La première fois que j’ai décroché, une voix de femme,
apparemment jeune, me demanda si j’étais M. Seguin. Je lui exprimai mon regret
de ne pas l’être ainsi que de ne posséder aucune chèvre. Pensant avoir composé
un mauvais numéro, la dame s’excusa de m’avoir dérangé et raccrocha. Quelques
secondes plus tard, la sonnerie retentit à nouveau et la même voix s’enquit à
nouveau de ma seguinitude. Je déniai de nouveau cette qualité, et lui demandai
quel numéro elle avait composé. Il s’agissait d’un numéro local, certes, mais
pas du mien. Elle m’assura s’être appliquée en le tapant et que deux erreurs
semblables étaient peu probables. J’en convins. Toutefois, je ne pouvais me seguiniser pour lui faire plaisir. Peu après
qu’elle eut raccroché, le téléphone sonna de nouveau et la même voix se fit à
nouveau entendre. Devant ce troisième échec, la dame déclara renoncer à sa
chasse au Seguin. Elle était bredouille, j’étais perplexe.
Quelques minutes plus tard nouvel appel. On aurait aimé parler
à Christophe. Je me déclarai désolé de n’en avoir aucun sous la main et
suggérai une erreur de numéro. On s’excusa et raccrocha. Quelques secondes plus
tard, après que j’eus dit « Allo ! » d’un ton un peu agacé, on
raccrocha sans mot dire.
Ensuite ce fut une voix d’enfant. Puis une dame apparemment
âgée qui nia s’être trompée vu qu’elle était la mère de Mme Seguin. Je lui racontai
mes déboires, elle comprit ma détresse sans pour autant en cerner l’origine.
Saisissant mon téléphone, j’appelai ma compagne et lui
demandai de m’appeler pour voir s’il y avait un problème avec ma ligne. Elle
fut étonnée que se soit affiché un numéro sur son téléphone (je suis sur liste
rouge). Elle en prit note et vit qu’il s’agissait bien de celui d’un certain
Seguin, habitant un hameau à quelques centaines de mètres de chez moi. Comme aucune sonnerie ne vint ensuite, je rappelai ma compagne qui me
dit qu’à mon numéro on tombait sur le répondeur. Pas d’erreur, il y en avait
une !
Je téléphonai au service idoine d’Orange. Un automate me
demanda si c’était bien au sujet du numéro de Seguin que j’appelai. Je répondis
que non. Je tapai mon numéro mais y fis une erreur (je commençais à être un
rien nerveux) et il me fut répondu que ma ligne avait été supprimée et que je
devais contacter le service commercial.
Une nouvelle tentative où j’acceptai cette fois de parler de la ligne du
père Seguin qui était visiblement dérangée (l’accord se fait avec la ligne, pas
avec Seguin dont j’ignore tout de l’état mental !), une voix m’annonça, sur fond musical que
dans moins de deux minutes un conseiller me répondrait. Une demi-heure plus
tard, une charmante jeune femme condescendit à entendre mes doléances. Je les
lui exprimai et lui donnai un numéro erroné (je me téléphone rarement et mon
agacement montait). Le malentendu fut vite dissipé et il me fut annoncé que,
normalement, le problème serait résolu dans les 48 heures. Je lui exprimai mon
impatience et lui annonçai mon intention de débrancher le téléphone, vu la
cadence à laquelle le téléphone sonnait et lui représentai les inconvénients
que pourrait connaître Seguin en se trouvant coupé du monde. En insistant, j’obtins
que le dossier fut classé « URGENT ».
Nous en sommes là. Depuis,
bien que je n’aie pas débranché,
personne ne semble avoir voulu contacter Seguin. Je conclus de l’aventure que
les techniciens d’Orange sont soit maladroits soit facétieux…