..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

samedi 13 septembre 2014

Pêche aux huitres




La pêche à pied est une tradition familiale. Du plus loin que je me souvienne je l’ai pratiquée avec mon père et mon oncle à Louannec. Ce dernier, métallurgiste, confectionnait les outils nécessaires à la capture des proies que nous offraient les grèves de Louannec, particulièrement celle de Nantouar. Nous capturions ormeaux, poulpes, crabes rouges, dormeurs, étrilles, anguilles (dans les herbiers à l’embouchure d’un ruisseau côtier), et blontecs, sortes de poissons-chats bruns dont je n’ai jamais connu le nom français. Nous revenions généralement musettes et sacs bien garnis. Du moins jusqu’au début des années soixante où un hiver très rigoureux fit disparaître les poulpes. Puis vinrent les marées noires qui n’arrangèrent pas les choses. Et puis aussi les marées humaines. Dans les années cinquante, seuls quelques locaux  se livraient à cette activité. Puis le littoral s’est construit et tout le monde s’y est mis, pêchant tout et n’importe quoi, ne remettant pas les cailloux en place. On a même aménagé un parking à Nantouar pour éviter les problèmes que posaient les dizaines de voitures anarchiquement garées le long de la route étroite qui y menait. Moins il y avait de prises possibles, plus il y avait de monde !  A la fin des années quatre-vingts j’initiai ma fille à cette activité. Mais le cœur n’y était qu’à moitié. Retourner des tonnes de roche pour revenir avec trois malheureux crabes ou étrilles manquait un peu d’attrait. Et puis nous avons vendu la maison du bord de mer que nous avions en indivision et j’ai cessé d’y aller.

Il y a plusieurs années déjà, nous étions allés à Gouville-sur-mer et, sur les rochers, nous avions trouvé des huitres en quantité. C’était à cause de l’activité ostréicole qui s’y pratiquait. Je suppose que des sacs s’éventraient et que des huitres en profitaient pour reprendre la vie sauvage. Le temps étant particulièrement beau et le coefficient de marée encore haut, nous décidâmes hier d’aller en pêcher… Seulement tout change et, loin d’être couverts d’huitres comme jadis, les rochers ne montraient plus que leur pierre noire tachée ici et là de quelques berniques. Mais, comme faute de grives on  se contente de merles, nous avions un plan B :  la coque. Seulement de coques à Gouville il n’y avait point. Quelques coups de râteau au hasard me permirent de récolter quelques coquillages dont je n’étais pas certain qu’elles fussent des palourdes. J’en acquis l’assurance auprès d’un gars qui passait. Il était équipé d’un râteau spécial-palourdes et du seau réglementaire et me dit se diriger vers un coin où elles abondaient. Nous le suivîmes et nous arrêtâmes en un lieu ou, après quelques coups  de griffe elles se trouvèrent  foisonner. Seulement, elles n’avaient que rarement les 4 cm autorisant leur prise. Toutefois, en insistant, nous finîmes par en récolter plus d’un kilo. Nous complétâmes notre butin par des berniques, animal délicieux quoique coriace qu’il est nécessaire, comme l’ormeau, de battre avant de le préparer, sauté au beurre avec ail et échalotes. Ces gastéropodes étant injustement méprisés*, il est aisé d’en ramasser en frappant un coup sec à leur base. Si on rate le premier coup, inutile d’insister : elle devient indécollable. Vu que j’avais apporté un burin pour les huitres sauvages, en un rien de temps, j’en fis une bonne collecte.

Et voilà le travail :


La chasse au haricot vert et à la tomate cocktail de ce matin ne fut pas mauvaise non plus :


*En Bretagne personne ne les ramassait et par conséquent les rochers étaient couverts d’énormes spécimens. Lors de mon mariage, les vendéens du côté de mon épouse n’en crurent pas leurs yeux, un peu comme des avares découvrant l’Eldorado. Ils repartirent après en avoir rempli de pleins sacs à patates !

jeudi 11 septembre 2014

11 septembre



Cette date reste souvent attachée à l’étourderie  d’un contrôleur aérien stagiaire à l’aéroport de New-york qui créa bien des dégâts en 2001. Cependant ce jour qui, pour les vrais républicains reste le 25e du mois de Fructidor (officiellement jour de l’écrevisse), fut marqué au fil des siècles par bien des événements majeurs.

C’est un onze septembre qu’ 

  • en 1217 fut signé le traité de Lambeth dont tout le monde se fout comme de l’an 40
  • en 1349 Jehan Debain inventa son célèbre maillot  qui ne trouva d’usage que quelques siècles plus tard
  • en 1609 M. Ravaillac découvrit que le bon roi Henry lui faisait porter des cornes et qu’il commença à concevoir des idées de vengeance
  • en 1619 fut découverte l’île de Manhattan
  • en 1638 Tiburce Lampion prit la décision de ne pas renouveler son abonnement à la Gazette de Théophraste Renaudot qui selon lui ne publiait qu’ « un ramassis de conneries »
  • en 1709 que le Maréchal de Villars infligea une sacrée déculottée  au général Marlborough à Malplaquet
  • en 1747  Léonce Labourdingue, peintre en bâtiment, conseilla à son apprenti Pierrot de s’accrocher au pinceau tandis qu’il enlèverait l’échelle, action devenue depuis un gag hilarant
  • en 1802 Napoléon Bonaparte annexa le Piémont
  • en 1862 Fulgence Chafouignard gagna haut la main le tournoi municipal de bilboquet organisé par la mairie de Romorantin
  • en 1914 se termina la bataille de Lemberg durant laquelle l’armée russe mît la pâtée à ces bouffons d’Austro-hongrois
  • en 1932 Ernest Savello, boulanger à Châteauroux, créa un pain qui donna l’idée à un de ses clients d' un accessoire très apprécié des cyclistes

Depuis rien de bien notable si ce n’est qu’en ce 254e jour de l’an de grâce 2011 fut créé ce blog qui, depuis,  quasi-quotidiennement, participe modestement à l’édification des masses populaires comme des élites les plus raffinées.  

mercredi 10 septembre 2014

Mon père, ce héros ? (Reconstitution d’un puzzle) (2)



Comme disait l’autre, "les sirènes du port d’Alexandrie chantent encore la même mélodie (wowo), les lumières du phare d’Alexandrie font naufrager les papillons de ma jeunesse (Ha !)"… Tout ça c’est bien beau mais la mélodie des sirènes lasse à la longue et une fois que les papillons ont fini de naufrager, on s’emmerde en Égypte. Et puis on est bien ennuyé. Car l’Amiral est fidèle à Pétain et il suffirait de descendre la passerelle du cuirassier pour rejoindre la France Libre. On vous y encourage même. J’ai lu un jour un tract que mon père avait conservé : il enjoignait aux marins de déserter afin de retourner au combat sous peine de se voir, la victoire venue, invités à quitter la marine. Seulement, contrairement à aujourd’hui, à cette époque les héros étaient rares. Il faut dire que jusqu’en quarante-trois, l’issue de la guerre était plus qu’incertaine, miser sur le mauvais cheval pouvait porter à conséquences. Et puis surtout, je crois qu’un jeune homme entre vingt et vingt deux ans qui a passé sa jeunesse en pension et le reste dans la Marine préférerait découvrir un peu ce qu’est la vie plutôt que d’aller au casse-pipe pour une cause si noble soit-elle…

Mon père ne déserta pas mais en juin 1943 l’amiral se rallia à Alger où depuis le débarquement allié de novembre 1942 s’était déroulé un mic-mac politique d’une complexité rare. L’amiral Darlan une fois assassiné, la préférence américaine alla au général Giraud avant que sous l’impulsion de Jean Moulin un accord soit trouvé entre Giraud et De Gaulle qui se partageront un temps le pouvoir. Entrer dans les détails de cet imbroglio politique serait long mais instructif tant à l’époque les lignes sont encore bien délicates à tracer et changeantes  entre gaullistes et crypto-pétainistes. Donc, l’escadre quitte, non sans mal, Alexandrie : trois ans d’immobilisation avaient permis à des colonies de coquillages d’en bloquer les hélices. Traversant le canal de Suez, via le Cap de Bonne-Espérance et Dakar, le  Lorraine rejoindra l’Algérie et son armement y sera  modifié à Oran en 1944 avant de participer au débarquement de Provence et à la libération de Toulon. Je suppose que mon père a participé à ces opérations bien qu’il n’en ait jamais parlé. Auparavant, l’amiral Godfroy, dans le cadre de l’élimination des giraudiste se verra mis en retraite d’office par décret  en décembre 43 (ce décret sera annulée par le conseil d’état en 1953).

La guerre finie, toujours marin, il rencontra ma mère et l’épousa en novembre 1945. Le 26 mars 1946, fut votée la loi de « Dégagement des cadres ». La démobilisation avait pour conséquence logique la réduction de l’encadrement. Dire que le choix des dégagés ait été totalement exempt d’arrière-pensées politiques serait faire preuve d’une grande innocence. Officier marinier, mon père se retrouva sur le carreau. Enfin, pas tout à fait : on lui laissa le choix entre la porte et le volontariat pour l’Indochine. Jeune marié, ayant eu sa dose d’exotisme, il choisit la porte. Ainsi s’achevèrent sept ans et demi d’ « aventures ».

Résumons-nous : mon père ne fut pas de ceux qui, habités par un idéal supérieur (ou simplement dévorés par l’envie d’en découdre), se ruèrent vers les combats. En fait, il suivit le  mouvement. Un amiral gaulliste en aurait fait un Français Libre et par conséquent un héros (peut-être même un héros mort, ce qui est encore plus beau). La prudence  amena son chef à un ralliement relativement tardif qui ne lui valut rien de bon. A terme, ceux qui lui avaient obéi connurent le même sort. Ces temps étaient aussi complexes que troublés. Que les Américains aient porté au pouvoir Darlan, qu’ils aient ensuite accordé leur préférence à Giraud, deux grands chefs militaires dont l’hostilité à Vichy manquait  pour le moins d’évidence, en est la preuve. Dieu merci, soixante-dix ans ayant passé, tout est devenu limpide et d’une simplicité biblique : les alliés n’ont jamais cessé d’être droits dans leurs bottes et le camp du bien clairement défini.

Qu’aurais-je fait en de telles circonstances ? Je n’en sais rien. Sauf invention de la machine à remonter le temps je n’aurai jamais 18 ans en 1938 (et même en ce cas, au cas où on me le proposerait, je ne suis pas certain d’avoir envie de monter dans ce foutu engin). Je pense que comme l’immense majorité des gens, je serais resté dans l’expectative en tentant de survivre là où les hasards de l’existence m’auraient placé.

Oh, et puis tiens, puisqu’en France tout est censé se terminer par des chansons, un petit Brassens en guise de conclusion. A noter que cette chanson, en nos temps de grand héroïsme, aurait bien du mal à connaître le succès…


mardi 9 septembre 2014

Mon père, ce héros ? (Reconstitution d’un puzzle) (1)



En cette année de grandes commémorations et suite à des questions de ma fille, j’ai été amené à m’interroger sur ce que fut exactement la guerre de mon père. J’avais quelques indices, saisis au fil de conversations : Canada, Alexandrie, Le Cap, Dakar, Algérie,  il en avait vu du pays… Mais il en parlait peu. D’où mes malentendus. Pour moi, il avait passé sa guerre immobilisé en Égypte, attendant loin des tumultes que les affaires se tassent. Et puis je me suis mis voici quelques jours à faire des recherches. Elles bouleversèrent l’idée que je me faisais de la légende paternelle.  Y a –t-il le moindre intérêt à évoquer des faits familiaux vieux de soixante-dix ans et plus ? Je pense que oui, car au-delà de la personne qui les a vécus, ils peuvent montrer la distance qui existe entre la version manichéenne qu’on nous vend aujourd’hui et ce que fut la réalité d’hommes pris dans une tourmente dont les enjeux les dépassaient et à qui leur marge de manœuvre paraissait aussi réduite que celle d’un bouchon flottant sur l’océan.

Le 5 décembre 1938, lassé d’années passées en pension chez les bons Montfortains à l’école apostolique « Le Calvaire » de Pontchâteau (Loire Atlantique), peu soucieux de devenir un de ces missionnaires que tendait à former l’établissement, mon père décida d’abandonner ses études pour devancer l’appel et intégrer la Marine Nationale. Ayant il y a bien longtemps lu le règlement de l’école, il me fut aisé de concevoir que comparée à la vie scolaire, celle d’un militaire pouvait sembler une porte ouverte sur l’anarchie et le confort. Seulement, si les bons pères étaient très forts sur la discipline, les offices, les lectures édifiantes en latin  et autres prières, ils avaient tendance, ce faisant, à tenir leurs disciples peu au fait des troubles qui agitaient le Monde. En cette fin 1938, mon père n’était aucunement informé des préoccupants bruits de bottes qui laissaient présager  la prochaine guerre. Ce ne sont pas ses rares séjours chez ses parents qui ignoraient radio comme journaux et parlaient un français très approximatif qui auraient pu le renseigner sur les bouleversements en cours et en préparation.  D’une certaine manière, comme disent les anglais, il avait sauté de la poêle dans le feu…

Toujours est-il qu’il assista avec effarement à la mobilisation à  Rochefort où on laissait les chevaux réquisitionnés, faute de fourrage, crever de faim attachés à des arbres après en avoir dévoré écorce et branches basses. Ça sentait  bon l’organisation… Le souvenir suivant fut un voyage à bord du cuirassé Lorraine à Halifax, au Canada, en novembre 1939 afin, selon lui, d’y mettre à l’abri une partie de l’or de la Banque de France. Ce qu’il ressentit comme un indice du peu de confiance que le gouvernement avait dans le sort de nos armes. Un article sur la question dément son avis sur la question : il ne s’agissait que d’assurer le paiement comptant des armes commandées aux USA comme l’exigeait la pratique du « Cash and carry » instaurée par Roosevelt. Après avoir participé à diverses opérations avec la marine anglaise et à diverses missions visant à parer une intervention italienne en Méditerranée Orientale, vient la débâcle et toujours sur le Lorraine, navire amiral de la Force X, mon père quitte Toulon pour se rendre à Alexandrie, elle y parvient en Juin. La flotte s’y trouve encore lors du déclenchement de l’Opération Catapult déclenchée par les Britanniques afin d’éviter que la Marine Française ne tombe aux mains des Allemands. Il s’agissait de saisir ou de neutraliser les bateaux de guerre français si nécessaire en employant la force. Ce fut le cas à Mers el-Kébir où la marine anglaise attaqua les navires français provoquant près de mille morts. Ce qui ne facilita pas la poursuite de bons rapports entre ces « alliés ».  A Alexandrie, il en alla autrement. Il se trouvait que l’amiral Cunningham et l’amiral Godfroy étaient beaux-frères et s’estimaient. Ils atteignirent donc un gentlemen’s agreement, l’escadre française fut désarmée et mon père put, trois ans durant(et non cinq comme je l’avais jusqu’ici pensé ) goûter aux joies plus ou moins exquises d’un exil égyptien sous contrôle britannique…

Ce qui, comme nous le verrons,  n’irait  pas sans poser de menus problèmes…

lundi 8 septembre 2014

Courrier des lecteurs (2)



Cher Jacques,

J’ai été séduite et abandonnée par un putain d’enculé de politicien de merde qui m’a jetée comme un vieux kleenex.  Aussi aimerais-je niquer sa race à ce fils de pute. J’ai bien pensé à lui arracher les yeux et les couilles ou à  défoncer à grand coups de talons sa face de raie pourrie et ses bijoux de famille mais il a des gardes du corps, ce triste connard…

Vous qui comprenez si bien l’âme humaine, pourriez-vous m’indiquer ce qui selon vous serait le meilleur moyen de faire pleurer sa race à ce salopard de bouffon ? 

Amicalement,

Valérie T.


Valérie, Valérie, Valérie !

Je vous sens quelque peu contrariée par l’inconstance de votre ex. Vous laissez la colère vous submerger, vous rêvez de vengeance et ce n’est pas bien. Car la vengeance est une réponse à la violence qui ne saurait engendrer que plus de violence encore. 

Croyez-moi, abandonnez cette idée! Ayant moi-même ressenti des douleurs insignes, plutôt que de laisser libre cours à mon ire, j’ai trouvé un moyen de renouer avec la sérénité : coucher sur le papier (ou sur un document Word) le récit de mes heurs et malheurs. Essayez de le faire. Vous verrez  griefs et peines s’atténuer et, en y mettant le point final, vous serez prête à reprendre le cours de votre vie, l’âme apaisée.
C’est de cette manière que j’ai pu reprendre confiance en l’existence et surmonter les souffrances que m’avaient infligées piérides, merles et autres campagnols.

Faites bien attention cependant à ce que nul autre que vous n’ait accès à votre récit car s’il venait à être, d’une manière ou d’une autre, rendu public les aspects regrettables qui ont pu ternir votre belle histoire pourraient nuire quelque peu à votre ex, surtout que d’après le peu que vous m’en dites, il semble occuper un poste important…

Amicalement,

J. Étienne