Je regardais M. Morandini qui interrogeait les élèves d’un lycée proche de la gare Saint-Lazare qui sont en grève. Décidément, la jeunesse n’a pas changé. Du moins celle qu’on nous montre. Elle est bien blanche et s’exprime dans un français grammaticalement correct. Celle qu’on rencontrerait dans bien d’autres endroits d’Île-de-France et d’ailleurs, serait probablement très différente. Et ça me rajeunit, ça me rappelle mon mai 68 au lycée de Rambouillet ou le peu que j’ai supporté d’en voir…
Bien biberonnés idéologiquement par leurs profs, ces jeunes bourgeois se déclarent anticapitalistes, solidaires avec les ouvriers, antifascistes et tout ce qu’il faut pour paraître dans le coup et pourvu d’une belle âme. C’est presque touchant. De ces révolutionnaires en carton, combien le resteront, une fois qu’ils auront acquis un minimum d’expérience ?Alexandre Sanguinetti, vieux baroudeur gaulliste, niait que la jeunesse pût être un problème vu qu’’on était sûr qu’elle passerait. Comme il avait raison me disais-je alors que j’étais moi-même bien jeune. Je fais également mienne la phrase de Paul Nizan « J’avais vingt ans et je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »
Si la jeunesse des individus passe, la jeunesse, elle, se régénère de génération en génération. On découvre l’imperfection du monde et on se croit capable de le changer. De manière radicale, souvent. C’est pourquoi les totalitarismes de quel bord qu’ils soient (communisme, nazisme, fascisme) ont toujours tenté et souvent réussi à embrigader la jeunesse afin de créer « l’homme nouveau » de leurs rêves mais jamais durablement. La jeunesse est malléable, toujours prête à se rallier à des idéaux, à embrasser des causes, à se battre. C’est d’ailleurs elle que les vieux manipulateurs envoient au casse-pipe.
La jeunesse bourgeoise se rallie en masse à l’écologisme, à l’anticapitalisme, à l’« antifascisme ». Dans les classes populaires, elle penche vers l’autre bord. La jeunesse musulmane est ouverte à l’islamisme. Chacun choisit sa cause. Certains s’y tiendront plus par confort que par conviction. Un peu comme on répugne à se séparer d’une vieille paire de pantoufles très usées mais dans lesquelles on se sent à son aise. D’autres évolueront au fur et à mesure de leurs expériences heureuses ou malheureuses. Leurs jeunes suivants adopteront les slogans à la mode de leur époque et ça recommencera…
C’est pourquoi, quitte à choquer ces derniers, je pense que miser sur les jeunes pour changer le monde est illusoire. Le monde change tout seul, inéluctablement. Il faut croire au rôle prépondérant des mouches du coche pour penser que ces changements sont liés durablement aux variations idéologiques des générations plus qu’aux transformations économiques et technologiques qui l’affectent.