Ma connexion Internet quasi-inexistante m'interdit de publier plus souvent. Peut-être s'arrangera-t-elle un jour ?
Eh bien, malgré les
fêtes de Noël, j’ai fini de lire le premier tome de La Guerre et la paix de M.
Tolstoï. Plus de 700 pages en petits,
très petits caractères. Je me lance avec impatience dans la lecture du deuxième
qui est juste un petit peu plus long.
Si au départ, je n’étais pas certain d’aller jusqu’au bout
tant je trouvais difficile d’identifier clairement les nombreux personnages,
tous comtes ou princes, appelés tantôt par leur
nom, leur titre, leur prénom ou encore leur diminutif. S’il est
diabolique de persévérer, je remercierai le diable de m’y avoir poussé.
En fait, certains personnages émergèrent progressivement de la multitude initiale et
vinrent de manière récurrente occuper le devant de la scène : ainsi, on
les identifia mieux, ils prirent corps, âme et vie. Même si leur cohérence morale ou affective n’était pas
toujours évidente.
Il y a longtemps qu’une lecture ne m’avait à ce point
passionné. Il faut dire que M. Tolstoï y a mis le paquet. Il nous offre une
reconstitution de ce que pouvait être la société aristocratique russe d’il y a
deux siècle. Du moins, l’idée que s’en faisait un aristocrate cinquante ans
plus tard. Il nous fait vivre des
batailles, nous emmène à la chasse au loup, nous entraîne dans d’échevelées
courses de troïkas, nous initie à la franc-maçonnerie, nous invite dans les
meilleurs salons de Saint-Pétersbourg et de Moscou afin de nous en faire
partager toute la superficialité et l’ennui, nous introduit dansle hauts
cercles politiques et nous raconte des histoires d’amour plus ou moins
crédibles. Point de vue spectacle, on en a pour ses sous !
Ce qui fait l’intérêt d’un écrivain de fiction c’est sa
capacité à créer un monde ou plutôt à donner du monde qu’il décrit une vision
si personnelle qu’il donne l’impression de le créer. On a beau avoir lu des
ouvrages sur 14-18, il n’empêche que Bardamu part pour la guerre comme personne.
Se transporter dans la Russie du début du XIXe siècle est en
soi dépaysant pour qui ne connaît ni le pays ni l’époque, en cela le Comte
Tolstoï bénéficie d’un avantage certain. Seulement, l’intérêt ne s’arrête pas
là. Si Fabrice donne une vision originale de Waterloo, notre auteur nous offre
plusieurs visions individuelles et non moins originales des batailles, chacun
de ses héros vivant son expérience du
chaos selon son tempérament ou ses
ambitions. De même, si chasser le loup à courre sort en soi de l’ordinaire, il n’y a pas là de
quoi passionner les non-chasseurs. Une course en troïka à travers la plaine
gelée ne se vit pas tous les jours en Basse-Normandie. La décrire est-il
suffisant pour fasciner les
foules ? A tout cela il faut la manière, le style, l’élan. Tolstoï a
tout ça.
Ce roman n’est pas uniquement une tentative de reconstitution
historique idéalisée ou une collection d’images de la vie mondaine, militaire
ou rurale de l’aristocratie russe il y a deux siècles. Pas non plus une série de
plus ou moins mièvres histoires d’amour. Il est tout ça et bien plus. Car ce
fatras qui au départ semble partir dans tous les sens finit par constituer un
tout cohérent et, je le répète, passionnant grâce à la vision de l’auteur. Tolstoï
fait de tout ça un monde. SON monde. Et c’est ce qui importe. Ce qui fait
aborder l’auteur et son œuvre aux rives du sublime.
Si vous ne me croyez pas, allez-y voir !