Ceux qui me connaissent ou me suivent me savent non croyant
et hermétique à toute considération métaphysique ou même spirituelle. Ne passant
pas ma vie à taper sur la religion, reconnaissant l’importance qu’à eu dans mon
éducation et dans l’histoire de mon pays l’église catholique, je fais un bien
mauvais athée. On m’a souvent refusé ce dernier qualificatif lui préférant
celui d’agnostique. « Personne qui pense que l'absolu est
inaccessible, et qui est donc sceptique vis-à-vis de la religion et de la
métaphysique. » Admettons. D’un total scepticisme.
Et ça ne va pas en s’arrangeant. Avec l’âge
on se rapproche forcément de la fin, celle-ci fût-elle due à cet épuisement total
qui menait à ce qu’il était convenu d’appeler la mort de vieillesse. Et
pourtant, je ne ressens aucune angoisse particulière à la perspective de
mourir. Oh bien sûr, ça m’ennuierait un peu. Je me suis toujours connu vivant.
Ne plus me connaître du tout serait un choc. Ou pas. En fait, je n’en sais et n’en
saurai jamais rien.
La longévité, ce substitut modernoeud à la vie éternelle ne m’intéresse pas
particulièrement comme je
l’ai déjà dit. Quant à la vie éternelle…
En tant qu’agnostique, j’ai du mal à la
concevoir. Et à quoi servirait-elle ? On me parlera purs esprits vivant
dans la contemplation. Je veux bien. Mais si je devenais un pur esprit, je ne
serais plus moi. Sans renter dans les détails j’ai toujours été plus amateur de
joies physiques que spirituelles. Il ne
me souvient même pas d’en avoir goûtée ne serait-ce qu’une seule. Quant à la
contemplation, moi qu’une seule journée
où je n’ai rien fait de mes dix doigts déprime profondément… Pour apprécier une
telle condition, il faudrait que je sois quelqu’un d’autre..
Vous me direz, il y a l’enfer. S’il consiste
en la simple privation de la contemplation de mon créateur, je ne vois pas au
juste en quoi, moi qui ne lui consacre aucun temps, en être privé pourrait m’ennuyer.
Reste la vision traditionnelle : en train de brûler dans un feu éternel
avec des diablotins qui vous piquent le cul à coups de fourche, ça parait un
peu moins monotone. Ça s’inscrit dans le droit fil de ce que fut parfois la vie
mais en nettement pire. M’étant une fois brûlé une main entière à l’essence, je
trouve ça plutôt sévère. Disproportionné.
Si notre si bref passage terrestre est un examen, infliger au recalé,
quoi qu’il ait fait, un tel châtiment me paraît abusif. Et puis, de la part du
Responsable Suprême, ça aurait un côté mesquin. Je ne Le vois pas pire que le
pire des hommes, incapable de la moindre pitié. Surtout s’Il est omniscient et
qu’Il connait les moindres méandres de nos esprits comme de nos (plus ou moins) tristes vies.
Quoi qu’il en soit, comme pour bien des
choses, ce n’est pas moi qui décide. Si vie éternelle il y a, il faudra bien s’y
faire. Mais pour en avoir le cœur net, il faudra d’abord mourir. La belle mort
qu’on nous propose, vous savez, celle
qui vous envoie ad patres sans crier gare, ne me dit rien du tout. Je
préfèrerais qu’on me laisse le temps de me retourner, de rendre mes livres à la
bibli, de finir de trier mes papiers, et tout plein de choses visant à ne pas
trop compliquer la vie de mes proches. Et tant pis si ça a pour conséquence de
passer par d’affreuses souffrances : on ne peut pas tout avoir. N’importe
comment, ce n’est pas moi mais la vie qui une fois encore en décidera. Il
faudra bien faire avec…