Certains de nos compatriotes ont un
goût immodéré pour les révolutions. Ils en attendent une en
permanence. Parce que ça ne peut plus durer. Parce que la coupe est
pleine. Parce que trop c'est trop. Parce qu'on n'en peut plus. Parce
que, parce que et, j'allais l'oublier, aussi parce que.
Alors de temps en temps on en fait une.
1789 (La Grande), 1830, 1848, 1871... Je ne parlerai pas de 1968 qui
ne fut jamais
à mes yeux autre chose qu'un grand monôme. Ces révolutions, à
part la commune de 1871 ont été suivies par un changement de
régime. Ce ne sont pourtant pas la seule origine des nombreux
changements de types de gouvernement que connut notre pays. Il y eut
des coups d'état (1799, 1852), des défaites militaires
(1814,1815,1870, 1940), un complot (1804), une libération (1944) et
le retour de De Gaulle (1958), soit en 230 ans une douzaine. Qui dit
mieux ?
Depuis quelques semaines certains en
attendent une nouvelle. L'idée de toute révolution est de changer
un maximum de choses voire tout et, évidemment, d'apporter un
bonheur et une liberté jusqu'à elle rêvés. Les résultats finaux
sont plutôt décevants car en général elles ne mènent à terme
qu'à l'établissement d'un régime autoritaire qui par bien des
côtés rappelle le précédent. Un pas en avant, un pas en
arrière...
Cependant, les choses changent pas
nécessairement GRÂCE aux révolutions mais plutôt suite à des
évolutions. Car les données économiques et sociologiques changent,
entraînant une évolution des mentalités. En France, on nous
bassine avec la République, fille de la Grande Révolution de 1789,
sans laquelle nous ne serions que des esclaves. Bizarrement, il
semblerait que bien des pays n'ayant pas connu cette merveilleuse
transformation (qui prit tout de même quasiment un siècle pour
s'imposer) soient largement aussi démocratiques que le nôtre. Dire
que les Britanniques, les Suédois ou les Danois connaissent encore
le servage provoquerait, à juste titre, les rires.
Je pense que pour expliquer le
phénomène des révolutions, utiliser la métaphore du séisme est
pertinent. Le séisme est dans bien des cas la conséquence de la
tectonique des plaques qui fait que s'accumulent les pressions à
l'endroit de leur rencontre jusqu'à ce que l'énergie accumulée se
libère lors de secousses. De la même manière, la révolution se
produit lorsque les conflits entre gouvernants et gouvernés, faute
d'avoir été résolus pacifiquement arrivent à un point de non
retour et provoquent une réaction violente. Il faut de plus que le
mouvement revendicatif populaire trouve face à soi un pouvoir faible
ou pour le soutenir une grande partie de la population. Sinon, le
pouvoir l'emporte et on ne parle que d'émeutes. Lesquelles, si
elles sont graves et largement répandues amènent toutefois les
gouvernants à réformer en partie leur politique.
La révolution n'est dans tous les cas
qu'un rattrapage du retard pris par un régime par rapport à
l'inévitable évolution des sociétés. Dans le meilleur des cas
elle remettent les pendules à l'heure, dans le pire elle les avance
tellement qu'un retour à l'exactitude devient nécessaire.
Cela dit, je crois que ceux qui
pensent qu'aujourd'hui, dans notre beau pays, une révolution est sur
le point de se produire se trompent. Ne serait-ce que parce que, sans
être pleinement satisfaits de leur sort, une majorité de nos
concitoyens craint d'avoir plus à y perdre qu'à y gagner.