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mardi 4 mars 2014

Quoi que c’est-y donc, la culture ?



Je relisais hier un billet de M. Didier Goux , à moins qu’il ne se fût agi d’un billet modifié avant d’être incorporé à son excellent En territoire ennemi.  Intitulé Les générations, il est précédé d’un extrait du journal de M. Renaud Camus où l’écrivain affirme que ne sont cultivés que les enfants de gens cultivés. Il faudrait d’après lui, sauf rare exception,  trois générations pour produire cette merveille qu’est un homme de culture digne de ce nom. Moi je veux bien tout ce qu’on veut (c’est mon côté con sensuel) mais il faut tout de même croire que ces  petits bijoux humains comptent forcément parmi leurs ancêtres tout un tas de gros bœufs dont la lignée s’est trouvée sauvagement interrompue par un être « de génie ou de talent véritablement exceptionnel » qui, allez savoir pourquoi, se soit mis en tête de devenir cultivé  et, aussi improbable que ça puisse paraître, y soit parvenu. Avec un peu de chance, et bien qu’il leur manquât une génération, il est parvenu à rendre ses enfants cultivés et ces derniers ont eu des rejetons cultivés de plein droit. On ne nous dit pas combien il faut de générations pour obtenir des gens TRÈS ou EXQUISEMENT cultivés mais on imagine que ça ne se fait pas en trois coups de cuiller à pot.

Il se trouve que je manque désespérément de génie et que mes ancêtres en ayant été également dépourvus, je ne serai jamais cultivé selon les critères camusiens. Dire que j’en souffre serait exagéré. Surtout que  je suis convaincu qu’une culture ne peut-être que relative. Sans compter qu’elle est indissociablement liée au milieu social dans lequel on évolue. La culture dont parle M. Camus est une culture humaniste, celle de l’honnête homme au sens plus ou moins classique, principalement basée sur la pratique d’une langue pure, un certain savoir-vivre, des connaissances littéraires et artistiques approfondies, ensemble qui permet à qui le possède de ne pas passer pour une buse dans la « bonne société », voire de briller en son sein. Tout ça est un peu clanique et discriminant, mais dans le fond permet de cerner à quoi sert la culture, quel que soit son niveau, à savoir qu’elle permet à l’individu de s’intégrer à un milieu social donné. Ce faisant, elle coupe autant qu’elle intègre.

Pour moi, tout humain a une culture et est cultivé. Raymond, mon voisin, passe son temps de retraite à s’occuper de brebis et d’agneaux, il élève des truites, prend soin de ses pommiers, vous parle avec un accent bas-normand suffisamment marqué pour ne pas être pris pour horsain* tout en restant compréhensible, vous offre le café et une rincette avec naturel, bricole, cultive, jardine avec talent, sait manœuvrer un tracteur et sa remorque, utiliser bien des machines, bref, il connaît les us et coutumes, les savoir-faire et les savoir-être nécessaires à une bonne intégration à son environnement social. Il se pourrait que M. Camus ne possède que très partiellement ces savoirs et que si les aléas de la vie le contraignaient un jour à devoir vivre la vie de Raymond, il ait plus l’air d’un con que d’un archevêque, sensation désagréable que ressentirait également Raymond s’il se trouvait par aventure être condamné à passer le reste de sa vie à converser littérature ou musique dans les salons.

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas là de renvoyer tout le monde dos à dos, de dire que tout se vaut mais de signaler que réduire la culture (je m’efforce de ne pas l’affubler d’une majuscule) à quelques domaines est exagéré. Chacun a sa culture, ensemble de savoirs qui lui permettent de s’intégrer à un ou plusieurs milieux(ou, si telle est son ambition et que ses talents l’y autorisent, d’y briller d’un éclat particulier). L’étendue de ladite culture étant liée à la curiosité de chacun,  à la diversité de ses centres d’intérêts et à sa capacité d’assimilation. Toutes choses relatives.

*Un horsain est, en Basse-Normandie, quelqu’un qui n’est pas du pays.

22 commentaires:

  1. Voilà un billet fort bien pensé ; mais ne craignez-vous pas qu'à relativiser, l'affreux réactionnaire (donc fasciste, nazi, homophobe et cætera) qui sommeille en vous finisse bel et mal dans le camp du bien ?

    Vous le mériteriez presque, tiens !
    -)

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    1. Si je relativise, je ne mets pas tout à égalité. Je préciserai ma pensée plus bas, dans ma réponse à Nouratin. Toujours est il que pour finir dans le camp du bien, il me faudrait tant changer que je crois que c'est sans espoir...

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  2. Je plussoie 1000 fois.
    Accessoirement, la culture de M. Camus est un luxe de société pacifique et aisée. Les salons de discussion ne fleurissaient guère au 12ème siècle.
    La culture de votre voisin est finalement plus pratiquée, et les débuts de mon potager m'intiment le plus grand respect pour ceux qui savent y faire.

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    1. "Les salons de discussion ne fleurissaient guère au 12ème siècle."

      Vous seriez surpris. Mais il est vrai qu'ils fleurissent bien davantage au XIIIe siècle.

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    2. Merci pour votre appréciation.

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  3. Vous dites que la culture "permet à l’individu de s’intégrer à un milieu social donné." Je ne suis pas entièrement d'accord. Par exemple il y a plus de quarante ans que je me passionne pour la langue et la littérature anglo-saxonnes. Mais ce n'est pas pour briller, c'est pour mon plaisir personnel. Je ne fréquente pas de Britanniques ou d'Américains sauf sur internet et mon milieu social n'entrave que pouic à mes centres d'intérêt.

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    1. Il n'y a pas là contradiction : votre culture anglo-saxonne vous PERMET de vous intégrer à ce milieu, elle ne vous OBLIGE pas à la faire. On peut très bien acquérir quantité de connaissances par simple goût sans avoir l'occasion d'en faire usage.

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  4. Il n'y a pas qu'en Basse-Normandie où l'on dit d'un étranger qu'il est un horsain. En Haute-Normandie, on le dit aussi.

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    1. J'ai préféré me limiter à la Basse, de peur de trop m'avancer.

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  5. Tout dépend de l'acception du terme. Depuis quelques temps on la met à toutes les sauces la culture, on évoque même avec attendrissement la "culture" des jeunes primates de banlieue ce qui équivaut, à mon sens, à faire passer les vessies porcines pour des lanternes vénitiennes. Pour ma part, je préfère, ès qualité de réac indécrottable, m'en tenir à la manière de voir de Camus, celle qui me semble digne de ce qu'il nous reste de notre civilisation.
    Amitiés.

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    1. Précisions :

      Les jeunes de banlieue ont, comme tout humain, une culture. Il se trouve qu'elle est extrêmement rudimentaire, portée par une langue abâtardie, servie par un vocabulaire indigent et au niveau des mœurs et des comportements souvent un rien barbare. Elle est cependant régie par des codes dont l'ignorance empêche qu'on en participe.

      Pour moi, à la différence de ce qu'a dit M. Tillinac samedi soir lors de son échange avec Aymeric Caron , évoqué hier par Didier Goux, il existe une hiérarchie dans les cultures : nos cathédrales sont supérieures aux huttes bantoues, Fontainebleau plus raffiné qu'un igloo. Ces monuments supposent des savoir-faire, une technicité, une spécialisation en divers corps de métiers etc. qui ne peuvent exister que dans une société très évoluée et témoignent donc d'une culture plus raffinée.

      Maintenant, M. Camus me semble avoir de la culture une vision à la fois très partielle et exagérément élitiste. Son discours me fait penser aux aristocrates qui comptaient leurs quartiers de noblesse afin de mieux mépriser ceux qui en avaient peu ou pas. Sa conception a pour effet de ravaler au rang d'incultes une immense majorité de la population et parmi elle ceux qui malgré leurs efforts pour améliorer leur niveau de connaissances en tous domaines ne pourraient prouver suffisamment de "quartiers de culture". C'est son droit le plus strict, comme est le mien de penser que sa vision est celle d'un vieux snob attaché à des conceptions qui n'ont jamais vraiment eu cours.

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    2. Jacques Etienne, la culture est élitiste par nature. Il faut une certaine force et intelligence pour ouvrir un livre, pour éteindre sa télé, pour aller dans un musée, pour écrire etc... La culture demande un effort.

      C'est pour cela que la "culture" de banlieue est une sous-culture.

      Evidemment, la définition du mot culture demanderait peut être une explication plus profonde...

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    3. Si la culture n'est l'apanage que d'une élite, j'ai du mal à envisager ce que peut être la France.

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  6. Malgré un certain infléchissement de votre pensée dans votre réponse à M. Nougatin, je suis en total désaccord avec vous, cher Jacques, et vous me semblez confondre culture et agriculture.
    Plus sérieusement, cette culture de tous dont vous parlez est l'acception novlangue; qui sert à flatter les populations qui n'ont pas de civilisation mais une culture , comme les aborigènes australiens, alors qu'ils n'ont, comme tous les humains, que des moeurs et des coutumes, avec une production de quelques artefacts enchantant dada , les surréalistes et les maisons de vente aux enchères.
    La culture (au sens de, disons, 1900-1960) est nécessairement élitiste, et vous appartenez, Jacques et homme cultivé, à une élite.

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    1. Vous me flattez, Michel, en m'octroyant un titre de cultivé que M. Camus me refuserait sans doute pour absence de "quartiers de culture" et de génie. Mon père n'a jamais lu qu'un livre littéraire de toute sa vie (sa spécialité étant l'administration municipale). Quant à ma mère, elle ne lisait que des bondieuseries. C'est vous dire si j'étais mal parti bien qu'ils pratiquassent un français impeccable...

      Le problème d'une élite trop restreinte qui exclut est qu'elle se coupe du peuple alors que son rôle serait plutôt de le guider de l'entraîner et de s'ouvrir à ceux qui en son sein en ont la qualité. Sauf à mal comprendre, celle que décrit M. Camus ne semble pas suivre cette voie.

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  7. Quand je pense qu'on essaie de nous faire gober que toutes les cultures se valent! A chacun sa culture, soit, mais il y a une hiérarchie.
    Sous de Gaulle, parler de la culture c'était parler de l'agriculture.

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    1. Sous Hitler ça faisait sortir les révolvers ! pour des précisons sur la célébre phrase attribuée à bien des nazis :http://tatoufaux.com/?Quand-j-entends-le-mot-culture-je

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    2. ... je sors mon Druon !
      Ca c'était à l'Assemblée nationale sous le gouvernement Messmer !

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  8. D'accord avec vous.
    Rangé des voitures par franchissement de la date de péremption, je m'étonne d'apprendre chaque jour autant de mes voisins. J'avoue que c'est un peu condescendant, mais je vais arriver à gommer ça aussi.
    Vous êtes un type bien, sincèrement.

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    1. Un type bien ? Cultivé (cf supra) ? C'est la journée des compliments. je m'empresse d'aller les mettre au congélateur en prévision d'éventuelles disettes !

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  9. Votre conclusion me convient, de toute mieux vaut être un bourrin bien dans sa peau qu'un culturaliste prétentieux et aigri!

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