Non seulement cette bête est une
grosse feignasse mais sa compagnie procure peu d'avantages.
Contrairement au chien, si vous jetez un bâton, les chances pour
qu'il vous le rapporte sont nulles. De même ne comptez pas sur lui
pour vous faire cadeau de souris mortes comme le chat. Totalement
dépourvu d'intelligence, on ne peut pas dire qu'il ne lui manque que
la parole vu qu'il lui en manque beaucoup d'autres et que s'il
s'exprimait ce serait probablement pour débiter des platitudes sur
le temps qu'il fait et se plaindre du manque de soleil.
Car le lézard aime le soleil. Au point
qu'entre automne et printemps, période ou faute de réellement
hiberner, il ralentit son activité (comme si le reste du temps il se
montrait quelque peu actif !) seul un beau soleil le fera sortir.
C'est ainsi qu'il a donné naissance au verbe « lézarder »
qui signifie s’exposer de façon immobile au soleil, paresser.
« Activité » que pratiquent certains humains qui n'ont
pas de maison à rénover en Corrèze.
En plus d'être cossard, le lézard est
pleutre, pire même : faible avec les forts, cruel avec les
faibles. C'est la conclusion que je tire de l'observation de celui
qui habite un trou dans ma maison, pas celle de Normandie où seul
un de ces reptiles se serait aventuré en 1873 et y serait mort noyé
par les pluies d'un beau jour de juillet. Je tiens à souligner que,
bien qu'il occupe un logement chez moi, il ne me paye pas plus de
loyer qu'il ne participe au règlement de ma taxe d'habitation, ce
qui serait la moindre des choses. Mais je digresse. Ce squatter passe
donc le plus clair de son temps à suivre le parcours du soleil. Le
matin, il se fait bronzer à la sortie de son trou, plus tard, il
s'aventure à une bonne vingtaine de centimètres de son repaire avec
de continuer à jouir des rayons. Dès qu'il m'aperçoit, il court se
cacher dans son antre. Comme si j'allais l'agresser ! C'est donc
un trouillard. Seulement, quand il s'agit de s'en prendre à plus
petit que soi, là, il y a du monde. Que les âmes sensibles me
pardonnent mais la scène qui suit est véridique dans toute son
horreur.
Un jour que je nettoyais mon trottoir,
je balaya par inadvertance un petit coléoptère, genre mini
hanneton. Mon coup de balai l'ayant mis sur le dos, je le remis sur
pattes, repris mon labeur et lui son chemin. C'est alors que je vis
une scène hallucinante:quittant comme une flèche son lieu
d'oisiveté, le lézard saisit dans sa gueule le pauvre insecte et,
aussi prestement qu'il était venu, partit le dévorer dans son
antre. Certains objecteront qu'il faut bien qu'il mange quelque
chose. Mais à l'instar des meilleurs et plus évolués humains ne
pourrait-il pas se contenter de grains et de végétaux ?
Imaginez la souffrance d'une araignée gobée vivante sans autre
procès !
De plus, il se reproduit. Après un
accouplement printanier, la femelle pond 2 à 9 œufs qu'elle dépose
dans un trou. Quatre à 11 semaines plus tard en sortent de petits
hooligans qui, si les couleuvres n'y veillaient, finiraient par nous
envahir. Certains penseront que se faire manger tout cru par une
couleuvre n'est, pour le lézard, pas plus enviable sort que celui du
coléoptère. Ma réponse est claire : cépapareil, padamalgam !