Ma compagne ayant tendance à regarder BFM plus que ne
nécessiterait sa simple information des faits marquants du jour, j’entends de l’étage
l’écho de reportages dont le moins qu’on puisse dire est que leur manque
d’intérêt n’est pas rehaussé par leur passage en boucle. Ça donne à peu près ça :« Ernest
Glafougnot, vous êtes au bureau du nième
arrondissement de Marseille où M. Gaudin, Maire sortant, vient de voter…» « Tout
à fait Frédégonde, M. Gaudin a voté à 10 h 49 dans ce bureau où peu à peu
les électeurs viennent déposer leur bulletin dans l’urne… » Suit un court reportage montrant le Maire de
Marseille en plein vote tandis que le responsable du bureau déclare « A
voté ! » Nombre de reportage du même tonneau suivent qui montrent MM.
Truc, Bidule, Machin-chose et Dugenou (célèbres vedettes du parlement et des
ministères parisiens) accomplissant leur devoir de citoyen.
On a également envoyé quelques spéciaux à des endroits
supposés être plus où moins le lieu de combats électoraux significatifs : « Bernadette
Bzscrchrwski, vous êtes devant la mairie d’Hénin-Beaumont, quelle est l’ambiance ? »
« Eh bien Frédégonde, seuls ou par petits groupes, les électeurs
arrivent depuis ce matin et semblent
plus nombreux que s’il y en avait moins… »
Le chef du service politique vient de temps à autre commenter ces non-événements : « Eh
bien, tout ce qu’on peut dire, à l’heure qu’il est, en l’absence de chiffres, c’est
que si l’abstention augmente, il y aura moins de votants, en revanche, une forte
mobilisation aurait l’effet inverse. A qui profiterait l’abstention, ou au
contraire la mobilisation est difficile à déterminer, vu que tout dépend de qui
s’abstient ou se mobilise. Tout ce que je peux dire, c’est que si les électeurs
se prononcent en masse pour l’opposition, ce sera une défaite pour la majorité
tandis que si on assiste à un maintien des positions acquises, rien ne sera vraiment
bouleversé… » « Merci Gérard pour ces intéressantes précisions, et bien
entendu, vous interviendrez pour de nouvelles analyses dans notre prochain
journal... »
Tout ça est bien ennuyeux. Et pourquoi cela ? Parce que
personne n’y met du sien. Voici ce que
je suggère pour rendre moins lassant de tels événements.
Revenons sur le cas du Maire de Marseille et imaginons qu’images
à l’appui, Ernest Glafougnot nous livre les commentaires suivants : « Eh
bien oui, Frénégonde, M. Gaudin a voté, et le moins qu’on puisse dire est que
ce vote laissera des souvenir dans les annales des scrutins marseillais.
Accompagné de son brass band et de ses charmantes Jean-Claudettes, le candidat à
sa propre succession a, en opérant en compagnie de sa suite une chorégraphie
impeccable, serré la main de toutes les personnes présentes avant qu’un triple
salto arrière ne l’amène, suivi d'une série d’entrechats à collecter les différents
bulletins qu’il glissa entre ses bretelles et sa chemise. Un grand soleil l’amena
jusqu’à l’isoloir, d’où il sortit et d’un preste élan bondit sur la table où il
effectua un numéro de claquettes tout à fait remarquable au son de l’orchestre qui jouait « I’m singing in the rain »
tandis que les scrutateurs et les personnes présentes l’accompagnaient en
frappant dans leur mains et en tapant du pied. S’immobilisant devant l’urne, il
y glissa, d’un geste où l’élégance le disputait au naturel, son enveloppe. Se
levant d’un bond, les scrutateurs, verre à la main entonnèrent sur l'air de la Marseillaise : « Il
a très bien voté, buvons à sa santé, il a, il a, il a voté, buvons à sa santé ! »
sous les applaudissements de l’assistance tandis que d’un pas ferme et décidé
le maire de Marseille sortait du bureau de vote pour regagner la limousine municipale… »
Quand à Bernadette, au lieu de faire le poireau en sortant
des phrases oiseuses devant une mairie
où il ne se passe strictement rien, voilà ce qu’elle pourrait dire : « Je
suis bien devant la mairie, et je vais vous donner en temps réel les résultats que nous avons pu collecter
grâce au réseau de micro-caméras que notre équipe technique avait dès hier
placé dans tous les isoloirs de la ville. La liste « Un maire pour notre ville »
a obtenu 437 suffrages tandis q’ « Un siège pour notre candidat »
en rassemblait 10 274. Les listes « Un avenir pour le futur », « En
avant vers demain » et « Pour une ville urbaine » enregistraient
respectivement 3, 27 et 0 votes. 98% des
électeurs s’étant prononcés, on peut d’ores et déjà dire que, sauf
bouleversement de dernière minute, la liste USPNC menée par Aristide Chamulot,
est bien placée pour l’emporter dès le premier tour… »
Pour ce qui est du chef du service politique, il serait
impoli de dire ce qu’il pourrait faire de ses fines analyses. Il ferait mieux d’attendre
que l’on ait des résultats sérieux pour nous balancer ses âneries.
Voilà ce que pourrait être une journée électorale si
candidats et journalistes acceptaient de quitter la routine et faisaient preuve
d’un minimum d’initiative.