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vendredi 4 mars 2016

Curieuses manières



J'apprends avec étonnement qu'afin de protester contre l'évacuation de la « Jungle » de Calais ou la fermeture de la frontière macédonienne des « migrants » se cousent la bouche. Ces malheureux seraient Iraniens. Par delà la compassion qu'on peut ou non ressentir vis à vis de ces braves gens impatients d'aller s'installer dans des ghettos britanniques ou allemands, on ne peut que se trouver intrigué par cette manière curieuse d'exprimer son mécontentement. Ma surprise se mue en consternation quand je lis dans Le Parisien « huit migrants iraniens, selon deux responsables associatifs et deux selon la préfecture, se sont cousu la bouche avec des aiguilles et du fil. Une initiative renouvelée ce jeudi par neuf Iraniens, sans que l'on sache si parmi eux certains s'étaient déjà fait coudre la bouche la veille. La scène se passait, au milieu d'un attroupement, devant des photographes et cameramen, juste en face de l'abri de Médecins sans frontières.  Sur une pancarte, on pouvait lire en anglais «Est-ce que vous allez nous écouter, désormais ?»»

Qu'ils aient été deux, huit ou neuf ne présente guère d'intérêt. De même préciser que ladite couture fut effectuée à l'aide d'aiguilles et de fil me paraît superfétatoire car à part l'utilisation d'une machine, peu envisageable vu la nature et la configuration des pièces à joindre, c'est généralement à l'aide de ces deux éléments que ce genre d'opération s'effectue. Ce qui est consternant c'est le texte de la pancarte : avoir la bouche cousue empêchant de s'exprimer avec clarté, on voit mal comment une telle action pourrait faciliter l'écoute.

Le problème est donc au niveau symbolique. Pour nous, l'expression « motus et bouche cousue » est utilisée pour conseiller de taire un secret. N'oublions cependant pas que les revendications des « migrants » s'adressent aux Anglais qui ignorent une telle locution. Je me suis donc mis en devoir d'apprendre quelle(s) signification(s) pouvait avoir le fait de se coudre la bouche chez nos voisins d'Outre-Manche. Selon Wikipedia, version anglaise, cette curieuse pratique peut être motivée par des raisons esthétiques (!) ou religieuses ou constituer une manière de protestation. Vous pouvez grâce à elle vous donner une allure de zombie, chasser l'ennui, favoriser votre méditation, ou montrer à d'éventuels sceptiques que votre grève de la faim n'est pas du bidon.

Dans le cas qui nous intéresse (ou pas) il s'agit surtout d'impressionner. Les images bouleverseront les âmes sensibles, en ce qu'elles les ressentiront comme une manière désespérée d'exprimer une détresse abyssale. Reste à savoir si, au-delà de l'apparence, ces travaux d'aiguille sont réellement douloureux. Je me souviens, tout gosse, avoir assisté, à la fête du quartier de l'Union à Sartrouville, au spectacle d'un « fakir » qui se transperçait différentes partie du visage ou du corps à l'aide de fortes aiguilles. Intrigué autant qu'impressionné et toujours à l’affût d'une ânerie, je me mis en devoir de vérifier si l'exercice était ou non pénible. Armé d'aiguilles, je pus constater qu'on pouvait se transpercer les joues et bien d'autres endroits sans douleur et sans, heureusement pour moi, la moindre septicémie. Mon goût des expérimentations stupides s'étant émoussé avec le temps, je ne tenterai donc pas de me coudre la bouche. Je me contenterai d'exprimer des réserves sur le côté réellement dramatique de l'opération.

Quoi qu'il en soit, l'important est d'impressionner le bon peuple toujours avide de sensations fortes et d'apitoiement. De ce point de vue, il semble que la manœuvre ait réussi. S'il s'avérait que le geste est surtout symbolique et n'a rien de particulièrement héroïque, on finira par s'en lasser. Il faudra alors trouver du nouveau comme se broder les joues ou se piquer le nez... Ira-t-on jusqu'à s'arracher les ongles ? Permettez moi d'en douter.

26 commentaires:

  1. "Ce qui est consternant c'est le texte de la pancarte : avoir la bouche cousue empêchant de s'exprimer avec clarté, on voit mal comment une telle action pourrait faciliter l'écoute."

    Certes Jacques, mais permettez-moi une hypothèse peut-être cousue de fil blanc: et s'ils étaient ventriloques ?

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  2. Ils auraient mieux fait de se couper les "corones" ; comme cela les dames seraient"tranquiloues"

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  3. Puisqu'il est permis de s'adonner à des commentaires improbables, j'oserai avouer que j'ai été interpelée par la taille des points. Je m'attendais à un "surjet" très serré des lèvres et non à ces points extrêmement lâches qui n'existent pas dans une couture digne de ce nom.

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  4. Serons-nous un jour contraints d'en découdre?

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  5. c'est pas un beau travail, foi de brodeuse

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  6. "Motus et bouche cousue", voilà qui nous rappelle bien les Dupond et Dupont ...
    Et c'est t'au cul que les bouses sont mouchues !

    A propos de contrepèterie et de fakir, quoique cette profession soit plutôt indienne, il en est une le faisant venir à pied de la Chine !

    Enfin un dernier point plus important encore: qu'en pense CharElie Couture ?

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  7. Cher Jacques,

    sans trop vouloir encombrer vos aimables commentateurs et autres sympathiques lecteurs de mes pérégrinations voltaïques, il me plait d'avoir lu dans votre billet "superfétatoire", lequel mot avec "palanquée" me procurât deux bons amis à Ouagadougou ...

    Meilleures pensées d'AOF !
    (en espérant ne pas vous faire ainsi accuser de néocolonialisme aux relents nauséabonds ...)

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  8. Dommage que Jean Lacouture ne soit plus là pour broder sur ce sujet ...

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  9. Et pour traverser le Channel il faut de la haute-couture !

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  10. Toutes mes excuses, mais ce sujet m'inspire ...

    Sauf avis contradictoire de notre spécialiste Boutfil, l'une des composantes essentielles d'une aiguille est son chas, à ne pas confondre avec le shah d'Iran, et ce même si l'aiguille perse !

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  11. Et ce n'est même pas cousu de fil blanc! On se demande vraiment où ces gens veulent en venir. Pour marquer encore bien plus les esprits je leur suggèrerais bien de se coudre également un autre orifice, au choix, bien sûr...
    Amitiés.

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    1. Ils en perdraient leur gaîté et ce serait bien triste !

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