Or donc me voici
installé dans une chambre double où je fais le point : bien
que l'après-midi se transforme en soirée, je n'ai rien mangé ni bu
depuis bien avant l'aube, je n'ai pas plus de vêtements de rechange
que de pyjama ni d'affaires de toilette et personne pour m'en
apporter. Je ne sais pas combien de temps durera ma captivité.
Verrai-je un médecin qui me renseignera sur ce point avant la
nuit ? La suite prouvera que non. On se croirait chez Kafka. On
me propose un goûter histoire de calmer ma faim : un problème
résolu ! Pour tuer le temps, je regarde un peu la télé, et
voilà que la porte s'ouvre et que, sur un fauteuil roulant, paraît
mon codétenu, homme d'un âge certain.
Il n'est pas
content, mais alors pas du tout. Il commence par dire que ce n'est
pas sa chambre, que je ne suis pas son compagnon de chaîne, que
n'importe comment on lui a promis une chambre individuelle, se plaint
de ce que sa nuit précédente a été perturbée par le sale
bonhomme qui lui tenait lieu de compagnie... Tout ça est bien encourageant... En
fait, une fois calmé il s’avérera un bien brave homme et nous
nous entendrons comme larrons en détention. Le temps passe
annihilant tout espoir d'une visite médicale. Vient le temps du
repas. J'avais beau m'attendre au pire, les plats servis dépassèrent
de loin mes craintes. Je ne crois pas de ma vie avoir si mal mangé.
Vers 8 heures mon compagnon éteint la télé et s'endort bien vite.
La nuit passera,
tant bien que mal. Enfin, plutôt tant mal que bien. Au matin
j'attaque ma énième grille de mots croisés (craignant un peu
d'attente chez le généraliste j'avais apporté ma revue). Mon
voisin, rasséréné par une longue nuit de repos, chante mes
louanges aux gens qui lui téléphonent. Je reçois plusieurs appels
(famille, amis facebook alertés par ma compagne) et se produit le
miracle : entouré d'un interne, d'une infirmière et d'une
secrétaire apparaît le chef de service.
Ses propos sont
rassurants : en faisant parvenir jusqu'au ventricule défaillant,
via veines ou artères, le bidule idoine qui par un petit choc
électrique ramènera ledit ventricule à de meilleurs sentiments, je
retrouvera bien vite un cœur de jeune homme et à moi les joies du
marathon et de l’haltérophilie combinées. Toutefois, il me
signale que ce genre de crises, avant que la médecine ne progresse,
avait pour conséquence fréquente des hémiplégies. Il envisage de
m'expédier à Limoges pour l'intervention ci-devant décrite mais je
préfère attendre d'être rentré en Normandie pour ce faire. Il
indique à l'interne qu'une échographie serait nécessaire et qu'une
fois celle-ci faite, je pourrai sortir le lendemain !
Alléluia !
Sans être bons, les repas se font comestibles toutefois les éloges
qu'en fait mon voisin me paraissent immérités.C'est à se demander
ce que Madame son épouse peut bien lui servir ! L'après-midi
passe, la soirée aussi. La nuit est agitée car mon voisin est pris
de quintes de toux qui me réveillent puis me laissent en veille. Au
matin, il se plaint d'avoir pas ou peu dormi. Sans doute qu'entre
deux accès de toux il ronflait, histoire de donner le change... Mais
passons. La matinée passe avec son électrocardiogramme, ses prise
de tension et de pouls (lequel s'améliore) mais sans échographie.
Le personnel interrogé se déclare ignorant du moment où elle aura
lieu. Nouveau repas tout juste mangeable ponctué par les
exclamations admiratives qu'il arrache à mon codétenu.
Je vais traîner
dans le coin où l'on échographie : visiblement nul n'y
officie. J'interroge la secrétaire qui me dit que le praticien
devrait revenir vers 14 heures. Lassé de tourner comme un lion en
cage depuis le matin et bien qu'on me l'eût interdit, je décide
d'aller acheter des clopes en attendant ce retour. A 14 heures 10, la
secrétaire m'annonce que dans 20 minutes on viendra me chercher. En
fait l'attente durera presque deux heures durant laquelle on nous
demandera de libérer la chambre (à la grande surprise de mon voisin
qui, probablement effrayé à l'idée de retrouver la cuisine de
madame, serait bien resté encore quelques jours), on me demandera
d'y retourner, puis de la quitter à nouveau. Une brave dame finira
par venir me chercher pour m'installer sur une table. Après une
demie heure d'attente paraît le médecin, il m'échographie, trouve
mon cœur fatigué, proscrit tout recours au tabac ou à l'alcool,
avec pour effet de faire passer mon moral au niveau des chaussettes
sans pour autant me donner la moindre envie de suivre ses avis.
Je récupère mon
dossier, préviens ma compagne de de ma libération et, le cœur
lourd, dans la nuit tombante, regagne Le Lonzac, me rends à la
pharmacie récupérer les 8 médicaments prescrits. La puce de ma
carte vitale est arrachée par la machine : décidément, ce
n'est pas mon jour ! Seule joie : les dizaines de
commentaires amicaux sur mon mur facebook.
Deux jours ont
passé. Le moral est revenu. Je bricole à nouveau. Rendez-vous est
pris avec mon cardiologue virois. On verra bien de quoi sera faite la
suite...