Décidément, je suis la providence des
pauvres vieilles en détresse, naguère celle d'en face avait appelé
mon secours pour rétablir la lumière en son logis, hier, comme je
préparais mes rebords de fenêtres en vue de les repeindre,
j'entendis une voix. Une vieille dame habitant à deux maisons de
chez moi m'appelait mais, vu que le vent soufflait dans le mauvais
sens, je ne compris rien à ses paroles. J'allai donc à sa rencontre
et la malheureuse m'expliqua qu'en sortant le beurre de son
réfrigérateur, ce dernier était tout mou et que la porte du frigo
refusait obstinément de se refermer.
Que faire devant tant de détresse,
sinon entrer en action ? A première vue, rien ne clochait :
aucun contenu du frigo n'en empêchait la fermeture et la porte était
bien sur ses gonds. C'est alors que je vis que la porte du freeser
faisait saillie et qu'il était impossible de la fermer. J'en aperçus
bien vite la cause : suite à une mauvaise fermeture, de la
glace s'était formée à son entrée. Je demandai à la bonne dame
si elle avait l'outil en plastique qui sert à dégivrer. Elle le
produisit sans attendre et je parvins bien vite à résoudre le
problème. En plus d'augmenter mes chances d'entrer sans attente au
paradis, cette bonne action me valut d'être récompensé d'une bonne
rasade de jus de whisky tandis que la dame se servait un petit verre
de muscat. Nous trinquâmes et discutâmes le bout de gras. Un des
avantages du vieillissement, c'est qu'on a un sujet tout trouvé :
on peut disserter à perte de vue sur ses ennuis de santé et autres
hospitalisations. Nous ne manquâmes pas de le faire. Après avoir
dit le mal nécessaire du couple de tristes loquedus dont nous
partageons le voisinage je rentrai chez moi. Quelle aventure !
Mais les choses ne s'arrêtèrent pas
là en ce samedi de grand trouble. Dans la soirée, tandis que je
ponçais ma fenêtre j'entendis d'abord des rires hystériques puis
des cris qui ne l'étaient pas moins. Il faut dire que depuis peu est
arrivé dans une maison voisine une famille antillaise dont les cris
de joie comme de peine viennent contraster avec le côté feutré
voir taiseux des autochtones. Sont-ils arrivés ici pour des raisons
de travail ? Ont-il étés assignés à résider dans notre
bourg par le Ministère de la Diversification des Campagnes afin de
lutter contre la leucodermie quasi-universelle qui y règne ?
Mystère. Toujours est-il que vendredi après midi, alors que je
ponçais ma fenêtre (corvée aussi longue que pénible) je vis
arriver deux voitures transportant des Antillais qui en
descendirent, accueillis par mes nouveaux voisins. Je ne saurais
retranscrire les cris de joie, la liesse générale qui s'empara des
arrivant comme des résidents. Les pisseuses modernes ne les égalent
pas, loin s'en faut, aux résultats du bac. C'est vous dire... Une
chose me frappa cependant : une des voitures était surmontée
d'un coffre de toit qu'on s'empressa d'ouvrir et je pus constater que
celui-ci était entièrement empli de bananes qu'à l'aide de force
seaux l'on s'empressa de décharger. J'en fus étonné.
Il semblerait que ces bananes aient été
apportées en vue d'un mariage car le lendemain se firent entendre
des klaxons. C'est je suppose au retour du banquet que les gaîtés
reprirent avant de laisser place aux cris. Je suppose que certains
jeunes ayant un peu forcé sur le Ti-punch avaient senti une sainte
colère monter en eux et les « J'nique ta mère »
entraînant les « J'men bats les couilles » en étaient
venus aux mains. Les femmes tentèrent à cris suraigus de rétablir
l'ordre,des hommes plus sages tentèrent de séparer les combattants
qui remettaient ça incessamment. La confrontation dura très
longtemps mais finit par s'apaiser...
Tout ça pour vous dire que les
amateurs de conflits exotiques se sont vus offrir un divertissement
gratuit et haut en couleur digne des plus belles banlieues de nos
grandes cités. Et tout ça sans bourse délier ! J'en suis à
me demander si ce happening était spontané ou bien si M. le maire,
désireux d'animer notre quartier de façon originale aurait organisé
ce spectacle de rue afin d'animer ce quartier par trop paisible. Je
ne manquerai pas de le lui demander lors de notre prochaine
rencontre.