Comme je le disais il y a quelque temps, j’ai récupéré ma
traduction de Snuff Fiction de Robert
Rankin. Depuis, je lui fais subir une révision complète, comparant l’original à
ma version, phrase à phrase. Cela me permet de reformuler certaines passage, de
corriger quelques erreurs, de remédier à des oublis, de préciser certaines
approximations. Dans cette tâche, Internet s’avère un outil utile en ce que la
multiplication des dictionnaires en ligne permet de mieux cerner le sens d’une
expression ignorée par le Happap’s unabridged edition bien qu’il tende à l’exhaustivité.
La célèbre formule « Traduttore, traditore », tend
à présenter le traducteur comme un traitre au texte original. Comment
pourrait-il en aller autrement ? La véritable fidélité consisterait à ne
pas traduire. Ce qui réduirait le public de toute œuvre aux seuls
locuteurs-lecteurs de sa langue d’origine. Aussi près qu’il tente de rester du
texte, le traducteur ne peut aucunement rendre une foultitude de connotations,
de jeux de mots, de références culturelles plus ou moins évidentes pour son
lectorat d’origine qui pour être comprises nécessiteraient de lassantes notes
de bas de page, etc. De plus toute langue a ses caractéristiques propres. Toute
traduction de l’anglais en français a pour conséquence d’augmenter de manière
conséquente (20 à 30 %) le volume de l’écrit. Malgré toutes ses qualités
insignes, notre belle langue manque de concision, ce qui la rend moins « percutante »
(traduction peu satisfaisante de « punchy »).
Un des obstacles majeurs à la fidélité est le jeu de mot. Un
autre est la connotation. Tenter de les contourner mène soit à une perte de
sens, soit à des contorsions acrobatiques et parfois pathétiques. Ainsi ai-je
(provisoirement ?) renoncé à traduire le titre« Snuff Fiction ». Car s’il est question dans le roman de tabac
à priser (snuff), il existe un genre de films pornographiques nommé « Snuff
movies » au cours desquels un participant est réellement assassiné (de l’américain
snuff : buter, zigouiller). Comment rendre cette connotation qui bordaille
au jeu de mot ? La solution choisie face à ce genre de problèmes est de
pousser les balayures sous le tapis en choisissant un titre n’ayant rien à voir
avec l’original…
Si l’on écarte la possibilité d’’une totale fidélité, que
fait le traducteur ? A mon sens, il crée une nouvelle œuvre, inspirée, plus
ou moins rigidement guidée par le texte d’origine mais quelque chose de
totalement nouveau et qui devient à tous les sens du terme étrangère à son
auteur. Traduire est aussi un exercice enrichissant
pour qui se mêle d’écrire. C’est d’ailleurs dans le but de perfectionner mon
écriture que je m’étais lancé le défi de traduire un roman de Pratchett. J’avais
alors le vague projet d’écrire un roman. J’ai abandonné l’idée. Écrire des
billets de blog me suffit. Si la fantaisie de traduire me reprend, ce sera dans
le seul but d’occuper de manière agréable les interminables moments de loisir qu’impose
la mauvaise saison.