Que vais-je bien pouvoir lire ? Alors que je suis sur le point de
terminer le dernier Robert
Rankin sorti courant novembre et que le rythme de publication de mon auteur
favori ne laisse rien espérer avant fin 2013 cette angoisse m’a saisi. Elle fut
fugace. En effet, j’ai l’embarras du choix.
Je peux renouveler mon abonnement à la médiathèque et
commander à la Bibliothèque Centrale de Prêt de la Manche tous les ouvrages qu’ils
n’ont pas et que recommandent mes blogueurs préférés. La responsable s’en fera
un plaisir tant elle a intérêt à lutter contre la désaffection du livre et les
menaces que cela fait planer sur son avenir professionnel.
Je peux lire les quelques classiques que j’ai récupérés lors
du sabotage de la bibliothèque du collège qu’opéra ma chère directrice peu
avant mon départ parmi lesquels « La Guerre et la paix » (ce qui ne
se fait pas en cinq minutes) , « Martin Eden » de Jack London
et autres « Jane Eyre ».
Je pourrais aussi, pour le quarantième anniversaire de leur
achat effectué en mai 1973, essayer de dépasser les premières dizaines de pages des deux tomes d’Ulysse.
Seulement pour que cette célébration ne soit pas prématurée, il me faudra
attendre le printemps prochain.
Mais j’ai surtout une source quasi-infinie de lecture :
les centaines de livres que j’ai déjà lus et dont je ne garde absolument aucun
souvenir. Car je bénéficie (ou souffre) d’une totale amnésie littéraire. Je suis
infoutu de me souvenir ne serait-ce que du sujet de la quasi-totalité des
livres que j’ai lu. A part bien entendu des documentaires dont le titre met
normalement sur la voie. Au point que des esprits malintentionnés pourraient m’accuser
de n’avoir pratiquement rien lu de ma vie. Alors que depuis que je maîtrise la
lecture j’ai du lire des milliers d’ouvrages. Avant même de pouvoir lire, je
tarabustais mon frère aîné pour qu’il lût pour moi. A l’adolescence, il m’arrivait
de lire plusieurs livres par jour quand j’en avais le temps. Que reste-t-il de
tout cela ? Rien ou presque.
Ce phénomène est d’autant plus intriguant que ma mémoire est encombrée d’une multitude
de faits historiques, de paroles de chansons, de poèmes, de tirades, d’anecdotes
ou de chiffres qui me rendent redoutable en matière de quizz. Je me souviens de
qui à écrit quoi mais pas de ce qu’il a bien pu y dire.
Un peu comme ce personnage de René de Obaldia qui ne lisait
que sa collection du « Petit Gaulois » des années 1880 et prétendait
qu’à peu près tout s’y trouvait, ma curiosité s’est émoussée. Et puis à quoi
bon lire des nouveautés qui bientôt sombreront dans l’oubli ? Pour en
donner de brillants aperçus à qui me lira ? Je n’en ressens aucune envie
comme je doute d’en être capable. Si l’on ajoute à ça que je consacre moins de
temps à la lecture, je crois bien avoir sous la main de quoi m’offrir d’agréables moments livresques jusqu’à la fin des temps. Ou plutôt exactement
du mien.