L’autre jour,
Didier Goux s’en prenait au mot « juste » que d’aucuns collent partout. Je n’avais jamais remarqué ce tic de langage. Et depuis je l’entends partout. C’est juste trop injuste. Surtout que ce juste vient s’ajouter à ma bête noire personnelle, le « voilà ».
La manie de parsemer son discours de centaines de « voilà » est agaçante en soi, mais pas très grave. Après tout, si quelqu’un juge plus expressif de vous dire : « Bonjour voilà, comment voilà ça va voilà ? C’est une innocente manie. Un rien ridicule.
Là où les choses ce gâtent c’est quand ce présentatif se substitue à tout énoncé. Exemple : « Voilà, je vais voter François Hollande parce que, voilà, il est… voilà et que je suis, de gauche et que par conséquent je suis… voilà». Ce « voilà » lourd de sens se doit d’être précédé d’un léger temps d’hésitation le faisant apparaître comme le résultat logique d’une réflexion. Alors qu’en fait il ne dit absolument rien. Chacun peut donc remplacer les « voilà » à son gré, selon ses préjugés ou ses orientations.
Ma phrase d’exemple pourrait devenir pour un réac comme moi : « Je vais voter François Hollande parce qu’il est totalement insignifiant, que je suis, de gauche et que par conséquent je suis attiré par le vide». Un plus pessimiste comprendrait : « Je vais voter François Hollande parce qu’il est le mieux à même d’abaisser la France , que je suis, de gauche et que par conséquent tout ce qui peut nuire à ce pays me plait». Un Batavophile, ne riez pas, ça existe, comprendrait : « « Je vais voter François Hollande parce qu’il est le seul capable de redresser ce pays ravagé par dix ans de gouvernements de droite dont cinq années de dictature sarkoziste , que je suis, de gauche et que par conséquent je suis pour le progrès social, la réduction des inégalités, la justice fiscale, le vivre ensemble, et que François, aidé par le Front de Gauche et EELV saura donner au pays un nouvel élan lui faisant tourner le dos aux années noires que nous venons de traverser et bla bla bla…»
« Voilà » permet toutes les projections que l’on veut. On pourrait imaginer qu’à terme, si l’on n’y prend garde, ce mot finisse par remplacer tous les autres. Ainsi un débat sur la taille optimale de la betterave à sucre dans l’Union Européenne, pourrait se dérouler ainsi :
- Alors, voilà, nous parlerons aujourd’hui du voilà, pour cela, nous avons invité, M. Voilà, qui est voilà au… voilà et M. Voilà qui au contraire milite pour le voilà au sein du voilà. M. Voilà, quelles sont les voilà qui justifient selon vous que l’Europe opte pour le voilà ?
- L’Europe ne saurait se passer d’un voilà parce que, voilà, le voilà est voilà…
- Permettez, M. Voilà. Mais tous les voilà militent en faveur du voilà et la voilà que vous menez depuis voilà mènent le voilà au voilà !
- Je vous prierai de rester voilà, M. Voilà. Vous n’avez rien à voilà en me voilà. Tous les voilà sont voilà que nous sommes voilà et c’est bien ce qui vous voilà…
Dans le fond, ça ne changerait pas grand-chose…