..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 22 octobre 2014

Pour une évolution des pratiques médicales



Si le jet de M. de Margerie n’avait pas malencontreusement heurté un chasse-neige, la France continuerait d’être toute tourneboulée d’un  projet "audacieux" visant à permettre aux pharmaciens de vacciner leurs clients. Évidemment, ça pouvait choquer : on imaginait déjà  quelque pharmacien fou vacciner par surprise et en toute impunité d’innocents vieillards venus se procurer un flacon de Jouvence de l’Abbé Soury en vue de leur participation à un concours de rock acrobatique. Il n’en était rien : le vacciné devait être consentant.

Ce qui peut bien faire l’intérêt d’une telle réforme ne m’apparaît pas clairement. Il me semble que les déserts médicaux sont également des déserts pharmaceutiques. Si l’on souhaite vraiment remédier à la pénurie de personnel médical en milieu rural comme en quartiers « sensibles », ce n’est pas par des réformettes qu’on y parviendra. Si on souhaite économiser sur les dépenses médicales, il faut avoir recours à des catégories dont les coûts horaires sont notoirement plus bas que ceux des professionnels de santé.

Quand on y réfléchit bien, les affections cardiovasculaires, intestinales ou respiratoires sont généralement, à la base, des problèmes de tuyauterie. Or qui est mieux à même de s’occuper  de ce genre de soucis qu’un plombier ?

Vous avez un organe  (rein, vésicule, etc.) dont l’ablation mettrait fin à votre calvaire. Qui oserait dire qu’un boucher, un charcutier et surtout un tripier ne saurait vous en débarrasser vite fait sur le billot  ?

Pour les travaux plus grossiers d’amputation de membres pourquoi ne pas faire appel au bûcheron ?

Le boulanger traditionnel qui pétrit ses miches, ne pourrait-il pas se substituer dans bien des cas au kiné et s’occuper des vôtres ?

On mettra en avant que peuvent se produire lors de ces opérations certaines complications. Le nier serait se montrer léger voire inconséquent.  Cependant, c’est triste mais indéniable, les centres de soins traditionnels sont de véritables nids à microbes : 800 000 personnes y contractent chaque année des affections qui s’avèrent mortelles dans 4200 cas. Qui d’entre vous ou parmi votre entourage osera sérieusement affirmer avoir contracté une maladie nosocomiale après une visite chez son boucher, son boulanger ou suite à une intervention du plombier ? Où est l’insécurité ? Sans compter que grâce à  Internet, l’artisan consciencieux saura bien vite pallier ses légères lacunes techniques.

Voilà ce qu’il faudrait faire. Serai-je entendu ?

mardi 21 octobre 2014

Mise en garde !



Vous habitez Paris. Vous aimez fréquenter les bars de la Place Vendôme notamment ceux du Ritz, juste à côté du ministère de la justice. Vous attendez avec impatience l’arrivée du Beaujolais nouveau.  Plus que trente jours et vous pourrez déguster ce vin primeur si souvent et si injustement décrié !  Qu’importe ? Vous êtes plus soiffard qu’œnologue, tout ce que vous demandez à un pinard, c’est qu’il dépâte les dents, qu’il ramone et qu’il saoule bien.

C’est pourquoi il est utile que je vous avertisse au cas où, un prochain soir de dégustation vous étiez amené à rencontrer Christiane Taubira au bar de votre cantine. Admettons qu’en sortant du boulot, avant de regagner à vélo son domicile des Hauts-de-Seine, pour se donner du courage elle se soit dit  « Tiens, je m’en jetterais bien un p’it derrière la cravate, ça me requinquerait le tétiot et me raffermira les moltogommes ! ». En voyant  s’approcher du comptoir de l’Hemingway bar l’avenante ministre, vous sentez monter un vous un sentiment d’admiration éperdue ainsi, admettez-le, que les premiers signes d’un désir ardent. Qui vous en blâmerait ? On n’ est pas de bois, surtout après deux ou trois boutanches de beaujolpif… Or donc, surmontant votre habituelle réserve vous faites signe à la belle Christiane qu’un tabouret est libre auprès de vous et vous vous apprêtez à commander pour elle un gorgeon de ce  breuvage qui sait rendre moins morne cette fin de novembre.

Là, je dis  STOP ! Qu’alliez-vous faire, malheureux ?

Votre geste généreux est de ceux qui peuvent faire d’une vie un naufrage, vous mener dans un cul de basse-fosse dont vous sortirez brisé.   Que vous ne sachiez pas ce qu’est la macération carbonique et ses conséquences n’est pas un crime en soi. Seulement, cette fermentation enzymatique des raisins entiers qu’on applique au cépage Gamay à la base du Beaujolais a pour effet de développer une molécule nommée acétate d’isoamyle. « Qu’est-ce que ça peut me foutre ? » me rétorquerez-vous, ignorant que vous êtes. Car cette innocente molécule est celle qui donne au vin ce fameux arôme de banane !  Vous comprenez maintenant ? Offrir un breuvage ainsi aromatisé à celle que vous admirez tant constitue une insulte raciste que ne sauront manquer de relever les associations chargées de ce genre de poursuites.

Si faible que soit la probabilité d’une telle rencontre, avouez que je vous ai sauvé la mise. Ne me dites pas merci : rendre service à mon prochain est ma raison de vivre.

lundi 20 octobre 2014

Rendez-vous en terre inconnue



Ce dernier week-end, en compagnie de ma chère Nicole et de l’héroïque Elphy, un voyage épique m’amena au volant de ma puissante berline britannique à m’aventurer en des contrées étranges à la rencontre d’éminents représentants de la tribu des Eurois. Ce peuple rude quoique aimable et injustement méconnu habite  aux confins de la Normandie, un pays nommé « Eure » auquel nous devons le fameux proverbe « Avant l’Eure, c’est pas l’Eure, après l’Eure, c’est plus l’Eure ».

Le voyage fut long mais agréable nous faisant traverser des paysages variés. Au bocage Virois, succéda la plaine de Caen, puis le pays d’Auge. Nous aperçûmes en contournant Lisieux la basilique dédiée à Sainte Thérèse (qui riait en pleine ascèse), avant d’atteindre Évreux, ville peuplée de drôles de zèbres (les zèbres oïciens) et d’atteindre quelques verstes* plus loin le but de notre périple.

Ce qui est frappant, chez l’Eurois, ce sont les rites de bienvenue qui peuvent sembler étranges au non initié. Quand on arrive chez lui, la coutume veut qu’on lui fasse don de plantes potagère ou de baies ainsi que d’un flacon de Chablis et de confitures maison.  Je m’étais donc muni d’œilletons d’artichaut et de plans de fraisiers. Mon don fut agréé par l’aimable Euroise qui nous avait conviés, mais avant d’être admis aux agapes, il me fallut passer les épreuves redoutées du perçage et du sciage. Pour s’y soumettre, il faut s’être préalablement muni  des outils indispensables. J’avais donc apporté perceuse, forêts scie et autres menus outils nécessaires. La tâche de perçage qui me fut assignée consistait à forer des trous dans un  pilier puis, à l’aide de chevilles et de vis à fixer sur ledit pilier une cloche d’or (l’Eurois est riche et aime à le montrer) destinée à avertir les maîtres de maison de l’arrivée de visiteurs (ingénieux dispositif dont on ne saurait trop recommander l’adoption aux Berrichons qui annoncent leur visite d’un claironnant « Y’a-t-y quéqu’un qui cause ? » avec pour effet de passer pour des rustres). Ce premier test réussi, je me vis convié à passer celui du sciage du conduit de 120 en PVC. Ce ne fut qu’une formalité.

Entre-temps était arrivé un jeune Eurois qui en guise de présents avait apporté de quoi se désaltérer ainsi que deux exemplaires de sonouvrage récemment paru dont il eut l’élégance de m’en dédicacer un **. Cadeaux et épreuves acceptés et passées, nous fûmes menés à une salle où, en attendant le repas, nous fûmes invités à quelques libations propitiatoires.  Le choix nous fut donné entre vin blanc pétillant ou non et un breuvage d’origine calédonienne portant le nom d’un célèbre tétraoniné. Je fis le choix de ce dernier. Contrairement à chez nous, après quelques verres, nous passâmes à table et nous  fut servi un excellent repas plus que convenablement arrosé***. Nous repassâmes ensuite dans la salle des libations où l’on parla de choses et d’autres (surtout d’autres) tout en sirotant quelque breuvage jusqu’à ce qu’une saine fatigue nous poussât à prendre congé en vue d’un sommeil réparateur.

Le lendemain matin, après avoir petit déjeuné, alors que nous nous apprêtions à repartir, comme venait de le faire le jeune Eurois, nous nous vîmes proposé de rester à déjeuner. Nous acceptâmes, touchés par la générosité de nos hôtes et peu pressés de quitter une si agréable compagnie. Nous fut servi un plat local, des sortes de longs et fins câbles de pâte blanche accompagnés d’une sauce à base de viande hachée et de légumes sur lesquels on saupoudre du fromage de Parme râpé. Délicieux ! Je crois que ça se nomme des « spagues et tibolos niaises » mais vu que j’ignore tout du patois local, je ne saurais l’affirmer. La conversation glissa entre autres choses sur les rites du don et fut plaisante autant qu’instructive. Aussi fut-ce avec regret que nous prîmes finalement le chemin du retour, nous promettant de renouveler l’expérience et priant nos amis eurois de nous rendre bien vite la politesse.

Au risque de choquer certains, cette excursion en pays d’Eure m’a fait réaliser à quel point la diversité est enrichissante et que l’on ne peut que gagner à se porter ainsi à la rencontre de l’autre, même au prix de longs et hasardeux voyages.

*17,90 verstes pour être précis, ce qui fait tout de même 8952 sagènes.
**Notons au passage que le jeune auteur fut dispensé de tout travail manuel, ce qui montre a quel point l’Eurois tient la culture (et le Chablis) en haute estime.
***Lors d’un précédent passage chez nous, nos amis eurois semblèrent eux aussi surpris de nos coutumes : en effet, ils s’attendaient  à ce que nous mangions bien vite le rôti de l’agneau sacrificiel qui rôtissait au four alors qu’avec les autres victuailles préparées, il était destiné aux dieux locaux tandis que nous, pauvres  mortels, nous contenterions d’un long repas liquide.

jeudi 16 octobre 2014

Pensées d'automne (ou "Merde, il pleut !")



La différence entre moi et le gars Verlaine est frappante et cela pour plusieurs raisons : il est mort à cinquante-deux ans, il a couché avec  Rimbaud et quand il veut évoquer la mélancolie qui l’étreint à l’approche de la mauvaise saison voilà ce que ça donne :

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

C’est peut-être que je suis sourd  ou que dans les collines, en automne ou pas, le violon se fait rare mais de sanglots longs je n’entends point.  Quand à suffoquer, devenir blême et pleurer le souvenir des jours anciens, ce n’est pas encore, Dieu merci, le genre de la maison. Pour finir, ce n’est pas demain la veille que le vent mauvais emportera deçà, delà, des feuilles mortes de 83 kilos.

Quand vient l’automne, je fais plus simple et me dis : « Merde, il pleut ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir foutre de ma peau ? »* et c’est là que je ressens comme le Paulo, une certaine langueur  m’envahir et qu'elle devient vite monotone.

Après une fin de printemps et un été prolongé particulièrement actifs au jardin, se pose la question de ce qui pourrait bien occuper mes journées. D’autant plus qu’il me reste peu de choses à faire dans le domaine du bricolage. Je pourrais lire, mais le bon bouquin se fait rare ou mes gouts trop sélectifs. Je pourrais attaquer au scotch dès potron-minet, mais ce serait dommage, à mon âge, d’en tomber en esclavage. Je pourrais regarder la télé, mais ça m’ennuie. Le macramé ?  Bof ! La pâte à modeler ? Re-bof !  Les mots croisés ?  Pas plus d’une grille par jour m’a conseillé le bon docteur R. que sur ce point j’écoute.

J’avais bien eu l’idée de regrouper un florilège de mes meilleurs billets en une plaquette (ou 2 gros volumes, suivant le degré de sélection). Mais pour cela il faudrait que je me relise et ça m’apparaît plutôt comme une interminable corvée qu'une partie de plaisir…  

Je pourrais devenir blogueur politique, analyste en petites phrases et bévues gouvernementales ou autres mais ma capacité d'indignation est émoussée et tant d'autres le font déjà si bien…

Du coup même si les mauvais jours sont là pour qu’on apprécie mieux  printemps et été, je ne peux m’empêcher d’en déplorer le nombre. Quinze suffiraient largement…

*Mon langage se relâche quand personne n'est là.

mercredi 15 octobre 2014

Service public



Hier comme je rentrai de Vire, avant même que j’aie eu le temps de descendre de ma berline, je vis le voisin Raymond qui montait l’allée à vive allure. J’en fus un peu surpris car en dehors de nos transactions ovines, il est rare qu’il vienne chez moi. Après les salutations d’usage, il me remémora une précédente conversation durant laquelle je m’étais plaint de ce que les vaches de la ferme d’à côté avaient la fâcheuse habitude d’arracher des branches de ma haie à chacun de leur passage  avec pour résultat que cette dernière ne ressemblait  plus à grand-chose. Selon lui la solution consistait à en réduire la largeur. Or, il se trouvait qu’en ce bel après-midi, un employé du Conseil Général, au volant de son bel engin était en train de débroussailler talus et fossés en contrebas de la route. Ne serait-ce pas une bonne idée de lui demander, comme ça, si pendant qu’il était là, il ne pourrait pas s’occuper de redresser ma haie ? J’en convins, même si je n’étais pas certain que ce bon serviteur de la voierie départementale accepterait une tâche ne relevant pas de sa mission. Raymond me dit que nous n’avions qu’à attendre qu’il  arrive à notre niveau pour le lui demander. Ce que nous fîmes.

Le tracteur arrivant, le voisin lui fit signe d’arrêter, le salua et lui proposa de prendre le café* avant de lui annoncer que j’avais un problème avec ma haie et lui demanda si ça lui serait possible de le résoudre. Le gars accepta volontiers, et nous voilà partis pour le café-lichette.  Notre hôte, histoire de marquer le coup sortit même des bières !

 J’aperçus alors un bien bel insert  qui n’était pas là lors de ma dernière visite. Je lui en fis la remarque. Il me dit l’avoir acheté à ces voleurs de la coopérative. Il était en solde, car le tubage qu’il nécessitait ne passait pas par les conduits de cheminée qu’on trouvait dans le coin. Vendu deux fois, il fut ramené deux fois pour cette raison. D’où les dix pour cent de remise.  Notre Raymond prit les mesures et vit qu’il entrait dans son foyer comme papa dans maman. Il fit donc venir un fumiste qui démonta les pots du sommet de la cheminée, y introduisit un tuyau  de la dimension voulue par l’insert et constata qu’il passait sauf à un endroit où un caillou dépassait. Le sort du caillou fut vite réglé et, fort de ces information, Raymond retourna à la coopérative acheter l’objet de son désir. Seulement, il fit le gars pas sûr de lui : est-ce que ça allait convenir ? Que ferait-il si le tube ne passait pas dans le conduit ? En même temps, l’appareil était bien beau…  Seulement, s’il fallait qu’il  fasse rectifier son conduit, ça allait coûter… Finalement, comme tout héros cornélien, il arriva à une décision : « Bon, eh ben, y m’plait ben,  j’va te l’prendre quand même, et pis, si ça va pas tant pis pour moi, je le garde, et je verrai… » On peut imaginer la joie du vendeur ! Mais elle fut de courte durée. Car notre bon paysan rajouta bien vite : « Seulement, j’va pas te le prendre à ce prix-là (pris de départ 950€ moins 10 % égale 855€), tu vois, j’ai pris avec moi un chèque de 600€, si tu me laisses l’insert, je te le donne, sinon, tant pis !». Ayant fait bien du commerce, discuté bien des prix, j’avoue que sa proposition me laissa comme deux ronds de flanc, demander dix, quinze pour cents de rabais, c’est de la politesse mais trente-six, ça confine à l’insolence ! Eh bien,  après quelque hésitation, le vendeur ayant consulté son chef accepta. Conclusion du Raymond : «C’est vraiment des voleurs à la coopérative ! Si y peuvent faire des remises, comme ça, c’est vraiment qu’y s’engraissent sur not’ dos ! »
Mais on digressait, on digressait et le temps passait. Le gars de la voirie s’aperçut que s’il voulait faire le plein du tracteur au chef-lieu avant de débaucher, il n’avait plus le temps de s’occuper de ma haie. Il m’assura que ce serait chose faite le lendemain à la première heure. « Vous me direz combien je vous dois », lui dis-je. « Mais rien, faut bien se rendre service ! » fut sa réponse en partant. J’avais dans l’idée de lui donner dix Euros, mais craignant ce faisant d’avoir l’air pingre, je demandai à Raymond quelle pièce il conviendrait que je donne. « Oh, vous y donnez cinq Euros et ysera content ! ». Je décidai dans ma munificence de m’en tenir à mon idée première.  Le matin vint, la haie fut rognée et bien rectifiée. Café, biscuit, et billet aussi vivement refusé que prestement  empoché conclurent l’affaire.

Après ça on dira que le service public n’est pas efficace et que le paysan normand n’est pas un fier grigou !  Il ne me restait plus qu’à proposer à Raymond de passer prendre l’apéro à midi, histoire de lui témoigner ma reconnaissance ce que je fis, mais vu qu’il devait partir tôt, ce sera pour une autre fois…  Il ne faudra pas que j’oublie, mon crédit en dépend…

*Offrir le café, accompagné de gâteaux secs et éventuellement d’une petite rincette de calva est le B-A-BA du savoir-vivre campagnard. Comme me l’a conseillé ma compagne, j’ai donc toujours des biscuits en réserve au cas où.