Ainsi dans cinq jours le monde prendra fin. Si c’est les
mayas qui le disent, y’a pas à tortiller, c’est que c’est vrai. Le maya, homme
d’une rude franchise, n’y allait pas par quatre chemins. Quel que soit le
domaine. Lorsqu’il offrait aux dieux des sacrifices, il les voulait humains.
Des civilisations plus timorées se contentaient d’offrir aux leurs des bovins,
des ovins, voire de simples volailles, ce qui, reconnaissons-le, surtout dans
le cas du dernier exemple est plutôt mesquin. Un certain Caïn alla même jusqu’à
offrir au sien des légumes !
Pourquoi pas des nouilles de chez Lidl ? Bien entendu, son
sacrifice reçut l’accueil qu’il méritait. Mais je m’éloigne de mon sujet…
Le Maya, donc, était, à l’instar du facteur, des éboueurs et
des pompiers, un as du calendrier. Mais
son calendrier comme toute sa vie allait à l’essentiel. C’est en vain qu’on y eût
cherché des photos de chatons mignons, de l’équipe des soldats du feu en pleine
action, un horaire des marées, les moments favorables au repiquage du poireau
ou autres foutaises. Son calendrier traitait des vrais problèmes. Vu que tout a
une fin, il y détermina avec précision la date où le monde finirait. Et c’est
samedi prochain.
Dire que cela m’attriste serait exagéré. Je ne suis pourtant
pas de ceux qui le trouvent injuste et mal fait ne serait-ce que je ne vois
aucune raison pour qu’il ait été juste et bien fait. Non, grosso modo ce monde
me convenait. Maintenant sa disparition n’est pas un drame.
Je n’irai même pas jusqu’à déplorer que sa disparition implique
la mienne. Il y a beau temps que je me suis fait à l’idée de ma fin. Fin qui,
ma conscience du monde disparue, aurait pour moi équivalu à la disparition de
ce dernier. Dans le cas d’une concomitance entre les deux événements, cela effacerait
le côté égocentrique de ma précédente observation. L’égocentrisme étant
quasi-unanimement condamné, je ne saurais donc qu’y gagner.
La fin du monde, ce n’est pas rien, tout de même. Je suppose
que ce sera une sorte de « Big flop ». Un Big bang à l’envers, l’univers
implosant avant que la matière ne disparaisse. Rien à voir avec la peur écolo
de voir la planète disparaître. En l’occurrence
il s’agit plutôt de voir l’homme
disparaître (ainsi qu’accessoirement le crapaud mordoré à pattes graciles et d’autres
espèces aussi fascinantes) tandis que la Terre continuerait de tourner et dans
le pire des cas de n’être habitée que par des animalcules plus ou moins
dégoûtants pataugeant dans des mares acides.
Que faire en attendant la fin du monde ? L’âge et la sagesse qui l’accompagnent me font
penser qu’il ne faudrait rien changer à nos habitudes. Il est certain que puisque
tout va disparaître dans cinq jours nos occupations, passions et soucis paraissent
futiles. Il ne s’agit que d’une illusion d’optique : disparition imminente
ou pas c’était déjà le cas. La fin du
monde n’agit que comme un révélateur pour les moins conscients.
Curieusement, les
syndicats n’ont organisé aucune manifestation, aucune pétition ne circule pour
protester contre le scandale que constitue la disparition du monde. Ne me dites
pas que c’est le côté inéluctable de la chose qui les en dissuade. Ne
passent-ils pas leur temps à lutter en vain contre l’inévitable ?
Bon, c’est pas tout ça, mais il faut que je descende au village
acheter des cigarettes. En attendant la fin du monde, je ne changerai rien à
mes habitudes si mauvaises soient-elles. A demain donc.