Ils aiment la nature. Il veulent la
préserver. Elle est sacrée. Tellement sacrée qu'ils rechignent à
s'en approcher. Il gardent par rapport à elle un respectueux recul.
En fait, ils ne la connaissent pas. D'où leur amour immodéré pour
elle ou du moins pour l'idée qu'ils s'en font. Ils la voient
bienveillante, généreuse et harmonieuse ! Ils vivent dans des
villes, sans racines, et pour rien au monde ne s'en éloigneraient.
Ils confondent campagne et nature. Erreur profonde des bobos-écolos !
Nos campagnes sont l’œuvre des
hommes qui après des siècles d'efforts sont parvenus à dompter la
nature. Car, figurez-vous, la nature est hostile, cruelle, sans
merci. Elle est le théâtre d'éternelles luttes. Et pas qu'entre le
loup ou l'ours et les brebis (ces dernières n'ayant pas grand chose
à voir avec la nature, étant le produit d'une domestication du
mouflon que suivit une sélection qui, au fil des siècles, mena aux
diverses races ovines d'aujourd'hui). L'insecte y tue l'insecte, le
vertébré y tue le vertébré, le végétal y tue le végétal,
parasites et microbes les tuent tous. La nature, loin d'être
harmonieuse, est le théâtre de continuels massacres. Il n'y existe
pas d'équilibre. Suite à des causes diverses, des proliférations
d'espèces y mènent à l'éradication d'autres.
Et l'homme dans tout ça, me
direz-vous, parodiant M. Chancel ? Eh bien, figurez-vous que
l'homme, il fait comme les autres espèces, il se bat pour survivre
et, comme il est plus malin que les autres espèces, il est parvenu à
les dominer et à mettre dans bien des cas leur survie en péril. Sa
prolifération, hâtée par les progrès de la médecine occidentale,
mettrait la planète en péril ? C'est faux, la planète
continuera de tourner, quelque soit le niveau des mers et le nombre
d'espèces qui vivent sur son sol ou dans ses eaux. Ce qui est en
péril, c'est simplement l'état actuel de son peuplement en nombre
et en espèces. État qui a toujours varié. Nihil novi sub sole !
N'importe comment, nous n'avions le
choix qu'entre la misère physique doublée de disettes et
l'exploitation après transformation de la nature. Il se peut que
notre course au progrès matériel nous mène à l'extinction. On
verra bien. Si nous avions choisi ou simplement pu rester au stade
des chasseurs-cueilleurs, comme les Amérindiens d'Amazonie, nous
vivrions, en accord avec la nature certes, mais une vie somme toute
peu agréable et très brève.
De plus, je me demande combien de
temps les bobo-écolos qui nous rebattent les oreilles avec la
« nature » seraient capables de vivre en
chasseurs-cueilleurs avec leur âme si douce, leur santé si délicate
et leur respect de toute vie. En fait, les alternatives qu'ils
proposent sont bien timides et ne sauraient remédier aux
catastrophes dont l'imminence les fait trembler dans le confort
douillet de leur vie citadine. Si les problèmes sont si graves, s'il
leur existe des solutions, celles-ci se trouveront davantage dans les
avancées technologiques que dans le retour à la nature.