..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

jeudi 12 mars 2015

Le lapin



Je me suis souvent, ici même,  laissé aller à critiquer le côté approximatif de certaines réalisations du Créateur pour que, lorsque j’en trouve une qui approche, voire atteint, la perfection on ne m’accuse pas de flagornerie. A mes yeux, l’animal qui de tous ceux qui encombrent terre, mers, eaux et air mérite de se voir crédité du plus grand nombre de qualités est le lapin.

Dès l’abord, force est de reconnaître que la nature l’a doté d’un physique particulièrement avantageux. De grandes oreilles pour bien entendre, de fortes pattes arrière pour courir et bondir, de magnifiques incisives pour ronger les carottes, un poil soyeux qui protège des rigueurs hivernales, une vue à 360° afin de ne pas rater les promotions dans les hypermarchés, qui de nous ne rêverait de partager ces avantages ?  Et du point de vue moral me direz-vous ? Là encore, rien à redire comme nous l’allons voir !

 Certains esprits chagrins veulent voir dans le terme « lapin » un nom vernaculaire ambigu regroupant divers lagomorphes. Libre à eux. Mais toute personne sérieuse quand on dit lapin comprend qu’on fait allusion à cet animal qui lorsqu’il n’est pas de garenne vit dans un clapier, se nourrit de carottes et vous salue d’un jovial « Quoi de neuf, docteur ? ». On pourrait lui reprocher d’être végétarien mais ce serait lui faire un mauvais procès et oublier bien légèrement que l’on blâme le tigre mangeur d’homme de ne pas l’être. Il faudrait quand même être un peu logique, non ?  Le lapin a beaucoup profité de la fréquentation de l’homme : de chétif qu’il était dans ses garennes d’origine, sa taille et son poids ont augmenté au point qu’un « géant des Flandres » peut atteindre jusqu’à 20 kilogrammes et mesurer un mètre. De son côté, l’homme n’a pas obligé un ingrat : sous forme de pâté ou cuisiné, entre autres, à la moutarde ou  au chou, il agrémente sa table. Il peut même sous sa forme naine devenir le compagnon de jeux des enfants avant d’être mis à mariner.

Contrairement à son cousin le lièvre, le lapin n’est pas une grosse feignasse. Quand il n’a pas eu la chance d’obtenir une HLM (ou clapier), il se creuse un terrier afin d’abriter ses petits qui naissent nus et aveugles. Bonne mère, la lapine (c’est ainsi que se nomme Mme lapin) s’arrache les poils du ventre pour leur confectionner un petit nid douillet, exemple que nos compagnes rechignent souvent à  suivre. Afin d’en éloigner les prédateurs, cette mère exemplaire se tient le jour durant à l’écart du terrier. De trois à cinq fois par an, elle met bas une portée qu’elle allaite matin et soir pendant deux semaines avant que les lapereaux n’apprennent à se débrouiller seuls. Pas de place pour les Tanguy chez les lagomorphes !  Le lapin est économe et a horreur du gâchis. Ce n’est pas lui qu’on verrait laisser perdre des provisions dans le frigo. Aussi pratique-t-il la caecotrophie qui consiste à ingérer certaines de ses déjections partiellement digérées pour en récupérer les derniers nutriments et micro-organismes.  Que nos amis écolos en prennent de la graine !

Bien qu’ayant tendance à sauter sur toutes les lapines passant à sa portée, le lapin n’en demeure pas moins un excellent père de famille. Ce n’est pas lui qu’on verrait dépenser l’argent du foyer dans les bars, au tiercé ou voter socialiste. Il aime la compagnie de ses congénères mais cultive une sainte horreur de ses prédateurs (parmi lesquels se comptent le renard, le chien et le chat). Ce trait de caractère le distingue de l’homme de gauche qui les préfère à ses semblables.

Économe, travailleur, sobre,  dévoué, ami de la famille traditionnelle, de tempérament affable, joyeux compagnon, la liste de ses qualités est interminable. Alors, pourquoi, au lieu de le vénérer, l’homme consomme-t-il sa chair ? En dehors du fait que cette dernière est savoureuse, je crois qu’il faut y voir une sorte du cannibalisme dévoyé, une manière pour l’homme de s’approprier les vertus de celui qu’il dévore bien qu’on ne voit pas ce qu’il aurait à gagner à sauter sur toutes les lapines de rencontre ou à pratiquer la caecotrophie.

mardi 10 mars 2015

Et c’est reparti !



Certains se demandent pourquoi ils travaillent. La réponse est souvent simple : pour subsister. Quand on a comme moi le bonheur d’être payé à ne rien foutre, la question se complique. Rien ne m’oblige à me donner un mal de chien à retaper ma maison. Depuis une vingtaine d’années, c’est la troisième que je rénove. Avec le temps, mes rénovations sont devenues de plus en plus complètes. Je suis passé de travaux de simple décoration à la plomberie, l’électricité, le carrelage, l’aménagement de cuisine, de salle de bain (ou d’eau), etc. Bref en dehors du gros œuvre, je suis devenu capable de remettre à neuf une masure.

J’en ai tiré une certaine fierté et dans les deux premiers cas un certain profit. Hélas, ces derniers temps, faisant évaluer ma maison, je me suis aperçu qu’en cas de vente je perdrais ce que mon bricolage m’avait jadis rapporté.  De même, quand je vois le prix auquel se vendent certaines maisons tout à fait habitables dans la région, je me dis qu’en rénover une nouvelle serait un moyen sûr de me défaire d’encombrantes économies. 

Ce constat ne m’a pas pour autant découragé. Depuis quelques jours, je me suis lancé dans un projet que l’hiver et, soyons honnête, un certain manque d’énergie m’avait fait repousser : la réfection des joints du garage. Depuis, j’alterne les joies du creusement à la perceuse à percussion avec celle du gâchage de mortier et de la confection des joints. Je ne m’étais jamais adonné à ce genre d’activité et je l’abordais avec une certaine appréhension mais, pour une fois, le résultat me satisfait d’emblée. Encore quelques semaines et, si le temps ne se gâte pas trop, je pourrai contempler le résultat de mes efforts.

J’ai même de nouveaux projets : bétonner le sol du garage et même éventuellement  habiller ses murs et plafond. Tout ça nécessitera l’achat d’une bétonnière et de divers matériaux. Ma propriété ne s’en trouvera pas pour autant valorisée d’un centime. Mais la question n’est pas là : je travaille pour le plaisir différé que relever un nouveau défi procure.

lundi 9 mars 2015

Objet insolite



Je trouve dans ma boîte à lettres Brideshead revisited de M. Waugh et Carry on Jeeves de M. Wodehouse, respectivement sixième et dixième ouvrages de ces auteurs que j’avais commandés d’occasion via M. Amazon. Oserai-je dire, au risque de souligner une fois encore ma profonde futilité, que PG me plaît plus qu’Evelyn ? Soyons fou : osons !  Même s’il est répétitif et raconte toujours la même histoire, je préfère la légèreté bon enfant de Wodehouse au ton doux amer de Waugh. Quoi qu’il en soit, grâce à eux, j’ai appris beaucoup sur les us et coutumes de la vie menée dans les demeures aristocratiques anglaises des années trente du siècle précédent. Savoir qui ne pourrait s’avérer utile qu’à condition qu’on inventât avant mon trépas une machine à remonter le temps offrant un minimum de fiabilité, qu’on me permît d’y accéder, que l’idée curieuse d’inviter chez lui un vieux plouc comme moi traversât l’esprit de quelque Lord et que, vainquant mon instinctive répugnance j’accepte de m’éloigner quelques jours durant du bocage. Conditions dont la réunion est pour le moins improbable.

Mais foin de considérations générales, venons-en au fond du problème. Alors que je feuilletais machinalement Brideshead revisited s’en échappa un rectangle de carton aux bords arrondis. Le recto, jaune en son centre tandis que deux bandes oranges en relevaient le haut et le bas, ainsi que le logo de British Railway du coin inférieur gauche, me fit d’abord penser à un billet de train. Le document avait, allez savoir pourquoi, été plié en huit, et longuement tripoté avec pour conséquence d’en effacer la plupart des inscriptions, avant d’être déplié et de servir de marque-page. Un examen plus approfondi me permit d’apprendre qu’en fait, il s’agissait d’un billet de réservation de siège. Quelqu’un, un jour effacé d’octobre 2008 avait jugé prudent de réserver sa place entre Glasgow et Londres dans la voiture A. Qu’est-ce qui avait bien pu pousser cette personne à faire ce long voyage ? Arrivé à destination, fût-ce machinalement ou dans un but quelconque qu’elle avait réduit ce rectangle au huitième de sa surface avant de se raviser et de lui trouver une utilisation ? Comment ce bout de carton a-t-il échappé à la vigilance des employés de Worldofbooks ? En eût-il été de même si plutôt que d’un document de transport périmé, le voyageur avait choisi de marquer la progression de sa lecture d’un billet de cinquante Livres Sterling ?

Autant de questions qui resteront à jamais sans réponse.

vendredi 6 mars 2015

Péché d’orgueil



Que diriez-vous d’un pauvre gars (ou d’une pauvre fille) qui se croirait si beau (belle) et si parfait(e) qu’il (elle) penserait que le monde entier ne rêve que de lui ressembler et de l’aimer ? Qu’ils auraient en leur plafond une araignée érotomane particulièrement active, non ?  Eh bien l’occident et ses satellites sont atteints de ce mal. Depuis qu’il a cessé de réellement dominer le monde il s’imagine régner sur lui par la force de sa « pensée démocratique ». 

De cela, il  déduit que la terre entière ne rêve que démocratie, culte des minorités, lâchers de ballons et marches blanches. Seulement, de tout ça, l’immense majorité du reste de la planète s’en bat (métaphoriquement, bien entendu) les génitoires. Il se pourrait même que le problème ne soit pas que l’Africain ne soit pas suffisamment entré dans l’histoire mais plutôt que l’Occidental en soit trop sorti.  

Il faut dire que nombre de dirigeants ou d’aspirants-dirigeants des pays dits émergents font mine d’entrer dans son jeu, comme on flatte les manies d’un vieillard gâteux afin, au mieux,  de bénéficier de sa bienveillance, de ses subsides et de se voir couché sur son testament et au pire d’éviter sa vindicte. Car si le ventre de la vieille bête occidentale est depuis belle lurette infécond, elle n’en conserve pas moins son pouvoir de nuisance, sa puissance et sa fortune restant immenses. On la flatte donc, on dit rêver de lui ressembler, on prétend partager ses lubies.

En fait, les « valeurs » occidentales contemporaines sont propres à une civilisation déclinante, héritière gâtée-pourrie d’ancêtres qui ont établi leur fortune sur des bases bien différentes. La domination européenne sur le monde découla d’une avance technologique doublée d’une foi totale en la supériorité de sa civilisation sur celles qu’elle asservissait. D’un point de vue « moderne », ce n’est peut-être pas joli-joli mais il en alla ainsi.

Ce qui est frappant, quand on prend le recul nécessaire, c’est que les choses n’ont pas beaucoup changé. L’Occident continue de croire détenir un modèle de civilisation universel et ne rechigne pas totalement à tenter de l’imposer par les armes (avec le peu de succès que l’on constate). La grosse différence c’est que, dans son modèle, le relativisme y  a remplacé la suprématie, le malthusianisme l’expansion démographique, le matérialisme la foi, la repentance l’esprit de conquête, etc. Partant, loin d’inspirer une sainte frayeur, il n’engendre plus chez ceux qu’il voudrait dominer qu’un profond mépris. 

Plutôt que de se borner à attendre la mort certaine mais paisible que lui assureraient ses valeurs mortifères et de se renfermer sur lui-même tant ses « valeurs » n’ont cours que pour lui, l’Occident se veut ouvert à tous vents, certain que ceux qu’il accueille ne sauraient qu’adopter ses mœurs.

Peut-être préfère-t-il le suicide à la mort naturelle ?

jeudi 5 mars 2015

Explications de votes

Je me vois contraint de l’admettre : à force de ne prêter qu’une oreille distraite aux propos de notre inestimable président, je finis par passer à côté d’enseignements fondamentaux. Toutefois, il est des formules qu’à moins d’être plus sourd qu’un pot on ne peut que retenir. Ainsi, notre cher M. Hollande a-t-il déclaré lors d’un échange particulièrement  fructueux avec des lecteurs du Parisien : « C'est un échec collectif quand un parti d'extrême droite est le premier parti de France » avant d’ajouter : « cela ne veut pas dire que ceux qui votent pour le FN soient convaincus par ses thèses ».

Comme souvent, Notre vénéré président soulève une question fondamentale. Qu’est-ce qui fait qu’on vote pour tel ou tel parti ? Une des raisons peut être qu’on a trop bu et/ou qu’on a oublié ses lunettes. Après avoir à tâtons saisi les différents bulletins, on se retrouve dans l’isoloir et faute de bien les distinguer on en glisse un au hasard dans la petite enveloppe bleue. La dyslexie explique, elle aussi bien des votes. Quand on en est affecté, l'apparente paronomase entre Sarkozy et Hollande justifie certaines confusions. Parmi les motivations des votants peuvent entrer le désir cruel de faire de la peine à ceux pour qui on ne vote pas ou à ceux qui ne votent pas comme nous, la démence sénile, un besoin de se démarquer du troupeau en choisissant celui qu’on donne perdant, la distraction qui fait qu’au lieu d’un bulletin blanc on glisse dans l’enveloppe celui, à l’envers, d’un candidat abhorré. Toutefois, comme il est probable que la proportion d’ivrognes, de myopes, de dyslexiques, de cruels, de déments, d’originaux ou de distraits est égale dans chacun des camps, en cas de duel les conséquences de ces votes ne sont pas déterminantes.

Quittons le domaine des erreurs et des sentiments pour celui des motivations sérieuses. Le physique du candidat peut être déterminant. Quoique, vue l’offre… On peut aussi choisir son poulain en fonction de l’inintelligibilité de son discours. Pour beaucoup d’intellectuels autoproclamés obscurité et bafouillage sont les deux mamelles de la compétence. On peut encore être séduit par des promesses de lendemains qui chantent, même si l’amnésie n’est pas un mal très répandu. On peut enfin voter pour une personne ou un parti parce qu’on est « convaincu par ses thèses », comme disait l’autre. Pour cela, il faudrait non seulement les connaître mais aussi que ces dernières soient plus ou moins constantes.

On ne peut donc qu’approuver M. Hollande : ceux qui votent pour le FN ne sont pas nécessairement convaincus par ses thèses. Pas plus que ne le sont ceux qui votent PS, PC, NPA, UMP, UDI, MoDem, etc. S’il n’a pas inventé le fil à couper le beurre on peut donc lui faire confiance lorsqu’il énonce la recette de l’eau tiède. Ce qui est étonnant dans ces conditions, c’est que ladite non-adhésion devienne à ses  yeux un « échec collectif ». En seraient donc à blâmer l’ensemble de la classe politique française traditionnelle et ses relais médiatiques, coupables qu’ils seraient d’avoir failli à attirer vers eux les non convaincus.

Il doit bien y avoir une raison à cela, non ?  Je vous laisse y réfléchir.

En attendant, pour qu’ils ne soient  pas venus ici pour rien, j’offre aux anglicistes une petite récréation qui prouve que quand on est brillant on l’est en toute langue :