Je ne connaissais pas Yann Moix.
J'avais entendu dire qu'il travaillait chez M. Ruquier en tant que
préposé au harcèlement rageur des invités de droite mais comme je
préfère m'endormir devant Columbo le samedi soir, je ne
regarde pas On n'est pas couchés. C'est
entre autres choses par honnêteté intellectuelle : vu que je
suis couché bien avant que ne débute ce talk-show, il serait
malvenu de ma part de prétendre que je ne le suis pas. D'autre part,
de lointains souvenirs m'encouragent à penser que ce qui s'y dit ne
m'enthousiasmerait qu'à moitié.
Mais
revenons à notre Moix (prononcé Mwaks, ce qui le différencie, par
exemple, des Leroux que personne ne songe à appeler Lerouks). J'ai
lu quelque part qu'il était écrivain. Admettons. Il n'empêche que
la phrase de ce brave homme citée par les Inrocks (périodique dont
l'objectivité ne saurait être mise en doute tant il a les faveurs
de France Inter) m'a laissé perplexe. Si je comprends bien, certains
de ces Afghans de Calais (à ne pas confondre avec les Calaisiens de
Kaboul) connaissent Victor Hugo « sur le bout des
doigts », expression
imagée signifiant « très bien » d'après M. Petit
Robert. A peine ont-ils posé le pied sur le sol Français qu'on se
met à les frapper. « On » désignant probablement les
forces de l'ordre. De deux choses l'une : soit les CRS les
brutalisent PARCE QU'Hugo n'a aucun secret pour eux, soit parce que
cette connaissance approfondie du grand poète ne suffit pas pour
qu'ils les épargnent. Dans ces deux cas l'Hugophobie est patente.
Reste à en déterminer la cause.
On
pourrait-donc penser que certains Afghans, lorsqu'ils rencontrent les
forces de l'ordre, pensant les amadouer, se mettent à déclamer La
Légende des siècles ou Les
Contemplations à moins qu'ils
ne leur récitent in extenso Les Misérables
ou Quatre-vingt-treize*.
Résultat : on les frappe. La haine de Hugo serait-elle au
programme de la formation des CRS ? Ces derniers
préféreraient-ils qu'on leur récitât du Ronsard, du Vigny, du du
Bellay, du Mallarmé, du Lamartine, du Rimbaud ou du Verlaine ?
Plutôt que vers les romans du grand Victor, leur préférences
iraient-elles vers ceux de M. Moix ? Mystère !
Il se
peut tout aussi bien qu'ignorant leur parfaite connaissance du bon
Hugo, il ne les traitent que comme d'ordinaires fauteurs de trouble,
chose qu'ils ne feraient pas si ce savoir leur était connu tant ils
vouent un culte passionné à ce grand homme. On peut aussi imaginer
que ces brutalités s'expliquent par le dépit : il semblerait
en effet que la plupart de ces lettrés Afghans ne se rendent à
Calais que dans l'espoir de rejoindre la perfide Albion. Réalisant
la perte qu'un tel départ occasionnerait à la France et quel
enrichissement ce serait pour l'ennemi héréditaire, ils deviennent
violents.
Alors,
ces CRS, Hugolâtres ou Hugophobes ? A ce moment de ma
réflexion, je ne saurais trancher...
Et
puis m'est soudain venue une idée : et si, en créant une
corrélation entre des faits pas nécessairement avérés et sans
rapport entre eux, M. Moix disait simplement n'importe quoi ? Je
ne sais quel démon me l'a soufflée car comment une personne qui
intervient sur une chaîne de service public pourrait-elle divaguer ?
*Ce
qui, reconnaissons-le peut s'avérer lassant au bout de quelques
heures.