Peu de gens le savent (j’ai réussi à échapper aux paparazzis !)
mais en plus de la célébrissime Daimler, je suis l’heureux et fier propriétaire
d’un magnifique break Ford Focus nommé
Bôbrèque II, roi des Bôbrèques (il a succédé à Bôbrèque, premier roi des
Bôbrèques, un break Ford Escort qui me servit avec zèle et fidélité des années
durant). Né en 2002, B II se montre d’une fiabilité exemplaire si ce n’est que
son compteur de vitesse a, depuis les quatre années qu’il est à mon service, toujours eu une
légère tendance à poser des problèmes : il lui arrive de brusquement
tomber à zéro. Ça ne dure que de quelques secondes à quelques minutes, mais c’est
toujours ennuyeux car vue la manie qui a pris ces dernières années, pour notre
bien, nos chères autorités de placer des radars un peu partout et de préférence
là où rouler un peu vite ne pose aucun problème, être ignorant de la vitesse à
laquelle on circule peut être coûteux en argent comme en points. Surtout que
votre serviteur, quand ses pensées sont absorbées par les grands problèmes de
ce monde (voracité de la piéride, fourberie de l’Islandais ou du Mongol,
problèmes de cœurs de ses lectrices, etc.), tend à confier la conduite de son
véhicule à un pilote automatique situé dans des zones reculées de son cerveau,
lequel a le pied un peu lourd sur l’accélérateur, ce qui l’a parfois amené à
des excès de vitesse qui, s’ils avaient eu des témoins malveillants, lui
eussent valu un retrait de permis immédiat.
Il est particulièrement délicat de remédier à ces pannes
très intermittentes (elles peuvent s’espacer de plusieurs mois) car la seule approche
d’un garage les fait immédiatement disparaître. De plus, il est
facile de palier ses effets : le compte-tours fonctionnant parfaitement,
je sais qu’à 2000 tours, en 3e je roule à 50, en 4e à 70
et en 5e à 90 km/h. Je m’en accommodais donc… Jusqu’à ce que
vendredi dernier le compteur se mit à donner à ses facéties ordinaires une
dimension nouvelle : non seulement il tombait à 0 mais ensuite l’aiguille
se mettait brusquement à passer de l’autre côté du cadran pour indiquer l’improbable
vitesse de 220 km/h avant de retomber à zéro et que toute indication de
distance parcourue (partielle comme totale) cessât de s’afficher digitalement.
De même un Voyant Orange Non Identifié (VONI) s’alluma. Je crus prudent de m’arrêter
afin de vérifier s’il annonçait la prochaine désintégration du véhicule ou une simple usure anormale de la
glafougnette de girovagation, problème d’autant moins grave qu’une telle pièce
a le défaut capital de ne pas exister. La consultation du manuel m’apprit qu’il
s’agissait du voyant de moteur, qu’au cas où il demeurerait allumé lorsque ce
dernier tourne il serait bon de rendre une visite au concessionnaire du coin et
qu’au cas où il se mettrait à clignoter la prudence conseillerait qu’on se
rendît fissa-fissa chez M. Ford. Vu qu’il ne clignotait pas plus que la
proverbiale courbe ne s’inverse, je poursuivis ma route.
Il n’empêche que voir que, selon l’instrument de bord, je
parcours les routes sinueuses du bocage à 220 à l’heure a un côté amusant.
Toutefois, mon mépris des voyants et des bruits intempestifs m’ayant plusieurs
fois amené à me retrouver sur le bord de la route ou de l’autoroute auprès d’un
véhicule au moteur fumant, j’ai pris la sage décision de convenir d’un rendez-vous avec le bon garagiste afin qu’un
diagnostique soit établi avec le faible espoir qu’il trouve une origine à ces
petits maux. Il faut croire que vieillir me rend bien frileux…