Il semblerait qu’en ce moment ait lieu une campagne en faveur des langues régionales. Hier, je voyais à la télé un reportage sur l’apprentissage du créole à l’école ; ce matin, à la radio, c’était une bretonne qui expliquait à quel point il est enrichissant de posséder deux langues.
Voilà qui est bel et bon. Il se trouve que quelque part je me sens concerné par ce problème : mes deux parents étant bretons bretonnants, j’ai bénéficié indirectement de ce bilinguisme. Dans les années vingt qui virent leur jeunesse, le breton était leur langue maternelle. Le français, on l’apprenait à l’école. Et c’est de ça que j’ai tiré profit. Élevé par des gens qui parlaient un français pur, non contaminé par un quelconque patois ou des tournures dialectales, je mes suis toujours exprimé dans une langue correcte. C’est un avantage.
Mes parents n’ont pas jugé utile de nous enseigner le breton. Il faut dire que son usage était d’une utilité relative dans la banlieue parisienne où nous habitions. Et puis, le breton, ils le réservaient pour régler leurs dissensions, car ils en avaient, sans que nous ne puissions les comprendre. Donc, à part quelques mots, je ne comprends ni ne pratique cette langue. Il est à noter que mes cousins ou cousines restés au pays ne le pratiquent pas davantage.
Il semblerait qu’en dehors de quelques milliers ou quelques dizaines de milliers de locuteurs ayant appris un breton de synthèse dans les écoles Diwan (3500 élèves en 2011), seuls les très vieux continuent à s’exprimer dans cette langue ou plutôt dans un de ses dialectes locaux. Car chaque pays a son dialecte. Ma mère me disait ne pas comprendre le breton pratiqué par les habitants du village voisin situé en pays de Cornouailles alors que sa commune était en Trégor. Il n’est donc pas garanti que les élèves de Diwan soient parfaitement compris par les locuteurs naturels…
Tout ça pour dire que mon attachement aux langues régionales est très modéré. Comme le regretté Georges Frêche, je ne saisis pas toujours l’intérêt d’apprendre une langue qui vous permet de parler avec des gens qui habitent à 3 kilomètres de chez vous.
Quoi qu’il en soit, si certains tiennent absolument à parler picard, breton, occitan, créole, basque ou toute langue locale, je ne vois pas au non de quoi on pourrait s’y opposer. A condition que ça ne se fasse pas au détriment de l’apprentissage du français. Ça comporte même des avantages : être bilingue facilite l’acquisition d’autres langues. Reste à savoir si cet apprentissage scolaire est susceptible de mener au bilinguisme. Quand on voit ce à quoi mène l’enseignement de l’anglais, on est en droit d’émettre des doutes.
Là où le bât blesse, c’est le discours tenu par ceux qui militent en faveur de ces langues : s’agissant du créole comme du breton les intervenants ont déclaré qu’ils visaient à effacer la hiérarchie entre les deux cultures. La française, allez savoir pourquoi, ayant jusque là tendance à écraser la locale de sa prétendue supériorité. On croit rêver ! Même si certaines langues locales, Mat vous l’exposera mieux que moi, comme le picard et l’occitan peuvent se vanter d’une culture littéraire aussi ancienne que la française, il me semble qu’aucune ne puisse, et de loin, rivaliser au fil des âges en volume et en qualité avec cette dernière. Sans parler des autres domaines culturels. De combien de publications scientifiques le picard peut-il se vanter ?
Tout cela relève d’une mentalité qui tend à soutenir que tout se vaut. Nous en avons eu une illustration par la levée de boucliers qu’ont provoquée les déclarations de M. Guéant sur la hiérarchie des cultures. C’est d’autant plus inquiétant qu’on peut se demander quel avenir peut avoir un pays qui ne croirait pas plus à sa culture qu’à celle de n’importe quelle autre, si rudimentaire soit elle.