..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mardi 14 octobre 2014

Mesures urgentes !



Hier, dans un excellent billet, Michel Desgranges déplorait la raréfaction de nos libertés concrètes,  celles  « de faire ceci ou cela sans agresser autrui ». On serait tenté de lui donner raison, alors qu’en fait  il existe un domaine où l’État fait preuve d’un coupable laxisme avec les conséquences désastreuses que l’on sait : celui de la sécurité à l’intérieur des logements.  Certes, la prochaine obligation d’y installer des détecteurs de fumée un peu partout est un pas dans la bonne direction. Mais l’ampleur des accidents domestiques est telle que ce n’est pas un pas timide qu’il faudrait pour en endiguer les ravages mais une longue marche.

Songez que l’on ne comptait pas moins de 11500 morts à leur imputer selon une étude de l’INVES de 2011. Et on ne nous dit rien des blessés !  Trois fois et demi le chiffre des morts sur la route ! Il est urgent de mettre fin à l’hécatombe ! Si le chiffre des accidents mortels de la circulation a été drastiquement réduit depuis les années soixante-dix, c’est dû aux effets combinés  de l’amélioration du réseau, d’un meilleur équipement des véhicules et aussi de mesures répressives luttant contre la vitesse, l’alcoolémie et la téléphonie intempestive*.

Il serait judicieux de s’inspirer de ce qui a réussi  sur la route pour l’appliquer au logement bien qu’on ne voit pas bien ce que l’amélioration des systèmes de freinage, l’installation d’airbags frontaux ou latéraux, de glissières de sécurité ou l’obligation du port de la ceinture pourrait apporter à la sécurité domestique.

Avant de s’attaquer à un problème, il est nécessaire de bien l’identifier  et de définir des priorités. Par exemple, la combustion spontanée de la ménagère de moins de cinquante ans, si portée sur la chose soit-elle, est un phénomène  rare. Il serait donc abusif de faire de sa prévention un objectif prioritaire. En revanche, les chutes constituent un problème réel. Deux tiers des morts en question sont âgés de plus de 75 ans et 60% de ces décès sont dus à des chutes.  Une lutte efficace contre lesdites chutes permettrait donc à 4554 septua, octo, nonagénaires et centenaires de vivre plus âgés et de découvrir ou de connaître plus longtemps les joies du Parkinson, de  l’Alzheimer ou de succomber au cancer ou à l’AVC comme il sied.

Certaines  mesures qui ont fait leurs preuves en matière de sécurité routière pourraient se montrer utiles dans le cadre de la lutte contre les chutes : port obligatoire du casque, limitation de la vitesse et lutte contre l’alcoolémie. Le port obligatoire du casque (éventuellement assorti de celui d’une combinaison intégrale rembourrée) limiterait évidemment la gravité des chutes. De même, la limitation de la vitesse de circulation domestique, contrôlée par l’installation de radars dans les couloirs ne serait pas non plus dénuée d’effets. Que ce soit avec ou sans déambulateur, une trop grande célérité lorsque l’on entend qu’on sonne peut en effet entraîner dérapages ou collisions avec les meubles, le chat ou le chien… Quand au contrôle de l’alcoolémie ses bienfaits sont évidents : combien de vieillards tenant, en fin de repas, à montrer à leurs descendants leurs  talents de danseurs (sirtaki, kasatchok ou lambada) ont connu une fin dramatique en chutant de la table ? De même, est-il bien raisonnable de se lancer dans l’ascension de l’escalier quand on dépasse allègrement les trois grammes dans chaque bras** ?

Bien entendu, afin de vérifier que ces réglementations sont respectées, il faudrait que soit créé un corps de police du logement chargé d’infliger aux contrevenants de fortes amendes. 

Certains anarchistes  ou autres asociaux verront dans ces mesures d’urgence on-ne-sait-quelle limitation de leur liberté. Dieu merci, l’immense majorité des Français en verront tout l’intérêt et ne manqueront pas de réclamer que d’autres règlementations soient instaurées afin de sauver encore plus de vies***.

*censée déconcentrer le conducteur. Toutefois une étude américaine a mis en évidence que bâillonner les belles-mères hargneuses et les enfants braillards (et, dans certains cas paroxystiques, les ligoter) serait également  bénéfique pour la concentration des conducteurs (trices).
**L’installation d’éthylotests connectés au système d’ouverture de la porte de la cage d’escalier  serait hautement recommandable.
***A ce propos, lorsqu’on déclare que grâce à telle ou telle mesure N vies ont été épargnées, il serait judicieux qu’une liste nominative desdits épargnés accompagnât ladite déclaration : cette dernière n’en serait que plus convaincante.

lundi 13 octobre 2014

Jock, chien de choc (2)



Jock était affectueux de nature et le manifestait avec sa fougue habituelle. Ainsi,  bien qu’il ne l’ait jamais rencontré, la vue de Peter, un ami anglais venu nous rendre visite, provoqua en lui le  désir irrépressible de lui exprimer son affection naissante. Bondissant  sur lui,  il lui appliqua les pattes sur la poitrine avec pour conséquence de le faire tomber sur le dos du haut de son mètre quatre-vingt-dix. Dieu merci, sans qu’il en fût blessé…

Un jour ensoleillé, l’assureur vint nous rendre une de ces visites de courtoisie qui entretiennent l’amitié. Le temps était beau et le brave homme avait revêtu un costume de lin blanc du plus bel effet. Jock se rua vers lui pour lui faire la fête. Hélas, il venait de traverser une flaque de purin qui s’écoulait d’un tas de fumier  voisin. On ne peut pas dire que le costume de l’assureur fut amélioré par les traces brunes qui maculèrent  ses beaux vêtements.

Le facteur paraissait l’apprécier. Sous  prétexte de lui caresser  la tête, il le maintenait à distance afin d’éviter qu’il ne lui témoignât son amitié de trop près en s’écriait avec son fort accent campagnard, « Oh, c’est un bon chien ça, il est joueur, hein, il est joueur ! ». Hélas, je pus constater  sa duplicité un jour qu’ayant exceptionnellement rentré ma voiture au garage il me crut absent  et en guise de mamours il lui décocha un coup de pied accompagné d’un « Fous le camp sale bête ! », dévoilant la vraie nature de ses sentiments mais me rassurant quant au manque d’agressivité du chien qui, d’un coup de dent, eût été en mesure d’améliorer son ordinaire d’un mollet de facteur bien gras.

Enfin, et c’est ce qui provoqua la fin de notre histoire, Jock était fugueur. Tant que nous restâmes à la campagne ça ne portait pas à conséquences.  Les fermiers chez qui il tentait de s’installer se contentaient de me téléphoner pour me demander de venir chercher mon chien ou me le ramenaient. A Amboise, comme je le narrai hier, il fut recueilli par de brave gens qui le nourrirent et qui, ayant des amis en mal de chien le leur proposèrent. Ainsi s’expliqua que pendant quelques jours ni la SPA ni la mairie ne purent nous donner de nouvelles de notre animal. Nous patrouillâmes les rues de la ville jusqu’à pas d’heures  la première nuit. Nous mîmes des affichettes dans les commerces, en vain. Et puis la mairie nous contacta pour nous annoncer que notre chien était retrouvé ! Ses adoptants étaient revenus à de meilleurs sentiments, suite aux deux fugues qu’avait faites Jock durant son bref séjour chez eux…

Nous quittâmes Amboise pour Châteauroux afin d’y monter un magasin. Le bâtiment possédant une cour fermée d’un portail, nous y laissions le chien la nuit après avoir fini nos travaux d’aménagement quotidiens. Il y bénéficiait d’un abri et de plus d’espace que ne lui en aurait offert le petit studio que nous avions provisoirement loué.  Un soir que j’ouvrais le portail afin de quitter le futur magasin, je fis remarquer à ma femme que Jock semblait s’y plaire, vu que ses velléités de fuite avaient disparu. C’est alors que, nous bousculant, il s’enfuit dans la nuit.  Nous bondîmes dans la voiture et passâmes une bonne partie de la nuit à sillonner la ville en tout sens sans en trouver trace.  Ma femme téléphona à la SPA le lendemain, puis le jour d’après et là on lui annonça qu’en effet, un chien correspondant à sa description leur avait été signalé comme ayant été recueilli par des gens possédant une  grande propriété dans la Brenne et qui étaient désireux de le garder si personne ne le réclamait.  Femme de décisions rapides, elle raccrocha sans plus attendre. Ainsi, Jock disparut-il de notre vie…

Bien sûr, ma femme regretta  son compagnon. Mais peut-être qu’à courir bois et étangs il mènerait une vie qui lui conviendrait… Ces regrets se mêlaient,  pourquoi le taire, d’un certain soulagement.  Car autant évoquer, plus de trente ans après, ses multiples incartades, et les dommages  à autrui qu’elles entraînaient peut divertir, autant elles étaient parfois difficiles à vivre au jour le jour le jour.


Ne possédant plus aucune photo de l'animal, j'en ai trouvé une d'un chien qui lui ressemble : 

dimanche 12 octobre 2014

Jock, chien de choc (1)



A la demande générale de trois commentateurs, je vais évoquer de nouveau Jock, ce chien de choc que nous rencontrâmes alors qu’il donnait libre cours à son côté joueur avec les poules  du regrettable Père Milien.

S’il fallait définir en quelques qualificatifs cette calamité faite chien, les plus appropriés seraient goinfre, farceur, affectueux  et épris de liberté.

La goinfrerie de Jock était sans bornes. Alors qu’il n’était encore qu’un chiot, nous allâmes dans la Vienne tuer le cochon.  Peu méfiants, nous fîmes l’erreur au retour de ne pas l’attacher hors de portée des sacs contenant la viande et la charcuterie tirées du suidé. Le malheureux, probablement tenaillé par la faim, vu qu’il ne venait de dévorer qu’une seule énorme gamelle de pâtée parvint, avec discrétion à extraire du boudin d’un sac et à en engloutir un morceau de presque un mètre. Nous en fûmes plus sidérés que chagrins.

Un jour que notre voisin attendait sa famille pour le déjeuner, il mit son rosbif à refroidir sur le rebord de sa fenêtre. Mal lui en prit car Jock avisant la pièce de viande décida d’ajouter ce supplément carné à son régime et nul n’en trouva trace.

Il arriva qu’ayant trouvé  une odeur bizarre à un canard ayant trop longtemps séjourné dans le congélateur, je décidai d’en faire cadeau au chien après l’avoir fait bouillir dans une marmite à l’extérieur  afin d’éviter que ses arômes n’empuantissent la maison. C’est alors que j’assistai à une scène étonnante :  Jock, impatient, les larmes aux yeux, entamait  son repas en arrachant des lambeaux de chair au canard toujours plongé dans l’eau bouillant à gros bouillons.

Lors d’une fugue (car il fuguait, le bougre mais nous y reviendrons)   ceux qui le recueillirent nous racontèrent qu’une fois dominée la crainte que leur inspira la présence du molosse mollement allongé sur le pas de leur porte, le voyant affectueux et inoffensif, ils lui proposèrent une bonne gamelle. Il l’engloutit avec un appétit qui rendait difficile d’imaginer qu’il venait d’en dévorer une avant de s’enfuir de chez nous. Craignant que la pauvre bête abandonnée ne souffre de famine après une longue errance, ils lui en offrirent une autre, plus grande qu’il s’empressa de faire disparaître avec la même célérité, ce qui les confirma dans l’idée que Jock avait dû connaître une longue période de privations.

Facétieux en diable, il l’était, ainsi lors d’une de ses nombreuses escapades, s’empara-t-il du bâton dont s’aidait pour marcher une pauvre vieille, laissant celle-ci, incapable de se déplacer, au milieu d’un chemin peu fréquenté jusqu’à ce qu’un passant vint à son aide…

Bien que nous le sortions afin qu’il fit ses besoins, M. Jock, à notre insu, avait trouvé un autre moyen de se soulager. De la terrasse de l’appartement que nous occupions alors à Amboise, il sautait prestement sur le toit du voisin, et y déposait ses énormes étrons  qui de là roulaient dans la gouttière et finirent par la boucher. Nous apprîmes ce manège lorsque nous vîmes un homme outré sonner à notre porte, un seau à la main.  Il nous expliqua, le visage empourpré de rage, qu’inquiet de voir des infiltrations de liquide brun souiller la blancheur immaculée du plafond de son couloir, il était allé inspecter ses gouttière et qu’horreur il en avait extrait DEUX PLEINS GRANDS SEAUX de merde de chien. Il avait tenu à nous en apporter un comme preuve de la véracité de ses dires. Je dois avouer que j’eus bien du mal à dominer le fou-rire que me provoqua la scène. J’y parvins cependant et lui proposai de l’indemniser,  de clore d’un haut grillage l’accès à son toit. Sa rage tomba ainsi et il repartit avec son seau sans pour autant m'en restituer le contenu …

Notre voisin dont les talents de rôtisseur furent évoqués plus haut, aimait beaucoup Jock, il lui apprenait des tours et avait une relative autorité sur lui. Certains soirs, ce célibataire arrivait, bouteilles sous les bras, pour nous offrir l’apéro. Nous le gardions à dîner et lorsqu’il y avait des frites au menu, il s’amusait à s’en mettre une dans la bouche et invitait le chien à venir s’en emparer. Tout se passait très bien à la plus grande satisfaction de Jock et du voisin jusqu’au jour où, emporté par l’enthousiasme, le chien mordit non seulement la frite mais le nez de notre bon voisin qui se mit à saigner abondamment….

samedi 11 octobre 2014

Commentez sans modération !



La modération n’est pas un des traits dominant de mon caractère ou de mon comportement.  On ne se refait pas, surtout à mon âge.

Un triste personnage dont la vie doit être d’un vide sidéral et l’équilibre mental plus que précaire tente pourtant depuis quelques jours de me pousser à installer la modération des commentaires en multipliant des interventions stériles  puis en redéposant toujours le même commentaire inepte après que je l’ai supprimé.  Dans la totale stérilité des son esprit dérangé a du naître l’idée que  son comportement obsessionnel viendrait à bout de ma patience. Il se trompe.  Je suis bien plus têtu qu’il ne saurait être maniaque.

Depuis trois ans qu’existe ce blog, une harmonie s’y est instaurée. Des commentateurs y viennent régulièrement donner leur avis sur tel ou tel point et je les en remercie.  Dire que c’est un lieu de débat serait exagéré,  vu que nous ne sommes pas ici sur un forum. En général, les intervenants partagent peu ou prou mes opinions sur la piéride, la Mongolie, la culture du flageolet ou la remarquable efficience de notre excellent gouvernement. C’est pourquoi il est m’est arrivé d’en rencontrer certains qui sont devenus des amis tandis que j’échange par mails avec d’autres.

En conséquence,  je me refuse à laisser détruire le climat bon enfant qui a toujours été de mise ici par un personnage qui ne semble pouvoir exister qu’en semant la zizanie et dont on se demande de quelle nature peut bien être la satisfaction qu’il en tire.

Je me contenterai donc de supprimer systématiquement ses interventions. Comme je ne passe pas mes journées devant l’écran, il arrivera forcément que celles-ci demeurent des heures avant de se voir effacées.  N’y prêtez aucune attention.

Là-dessus, je retourne au jardin, finir d’installer la centaine de plans de fraisiers qui au printemps prochain  fourniront à foison de savoureuses baies.

Bonne journée à tous et prompt rétablissement à M. « Léon ».

vendredi 10 octobre 2014

Patrick Modiano



Ainsi M. Modiano vient à la surprise générale de se voir attribuer le prix Nobel de littérature. Ce n’est pas rien. Le voici l’égal des Tomas Tranströmer, Wisława Szymborska, Mo Yan pour ne citer que les plus prestigieux lauréats de ces dernières années !

Ce qui rend la surprise moindre, c’est qu’il a écrit des livres. Il eût été plus étonnant qu’il se fût vu attribuer le Nobel de Médecine, de physique ou de macramé-pâte-à-modeler.

Mais je me montre moqueur. C’est d’autant plus condamnable que j’ai été, un temps fut, un lecteur enthousiaste du grand Patrick. La Place de l’étoile me l’avait révélé et j’ai encore dans ma bibliothèque treize de ses romans, soit pratiquement tout ce qu’il a écrit entre  1968 et le début des années quatre-vingt dix. J’aimais son style limpide, l’étrange ambiance qu’il savait créer  avec ses personnages énigmatique évoluant dans un monde interlope et sur lesquels planait l’ombre d’un passé trouble. De plus, au fil de leurs déambulation, à condition de se munir d’un plan de Paris, on pouvait, comme le souligna ironiquement je-ne-sais-plus-quel-critique, devenir incollable sur le VIIIe arrondissement. Ce qui est utile à qui rêve de devenir chauffeur de taxi.

Ce qui provoqua ma lassitude, c’est le curieux sentiment de déjà vu que finirent par provoquer en moi la lecture des derniers romans que je lus de lui. Je l’ai déjà dit, en matière de littérature, je suis atteint d’amnésie. Un livre si beau soit-il, ne laisse en mon esprit quasiment aucune trace. Nom des personnages, intrigue  s’évaporent au point qu’un esprit malin pourrait me soupçonner de n’avoir jamais rien lu. Accessoirement, je ferais bien piètre figure dans les salons où on cause littérature. Il m’arrivait même d’acheter un livre que je possédais et avais déjà lu et de ne me rendre compte de mon étourderie qu’en le rangeant à côté de son jumeau. 

Avec Modiano, j’eus l’impression contraire : alors que j’entamais son dernier roman paru, j’avais le sentiment de l’avoir déjà lu. Sensation ressentie  auparavant avec les écrits de Pierre Benoit et Françoise Sagan. J’en vins à la conclusion qu’en fait, il n’avait écrit qu’un roman qu’il déclinait à l’infini  en en changeant le nom des personnages et en modifiant légèrement leur itinéraire à travers le VIIIe. Je cessai donc de le lire.

Mon jugement est probablement outré. Surtout que cet unique roman perpétuellement remâché est de qualité.

Toutefois, il y a une chose qui ne me lasse jamais chez cet auteur : ses interviews. Son élocution hésitante, ses phrases jamais terminées, ses perpétuelles corrections d’assertions non émises, le labyrinthisme de sa pensée que cela révèle, me réjouissent. Je me demande l’effet que les inévitables interviews que lui imposera  la presse étrangère aura sur des auditeurs non-avertis et plains d’avance les courageux traducteurs qui lui serviront de truchement et dont l’aptitude professionnelle se trouvera à jamais remise en cause…