J’apprends avec effarement qu’un supermarché situé dans un quartier « populaire »
de Lille vient d’équiper d’antivols les steaks emballés sous vide d’une célèbre
marque dont je tairai le nom, lesquels se vendent à un prix dépassant les20 Euros
du kilo.
La RSC™, où « La voix est libre », évoquant l’affaire, a donné la parole à plusieurs personnes afin
qu’elles commentassent ce scandale majeur. On a eu droit à un festival de
remarques intelligentes. Mettre des antivols serait un signe de défiance
vis-à-vis du client, ce qui est choquant vu qu’il n’arrive jamais à personne de
voler quoi que ce soit dans aucun magasin. On a eu droit à la déclaration d’un
brave jeune qui ne se sentait pas concerné, vu qu’il n’achetait pas de viande,
n’en ayant pas les moyens. Bien entendu, on n’échappa pas à la remarque sur la
crise qui poussait d’honnêtes gens
repentis à recourir au vol pour se nourrir. Ventre affamé n’a pas d’oreilles et, comme chacun sait, la moralité se niche dans le conduit
auditif.
Ces réactions donnent à penser.
Sauf à être atteint de paranoïa aiguë, il me semble probable
que si le directeur du supermarché a pris cette décision c’est suite à de
nombreux vols. Poser et retirer les antivols prend du temps et le temps, ça
coûte. Cette défiance ne serait donc pas si injustifiée que cela.
Le jeune homme qui renonce à la viande trop chère doit cacher
sous une impécuniosité de bon aloi une
tendance inavouable au végétarisme. Logiquement, en tenant compte la troisième
réaction, si tel n’était pas son cas, il devrait en voler. A moins qu’il ne soit tout simplement honnête ?
L’argument qui consiste à dire que la faim justifie ces vols
ne me paraît que moyennement crédible. C’est le prix des articles protégés
qui me fait tiquer. Pourquoi les victimes de la crise ne volent-elles
pas des côtes de porc ou des escalopes de dinde, plutôt que des viandes chères ? Vous me direz que tant qu’à se
faire voleur, autant voler des choses de prix. Je suppose que vous avez raison.
Mais dans ce cas elles ajoutent le goût
du luxe à leur vilaine tendance à
commettre des larcins. Ce qui n’est pas bien.
En fait l’argument de la crise ne tient pas si l’on
considère les autres produits généralement protégés par des antivols, par
exemple les bouteilles de whisky et les lames de rasoir. Si on peut à la
rigueur admettre que des malheureux tentent d’oublier la crise en s’alcoolisant,
il est beaucoup plus douteux qu’ils y parviennent en se rasant… A moins que ce ne soit pour se couper l’appétit…
Plutôt que de justifier le vol de steaks par le besoin et
les circonstances économiques, je crois que, sauf rares exceptions, il vaudrait
mieux admettre qu’il résulte, dans le meilleur des cas, d’un désir d’obtenir ce que ses moyens ne permettent pas de se
payer. Je dis dans le meilleur des cas
parce que les voleurs ne sont pas nécessairement impécunieux.
Et si cela était dû à une crise morale plus qu’économique ?