010, le nombre de PACS s’élevait
à 200 000 tandis que celui des mariages, toujours en chute était de 250 000.
Si la chute continue, verra-t-on bientôt ces derniers être dépassés par leur
concurrent ?
Le mariage pour tous est un combat d’arrière garde :
il s’agit d’offrir aux homosexuels ce qu’un nombre de plus en plus élevé d’ayant
droits refuse. Au nom de quoi ? De la reconnaissance sociale ? Tu
parles, Charles ! Comme si un passage devant un homme (ou une femme)
écharpé de tricolore pouvait changer la perception de quiconque sur une union quelconque ! De l’AMOUR ? Ne l’ont-ils
pas déjà et est-ce bien sérieux ? Au nom de la sécurité ? Quand un
mariage sur deux finit par le divorce, celle-ci est très relative. Au nom de la
protection des enfants qu’ils ont déjà ? Au nom des enfants qu’on leur
permettrait également d’adopter ? Cette protection, dans un monde si mouvant
serait bien illusoire !
On peut très bien changer les lois sur l’adoption, la
procréation assistée et tout ce qu’on voudra sans incorporer celles-ci au
mariage. Sans compter qu’en conférant aux seuls mariés des droits déniés à ceux
qui ne le sont pas on ne fait que perpétuer les inégalités, chose qu’un bon
républicain ne saurait accepter.
J’en suis à me demander si la solution ne serait pas l’abolition
pure et simple du mariage civil et son remplacement par un contrat d’union dont
les modalités seraient à définir par la loi au mieux des intérêts des parties
contractantes. Il pourrait se signer devant un magistrat à moins qu’un notaire
ne suffise…
Le mariage pourrait continuer d’exister indépendamment, sous
l’égide des cultes ou des institutions que les mariés choisiraient, sans que ce mariage n’ait, comme c’est déjà le
cas pour le mariage religieux, de valeur légale. Il unirait symboliquement ou
devant Dieu ceux qui le souhaitent et qui répondent aux critères exigés par le
culte ou l’institution qui y procéderaient.
Bien sûr, ce serait frustrant pour la République qui se
verrait dépossédée de la seule cérémonie dont elle dispose (avec le baptême civil
qui n’a jamais beaucoup marché) pour singer les cultes.